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La Libération nationale et sociale des régions d’Europe : histoire d’une utopie fasciste [1941-2001]

Par Nicolas Lebourg

Ethno-nationalisme impérialiste par définition, le fascisme a toujours disposé dans sa dialectique interne d'une composante européiste. Porteur d'imaginaire par nature, il est, depuis 1945, rattaché aux dystopies par l'essentiel des masses. A ce problème, il a répondu par un réarmement lexicologique basé sur des emprunts à gauche (d'où sa référence permanente à partir des années 70 au programme de 1930 du Parti Communiste Allemand réclamant "la libération nationale et sociale du peuple allemand") et par la production d'une nouvelle utopie géopolitique : l'édification d'une Grande Europe, de Reykjavik à Vladivostok, fédérant des régions mono-ethniques (Euskadi, Catalunya, Ulster, Occitanie, etc.).

Des ruines idéologiques et militantes des fascismes allemands et italiens émergent ainsi praxis et utopie européistes. Le discours émis, mimétisant celui de la gauche extrême, systématise le « droit à la différence » en ethnodifférencialisme et mène l’anti-impérialisme à l’organicisme. L’horizon d’attente dégagé réintroduit la perspective utopique dans l’offre politique des démocraties de marché, mais au bénéfice d’une réhabilitation des politiques et pensées racistes.

Les Décombres

Pour la propagande de la Waffen SS la guerre s’était muée en combat de libération de l’Europe à l’encontre d’un judaïsme perçu tel l’ennemi culturel, racial et géopolitique (maître occulte des USA et de l’URSS). Conséquemment, l’anéantissement du judaïsme ouvrait la voie à un Empire continental unifiant des groupes ethno-culturels reconnus dans leur diversité[1]. La volonté d’édification d’une Europe-puissance, troisième voie entre l’URSS et les USA, est le premier redéploiement d’après-guerre de ce thème, mis en avant dès la formation du Mouvement Social Européen (1951) par d’ex-collaborationnistes et Waffen SS ouest-européens. Toutefois, le cadre de la guerre froide entraîne les fascistes dans le camp des droites atlantistes et de la « défense de l’Occident ». Le combat pour le Katanga et pour l’Algérie française voit les extrémistes belges, italiens et français collaborer parfois très étroitement : c’est l’échec de ce combat qui produit la mutation idéologique.

C’est à Venise, en 1962, que des responsables néo-fascistes italiens, allemands, anglais et belges cosignent une proclamation les engageant à former un parti européen luttant pour la « libération » de l’Europe des troupes soviétiques et américaines. Le programme se base sur celui de Sir Mosley, le leader historique de la British Union of Fascists : l’Europe serait une nation qui devrait jouir d’un tiers de l’Afrique. Cette Eurafrique partagerait avec les USA l’influence sur l’Amérique du Sud, tandis que les pays arabes constitueraient une zone tampon entre elle et l’URSS. Si Mosley présente ses idées comme neuves, il s’inspire du programme de la Repubblica Sociale Italiana qui préconisait une fédération européenne des Etats nationalistes (1943). Celle-ci devait engager la lutte contre la « ploutocratie mondiale » et organiser la valorisation de l’Afrique, appuyée sur les nationalistes musulmans. Quant à l’idée eurafricaine, elle fut un élément de débat politique dans la France de l’entre-deux-guerres et séduisit certains dignitaires nazis – Hitler lui-même ne fut pas sans se référer à cette idée[2].

Si le projet de 1962 n’a pas abouti, il est poursuivi par un des membres de la réunion, le belge Jean Thiriart. Ancien collaborationniste et contact de l’Organisation de l’Armée Secrète, il met en place une structure paneuropéenne, Jeune Europe[3]. Recyclant la formule franquiste, JE désire l’Europe « Une, Grande, Libre » : un unique Etat jacobin où les questions culturelles et linguistiques ne relèveraient plus que du domaine privé. Selon Thiriart, l’impérialisme étasunien constitue l’ennemi principal, et il emprunte aux Révolutionnaires conservateurs de Weimar la dénonciation de l’Occident comme nom de l’impérialisme libéral. Face au « bloc impérialiste » (i.e. les USA et Israël) il en appelle à une jonction entre nationalistes européens, arabes et communistes est-européens. Celle-ci devrait mener à une Europe unie de Brest à Bucarest et à une Nation arabe – toutes deux nationalistes, socialistes, unitaires. Thiriart est en contact avec divers régimes et groupes arabes et il leur propose de constituer des Brigades européennes, inspirées des Brigades Internationales, qui viendraient aider à détruire Israël avant de former l’ossature d’une armée de libération de l’Europe[4]. Partout en Europe, le guérillero vietnamien et le fedayin palestinien deviennent les modèles de ce néo-fascisme ultra-minoritaire[5].

