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L’antisémitisme « Made in Iran » : Les dimensions internationales de la Journée d’Al Qods

Ivan_Akimov_Saturn_Par Jean-Yves Camus

Cette brochure, publiée par le bureau berlinois de l'AmericanJewish Committee a l'immense mérite de faire connaître au public francophone un aspect méconnu de l'antisémitisme qui sert de doctrine politique à l'État iranien depuis l'institution de la République islamique : la Journée Al Qods. Elle mobilise dans plusieurs capitales européennes les forces islamistes contre le droit à l'existence même de l'État d'Israël. Cette publication resitue le sens de la Journée Al Qods dans un cadre plus large : dans une politique qui consiste à diaboliser les Juifs et Israël pour gagner la confiance des masses arabo-musulmanes. L'Iran islamique cherche ainsi à acquérir le statut de fer de lance de la « résistance » au « sionisme » et aux puissances occidentales.

Cette politique est systématique, organisée et assumée par les factions du régime iranien. Jusqu’à présent, la Journée Al Qods n’a jamais été organiséeen France.  Pourtant, cela ne signifie pas que cet événement n’ait aucune pertinence dans le contexte français. En effet, pendant l’été 2006, à Paris, des manifestations ont été organisées en soutien au Hezbollah, bras armé du régime iranien au Liban. Plusieurs associations culturelles chiites existent désormais en France et se réfèrent explicitement aux autorités religieuses du régime iranien ou à leurs alliés libanais. Tandis que l’une d’entre elles dépose plainte contre l’Ėtat israélien pour « crimes de guerre », une autre organise pour ses fidèles, en 2007, une visite dans les lieux saints du chiisme en Iran. Mais plus important encore, l’Iran islamique, tout comme le Hezbollah d’ailleurs, a acquis auprès d’une partie de l’opinion et singulièrement des militants d’extrême-gauche, une aura importante. Le régime de Téhéran est, pour ces personnes pourtant laïques, la nouvelle incarnation de l’anti-impérialisme tiers-mondiste, l’icône moderne de la libération des peuples.

Cette brochure, rédigée principalement par des militants et des chercheurs engagés dans le mouvement progressiste, détruit cette illusion et démontre ce qu’est le régime iranien : un obscurantisme clérical dont l’antisémitisme utilise tous les clichés de celui professé, naguère comme de nos jours, par l’extrême-droite occidentale. Son objectif n’est pas seulement de maintenir les Juifs iraniens dans un statut de citoyens de seconde zone, mais aussi de calomnier les juifs du monde entier et de détruire le pays que des millions de juifs de toutes origines ont choisi pour patrie : Israël.

L’antisionisme de l’Ėtat iranien n’est que le reflet rhétorique de cet antisémitisme. Et même si l’on est, comme c’est mon cas, réticent à comparer théoriquement l’antisémitisme du régime de Téhéran avec le nazisme, on doit constater que la conférence négationniste de Téhéran en décembre 2006, ainsi que la publicité faite aux négationnistes de la Shoah dans les mediasofficiels iraniens, et ce depuis des années, montre de fortes convergences : la théorie du complot, la diabolisation, le préjugé racial et l’objectif d’anéantissement. Ce constat s’impose à tous et surtout à ceux qui sont favorables à un monde multipolaire, respectant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pour ceux-ci, et je me range dans leurs rangs, la cécité face à lavéritable nature- potentiellement génocidaire – du régime iranien, serait un véritable reniement de leurs convictions.

A l’heure où la question de l’acquisition de la technologie nucléaire par l’Iran intervient dans le débat politique français et où les gouvernements européens s’interrogent encore sur la conduite à tenir face à ce pays, il importe que les opinions publiques, les décideurs politiques et médiatiques, les acteurs du monde associatif, comprennent bien qu’il n’est pas possible de transiger avec un régime qui fait de la haine anti-juive le coeur de son idéologie, qui l’exporte et a les moyens de la mettre en oeuvre. Il faut donc féliciter les concepteurs et les auteurs de cet excellent travail de recherche, prélude, je l’espère, à d’autres études sur les nouvelles formulations de l’antisémitisme contemporain.

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