Différencialisme

Cependant, le centralisme de Thiriart est souvent rejeté. En France, se produit vers 1968 un éveil des régionalismes qui débouche parfois sur des structures terroristes. Le modèle est la cause basque : lui est repris l’identification aux mouvements de libération du Tiers-Monde et son aura anti-fasciste. La dénonciation corse de « l’Etat colonialiste » français se fait dès 1967 en affirmant que celui-ci, par le jeu de l’immigration, vise à détruire l’ethnie corse. La pression idéologique assurée par le mouvement corse, parfois proche de Nationalistes-Révolutionnaires (NR), mène à une extension de la revendication « identitaire ». La propagande vers la société civile et l’échange culturel avec ses avant-gardes aboutit ainsi à une influence sur la société politique[6].

C’est là, précisément, la stratégie du « gramscisme de droite » telle que définie par la Nouvelle droite française. Du suprématisme blanc des années 60, son utopie évolue à partir du début des années 70 : elle exige dorénavant la séparation du monde en blocs ethno-culturels et délaisse le vœu ethno-régionaliste pour celui d’une Europe fédérant des nations régionalisées. La ND reprend la critique de l’Occident de la Révolution conservatrice allemande et du philosophe fasciste Julius Evola[7]. Ces militants ayant précédemment combattu au nom du dit Occident contre la décolonisation, ils le déplacent sur les USA. Pour parodier Maurras et Corradini tout à la fois, on peut dire qu’ils opposent l’Europe réelle à la légale, l’une étant une « nation prolétaire » se devant de se libérer du joug international bourgeois, l’autre étant une décadence rationaliste fruit de cet Occident libéral.

Est également actif, l’emsav, le mouvement breton, qui dénonce la « colonisation » de son pays par la France. L’ex-collaborateur et régionaliste breton de toujours, Yann Fouéré, rejette le concept de Nation-Europe pour proposer une Europe fédérée des régions mono-ethniques qu’il nomme « l’Europe aux cent drapeaux ». La formule est constamment reprise et son livre est préfacé par Alexandre Marc, l’une des têtes pensantes de la mouvance non-conformiste des années 30. Celle-ci rejetait les  matérialismes soviétique et américain et la nation jacobine au profit d’une Europe des régions. Marc et ses amis étaient le contact français du Schwarze Front (« Front Noir ») d’Otto Strasser, la scission de « gauche » du parti nazi[8]. Strasser, inspiré par les Révolutionnaires conservateurs et Spengler, prôna tout à la fois une désagrégation de la société industrielle et urbaine, un démantèlement ethnique de l’Europe et la création d’une zone de coopération économique européenne couvrant l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Engagé après-guerre dans le neutralisme allemand, il offre aux radicaux de toute l’Europe un dogme qui n’est pas délégitimé par le judéocide. En France, la conception d’une Europe des ethnies est alors popularisée, entre autres, par l’ écrivain à succès  et ex-Waffen SS Saint Loup – le fascisme français ayant mué le fédéralisme du « socialisme français » (Proudhon, etc.) en « socialisme européen ». C’est l’idée que les NR cherchent à reposer en usant du régionalisme : « Racialistes, ethno-différencialistes, tous les [NR] le sont ou devraient l’être. Comme les Corses, les Basques ou les Bretons »[9].

Ce combat cite volontiers la Chine maoïste, mais derrière elle ce sont les idées de Strasser qui sont placées. En Allemagne est également redécouvert un autre contact de Strasser, Ernst Niekisch, la figure la plus radicale de Révolution conservatrice. Le modèle de son « national-bolchevisme » était la Russie stalinienne, perçue comme ayant réalisé sa propre Volksgemeinschaft[10]. Subséquemment, il désirait voir se réaliser une révolution völkisch menant à un Empire avec la Russie, de Flessingue à Vladivostok – la Révolution conservatrice allemande considérant que l’Allemagne est une colonie de l’Occident[11].

Les NR allemands intègrent dès lors l’ethnodifférencialisme de la Nouvelle Droite française aux thèmes de Niekisch pour se revendiquer d’une lutte anti-impérialiste de libération des unités ethno-culturelles, avec en exemple la cause basque. Ils reprennent, comme les NR de Weimar jadis, une citation de Lénine : « Faites de la cause de la Nation la cause du Peuple et la cause du Peuple sera celle de la Nation », et cette formule devient la devise de tous les NR d’Europe. Ils lancent aussi à cette époque le mot d’ordre « Identité nationale et solidarité internationale ». C’est autour de ce mot « identité » que va s’axer ensuite, des néo-nazis jusqu’aux nationaux-populistes, une grande part de la rhétorique extrême droitière[12].

Sonderweg européen et Révolution völkisch

 

Ce sont en fait les concepts de Sonderweg et de Schicksalsgemeinschaft qui ont été déplacés de l’Allemagne sur l’Europe[13]. L’américain Francis-Parker Yockey, marqué par Spengler et ayant participé au MSE, a influencé l’extrême droite européenne, dont la proto-ND, dans sa dénonciation d’un ennemi juif tenant Israël, USA et URSS dans le but de détruire la culture et la race européenne : « We shall continue until Europe is freed from its enemies, and the European banner floats over its own soil from Galway to Memelland and from North Cape to Gibraltar. Europe Awake !« [14]. L’injonction est symptomatique, rénovant le chant SA Deutschland Erwache (« Allemagne Réveille-toi ! (…) Brise tes chaînes ! »)[15]. La formule avait été reprise au compte de la France par les collaborationnistes du Parti Populaire Français. C’est encore le cas après-guerre avec Jeune Nation, l’OAS-Métro-Jeunes, le Mouvement Populaire Français (section d’une internationale guidée par Otto Strasser), Occident et Ordre Nouveau. La forme européiste se retrouve dans le matériel de propagande des Français des Groupes Nationalistes-Révolutionnaires, du Parti Nationaliste Français, de Nouvelle Résistance, d’Unité Radicale, chez les Belges de JE et du Parti Communautaire Nationaliste-européen, chez les néo-nazis anglais de Combat 18, etc.

Au nom de l’anti-impérialisme, les néo-fascistes reprennent l’argumentaire inventé par l’URSS et repris par les mouvements nationalistes arabes : Israël serait une nation raciste, impérialiste, l’égale de l’Allemagne nazie. Ils usent de la diffusion de ces idées pour affirmer que les peuples d’Europe connaissent une situation analogue. Le monde blanc devient une grande Palestine occupée et colonisée par ce que les néo-nazis américains ont nommé « ZOG » (« Zionist Occupation Government« ), expression qui, par le biais d’internet, s’est diffusée dans le monde entier durant les années 90. Les Européens sont dits être les victimes de l’impérialisme colonialiste américano-sioniste qui viserait à détruire leurs cultures (impérialisme culturel américain), leurs Etats (développement des structures supra-nationales), et leurs ethnies (par l’immigration productrice de métissage et qui serait en fait un « génocide » des peuples européens). Est ainsi produite une modernisation de « l’anti-impérialisme » anti-occidental de l’extrême droite de Weimar et de l’idée hitlérienne d’une universalité complotiste d’un (alors éventuel) Etat israélien[16].

 

C’est en ce sens qu’est interprété la proclamation étasunienne d’un « nouvel ordre mondial » (1991) : Les NR d’Europe fondent un Front Européen de Libération qui reprend ainsi le nom du groupe de Yockey, des idées de Thiriart et Strasser, et le slogan L’Europe aux Européens. Si les nationalistes des années 60 et 70 concevaient cette injonction comme une réponse à la doctrine Monroe (1823), elle est aussi entendue ici dans son sens ethnodifférencialiste[17]. Il s’agit de réclamer la préservation du substrat racial et culturel européen par le biais d’une opposition au libéralisme, à l’immigration, à l’Occident (i.e. USA et Israël), et le soutien à toute lutte ethno-culturelle. Si le FEL multiplie les marques propagandistes à gauche, ils réinventent ainsi également à son corps défendant le Nouvel Ordre Européen (1951), scission néo-nazie du MSE qui fut à l’avant-garde des thèses ethnodifférencialistes et d’invention d’un complot sioniste de génocide européen via l’immigration[18].

Le FEL permet de renouveler les praxis : les Français de Nouvelle Résistance et les Espagnols d’Alternativa Europea s’échangent imprimeur, graphisme, stratégie, textes, slogans, etc.[19] Les uns évoluent pour créer Unité Radicale, les autres recopient cette évolution pour donner naissance au Movimiento Social Republicano[20]. En 2001, suite à une réunion des deux à Perpignan, les deux organisations éditent conjointement un autocollant catalaniste antisioniste / anti-impérialiste[21]. On a là la synthèse de la triple transformation du néo-fascisme européen : internationalisation de la doxa et de la praxis, métapolitisation, structuration en rhizome[22]. Ceci permet également des essais d’entrisme : sur l’emsav par Europa Riezel (« l’Europe impériale ») qui regroupe membres de la ND, néo-nazis et ex-MPF ou collaborationnistes bretons, sur les Verts en France, Allemagne, Pologne, Grande-Bretagne, Espagne et Italie par le FEL[23].

Enfin, la fin du XXe siècle a vu se faire un apport russe. Dans les années 80, Thiriart en était arrivé à souhaiter une invasion de l’Europe par l’Armée rouge et soutenue par les nationalistes, estimant qu’une Europe stalinienne « de Reykjavik à Vladivostok » serait plus proche de son idéal qu’une union démolibérale. Avec la chute de l’URSS, les NR se saisissent un temps en bloc des symboles du communisme et se revendiquent derechef nationaux-bolcheviques. Alexandre Dugin, eurasiste russe aujourd’hui proche du pouvoir poutinien, devient un nouveau maître à penser de cette mouvance, arguant que « la Troisième Rome, le Troisième Reich et la Troisième Internationale [sont des éléments qu’il faut connecter] dans la révolte contre le monde moderne ». Il s’agit pour lui de bâtir un Empire eurasien qui soit une société organique qui se base sur la conception impériale d’Evola[24]. C’est finalement la guerre du Kosovo d’abord, mais surtout le 11 septembre 2001 et la Seconde Intifada, qui transmuent ces idées. Une grande part des néo-fascistes passent à l’idée que c’est l’Islam qui est l’ennemi principal et redécouvrent l’utopie d’une solidarité blanche USA-Russie-Europe dans un continuum völkisch.

Conclusion

Face au « mondialisme », analysé comme étant l’instrument américano-sioniste de destruction de l’Europe, s’est édifié une nouvelle utopie qui a permis de se démarquer des extrêmes droites conservatrices, tandis que ce nationalisme grand-européen permet de contrer l’argument faisant de la Nation des nationalistes un concept suranné à l’heure européenne.

D’une part, est prônée une utopie géopolitique : l’édification d’un Empire eurasien fédérant des régions mono-ethniques. Cette utopie offre un horizon d’attente aux militants. Mais, d’autre part, à l’aune des Réflexions sur la violence de Georges Sorel, qui marquèrent tant les extrêmes droites européennes, ce n’est pas d’une utopie dont il est question mais d’un mythe, i.e. d’un récit mobilisant l’action. Néanmoins, ce que Sorel nommait l’utopie est aussi d’importance. Pour lui, l’utopie menait au réformisme, car un projet idéal aboutirait à ce que l’on se contente de mesures permettant de s’en rapprocher[25]. Or, dans cette perspective, cette utopie ne peut mener en termes de réformes partielles qu’à des mesures contre l’immigration : si la nationalité est un critère juridique l’identité régionale ici défendue est basée sur des déterminants ethno-culturels qui interdisent toute intégration. In fine, cette utopie travaille à la réintégration de données raciales au sein de l’espace public. Elles sont émises en un cadre, l’euro-régionalisme, qui jouit d’une modernité certaine puisque : a) il correspond à une évolution du cadre juridique européen ; b) la proximité apparente de ses schèmes avec ceux de l’alter-mondialisme lui confère une séduction qui fournit pourtant une légitimation aux mesures visant à l’établissement d’une société fermée et mixophobe.

Il s’agit donc d’une perpétuation du « reactionary modernism » (Jeffrey Herf, 1984), inscrite dans le schéma  utopiste, i.e. celui d’une « résistance à la modernité (…) qui se marque par son refus de l’hubris et de l’illimitation, et par le résidu du monde ancien (pré-moderne) qu’[il] transporte »[26], d’où le poids des références à Evola et à la Révolution conservatrice allemande (nation comme colonie de l’Occident, orientation à l’Est, union des « peuples opprimés » et « nations prolétaires », etc.). Il s’agit, en définitive, d’un fascisme conséquent, puisqu’il lie tout ensemble révolution culturelle et géopolitique[27]. Le virage européiste de la propagande nazie et du collaborationnisme ont ainsi donné forme au néo-fascisme. Ce dernier ne naît donc pas après la guerre mais durant celle-ci, marqué par la composition ethno-nationale de la Waffen SS post-1941 et son utopie néo-impériale dirigée contre le mythe du judéo-américano-bolchevisme.


[1] Cf. Signal, Berlin, 1940-1944 [revue SS éditée en 24 langues].

[2]Cf. Mosley, Oswald, La Nation Europe, Nouvelles Editions Latines, Paris, 1962, Portal, Georges (trad.) ; BLOCH, Charles, Le IIIe Reich et le monde, Imprimerie nationale, Paris, 1986, p. 432 ; BRUNETEAU, Bernard, « L’Europe nouvelle » de Hitler / Une illusion des intellectuels de la France de Vichy, Le Rocher, Monaco, 2003, pp. 94-99 ; « Manifeste de Vérone », Manifestes pour une Gauche fasciste, Ars, Nantes, s.d. (1943).

[3] Le nom reprend celui d’une organisation européenne nazie, certes elle même en référence dévoyée au républicain italien Mazzini .

[4] A Bucarest en 1966, il eût demandé à Zhou Enlai que la Chine passe du dogme d’une lutte trilatérale à un front quadricontinental intégrant une guérilla européenne anti-américaine. Cf. THIRIART, Jean, Un Empire de 400 millions d’hommes : l’Europe, Jean Thiriart, Bruxelles, 1964 (significativement traduit en espagnol sous le titre évocateur ¡ Arriba Europa! et en allemand par Das Vierte Reich : Europa – « Le IVe Reich : l’Europe »); idem, La Grande Nation / L’Europe unitaire de Brest à Bucarest, Ars, Nantes, 1998 (1965) ; La Nation européenne, Paris, mensuel animé par Thiriart, 1966-1968 ; De Jeune Europe aux Brigades Rouges / Anti-américanisme et logique de l’engagement révolutionnaire, s.e., s.d. (édité en Espagne, Belgique, Italie, France).

[5] En particulier en Italie où la jonction à la base entre néo-fascistes et maoïstes est parfois sporadiquement réussie. Cf. FREDA, Franco, La Désintégration du système, Ars, Nantes, s.d. (1969), MUTTI, Claudio (préface) ; DUPRAT, François, L’Ascension du MSI, Les Sept Couleurs, Paris, 1972.

[6] En 1992, l’Assemblée de Corse réclame l’instauration de la corsication des emplois, i.e. de l’embauche sur critère ethnique. S’ensuit l’adoption d’un plan de « développement identitaire » basé sur l’enseignement public. Cf. Lefevre, Marianne, Géopolitique de la Corse, L’Harmattan, Paris, 2000, pp. 91-126 ; Crettiez, Xavier, et Torreiro, Juan, « La Rébellion autonomiste », in Crettiez, Xavier, et Sommier, Isabelle (dir.), La France rebelle, Michalon, Paris, 2002, pp. 25-90 ; Culioli Gabriel-Xavier, « Itinéraire d’un enfant gâché », Corsica, Bastia, septembre 2002, n. 35, pp. 24-28.

[7] Face à « l’hybris nationaliste », Evola était partisan de l’imperium en ce qui concerne la vie des ethnies incluses dans un Etat organique basé sur la Tradition. Cf. EVOLA, Julius, Révolte contre le monde moderne, L’Age d’homme, Lausanne, 1991 (1934), Baillet, Philippe (trad.) ; idem, « L’Idée de Reich et l’universalisme », La Jeune Europe, Berlin, 1942, n. 8, pp. 24-27.

[8] Les Juntas de Ofensiva Nacional Sindicalista en constituent le contact espagnol. La Bretagne est la seule région à jouir d’un statut spécifique sous Vichy. FOUÉRÉ, Yann, L’Europe aux cents drapeaux, Presses d’Europe, Nice, 1968, MARC, Alexandre (préface). Cet ouvrage use également de la formule « la Troisième Europe », en vigueur dans la France pro-Axe de 1943 (cf. Ory, Pascal, Les Collaborateurs 1940-1945, Le Seuil, Paris, 1976, p. 162).

[9] REMY, « Race et idéologie », Jeune Nation solidariste, Paris, 7 juin 1979, n. 56, s.p. Le prototype de ce discours se trouve dans Pour une Jeune Europe (1969), racialiste, antisioniste, proche de la ND et de l’emsav, convaincue que l’Europe « sera celle des ethnies et des régions historiques », et qu’elle devra être dirigée par un comité où chaque ethnie aura un nombre de représentants évoluant « selon le principe du putsch permanent » (Pour une Jeune Europe, n. 5, novembre 1969 et n. 7,été 1970).

[10]Le mot naît dans l’espace communiste en 1918 mais il passe dans le vocabulaire nazi en tant que « communauté organique du peuple ». Il a été construit à partir de Gemeinschaft, « société naturelle traditionnelle », dont l’opposition à la société moderne avait été théorisée en 1887 par Ferdinand Tönnies.

[11] Cf. NIEKISCH, Ernst, Hitler, une fatalité allemande et autres écrits nationaux-bolcheviks, Pardès, Puiseaux, 1991, MIEULET, Imke (trad.), DE BENOIST, Alain (préface) ; DUPEUX, Louis, Aspects du fondamentalisme national en Allemagne, Presses Universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 2001. Völkisch est intraduisible. En sus de sa dimension mystique, populiste et agrairienne, il signifie »raciste » et à partir de 1900 « antisémite ». Les Völkischen sont les adeptes de l’idéal du Blut und Boden (« Sang et Sol »).

[12] Cf. DUPEUX, Louis, National-bolchevisme. Stratégie communiste et dynamique conservatrice, Honoré Champion, Paris, 1979 ; MOREAU, Patrick, Les Héritiers du IIIe Reich / L’Extrême droite allemande de 1945 à nos jours, Le Seuil, Paris, 1994 ; LEBOURG, Nicolas, « Stratégies et pratiques du mouvement nationaliste-révolutionnaire français », Le Banquet, Paris, février 2004, n°19/20, pp. 381- 400.

[13] Sonderweg : « voie particulière de l’Allemagne » ; Schicksalsgemeinschaft : « communauté de destin » (expression utilisée par les nazis pour les Allemands, par Niekisch pour le couple germano-russe, par les néo-fascistes pour les Européens).

[14] YockeY, Francis Parker, « The Proclamation of London  of the European Liberation Front », 1949, http://www.alphalink.com.au/~radnat/fpyockey/proclamation.html (29 décembre 2002) ; DUPRAT, François, Les Mouvements d’extrême droite en France de 1944 à 1971, L’Homme libre, Paris, 1998 (1971) ; Bouchet, Christian, « Yockey, le précurseur », Revue d’histoire du nationalisme-révolutionnaire, Ars, Nantes, décembre 1988, n. 1, s.p.

[15] « Deutschland Erwache » se retrouve dans d’autres documents nazis, mais celui-ci impose l’image de la chaîne brisée et, de par le caractère populaire de la sociologie des SA et du medium qu’est la chanson, il constitue un élément premier en terme de diffusion propagandiste.

[16] Cf. LEBOURG, Nicolas, « L’Invention d’une doxa néo-fasciste », Domitia, Perpignan, octobre 2001,  n. 1, pp. 99-132.

[17] Elle avait déjà été utilisée par les collaborationnistes et par Hitler pour justifier le Nouvel Ordre européen nazi devant s’édifier face à la conjonction maléfique USA-URSS-Juifs (cf. DAYE, Pierre, L’Europe aux Européens, Nouvelle Société d’Editions, Bruxelles, 1942, p. 163 ; HITLER, Adolf, dans Le Testament politique de Hitler Notes recueillies par Martin Bormann, Fayard, Paris, 1959, p. 74).

[18] Le NOE fut fondé par l’ex-trotskyste, ex-stalinien, ex-PPF, ex-Waffen SS René Binet, dont les thèses influencèrent les débuts de la ND. En effet, dès 1951, le NOE se propose « 1) d’affirmer notre volonté de restituer à leurs traditions propres les races des pays colonisés par l’Europe ; 2) de substituer au régime colonialiste actuel un régime d’association dans le respect des traditions propres de chaque race, accompagné d’une ségrégation raciale sévère dans l’intérêt de chacun des contractants ; 3) de réclamer et de réaliser le retour des groupes allogènes dans leurs espaces traditionnels » (« Déclaration de Zürich », Déclarations du Nouvel Ordre Européen, s.e., s.d., p. 3).

[19] Entretien avec BOUCHET Christian, ancien Secrétaire-Général de Nouvelle Résistance, du Front Européen de Libération et d’Unité Radicale, 12 août 2002. Alternativa Europea naît en 1993 de la participation de militants espagnols à l’université d’été française du groupe ND völkisch Synergies européennes (CAMUS, Jean-Yves, « La Nouvelle droite : bilan provisoire d’une école de pensée », La Pensée, Paris, 2006, n. 345, p. 28).

[20] Cf., d’une part, la presse de Nouvelle Résistance et d’UR, Lutte du peuple (1992-1996), Jeune Résistance (1995-1998) et Résistance ! (1997-1998), et d’autre part la presse d’Alternativa Europea, Tribuna de Europa (1993-1998) et Alternativa Joven (1996-1998) : les transferts sont saisissants.

[21] La coopération entre Catalans français et espagnols préfigure la future région mono-ethnique. Le slogan est « Israel Estat Assassi Palestina Per Als Palestins D’Europa A Gaza Intifada ». Cf. le site du MSR : http://www.red-vertice.com/msr/noticias.html (18 février 2003).

[22] Cf. GRIFFIN, Roger, « From slime mould to rhizome : an introduction to the groupuscular right », Patterns of Prejudice, London, Thousands Oaks, New Delhi, mars 2003, vol. 37, n. 1, pp. 27-50.

[23] Dimenstein, Claude, « L’Europe impériale, de la Bretagne à l’Iran », Article 31, octobre 1987, n. 32, pp. 11-12 ; L’Europe combattante, bulletin interne de Nouvelle Résistance, n. 3, mai 1992.

[24] Cf. Dossier : l’Eurasisme contemporain, La Nation eurasienne, Ars Magna, Nantes, n. 1, juin 2003.

[25]SOREL, Georges, Réflexions sur la violence, Le Seuil, Paris, 1990 (1908), JULLIARD, Jacques (préface) ; GANGL, Manfred, « La Force du mythe. L’impact de Georges Sorel sur les intellectuels allemands dans l’Entre-deux-guerres », in MERLIO, Gilbert, Ni gauche, ni droite : les chassés-croisés des intellectuels français et allemands dans l’entre-deux-guerres, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Mérignac, 1995, pp. 71-92.

[26] Redeker, Robert, « La Vraie puissance de l’utopie », Le Débat, Paris, mai 2003, n. 125, p. 111.

[27] Cf. MILZA, Pierre, « Fascisme et relations internationales », Relations internationales, printemps 1980, Paris, n. 21, pp. 23-42 ; GRIFFIN, Roger, « The Palingentic political community : rethinking the legitimation of totalitarian regimes in inter-war Europe », Totalitarian movements and political religions, hiver 2002, London, vol. 3, n. 3, pp. 24 – 43.


Première parution : Nicolas Lebourg, « La Libération nationale et sociale des régions d’Europe : histoire d’une utopie fasciste (1941-2001) », Utopia and Utopianism, The University Book, Madrid, 2007, no. 2, pp. 95-108.


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