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2 Aout 1980. Attentat de la Gare de Bologne: et Maria Fresu ? Où est-elle ?

Photographie d’une tombe barcelonaise par Oscar Diaz, site One360.

« 2 août 1980. Salle d’attente de seconde classe. Si un photographe avait été présent dans cette salle d’attente, par exemple un fonctionnaire des chemins de fer ou un chroniqueur du « Carlino » , il aurait capturé cette pièce carré et confinée, dans laquelle se trouvaient bon nombre de personnes et beaucoup d’enfants.

Dans une salle d’attente, les gens attendent assis sur les fauteuils inconfortables, sur les valises et parfois à même le sol. Ils lisent, dorment, parlent, fument, consultent les panneaux indicatifs des horaires, ils entrent, ils sortent. Dans une salle d’attente, il y a des enfants qui courent, des enfants qui dorment et des enfants qui pleurent.

S’il y’avait eu un photographe, ce jour là, dans cette salle, il n’aurait pas été capable de capter les pensées et les émotions de toutes ces personnes. Mais peut-être y serions nous parvenus nous-même, en regardant les photos et en décryptant les regards et les attitudes ?

La chaleur infernale est typique de Bologne une matinée d’août, surtout dans le centre et surtout dans cette gare. Toute l’Italie qui travaille part en vacances en août. Contrariétés palpables pour les retards consécutifs à cette période de l’année, tranquillité de ceux qui ne sont pas pressés, anxiété de celui qui part pour une destination qu’il ne désire pas vraiment ou de celle qui voudrait y être le plus rapidement possible.

La prise de vue du photographe aurait pu nous dévoiler, juste à côté de la porte, à droite, une jeune femme et une enfant. Cette femme se nomme Maria Fresu. Elle est en route vers Vérone, destination finale le lac de Garde pour ses congés d’été. 15 jours en tout, avec des amies (…).

Le photographe aurait probablement pointé son appareil sur Angela, sa fille, qui ne tient pas en place. Peut être aurait-il fixé l’image de cette petite fille de 3 ans qui tente d’échapper à l’emprise de sa mère avec les contorsions qu’utilisent les jeunes enfants lorsqu’ils sont fatigués et énervés ? Angela a vraisemblablement raison, l’attente et la chaleur sont insupportables pour une si petite fille coincée dans une salle d’attente de seconde classe à Bologne ce 2 aôut 1980 à 10h25.

La prise photographique dure le temps de l’obturation, fige une scène, puis le temps coule à nouveau. Maria court derrière Angela qui à finalement réussi à lui échapper et cette image, que notre photographe imaginaire a capturée, est définitivement arrêtée dans le temps.

A côté de Maria Fresu, prés du mur et de la porte, sur une table, à 50 cm de hauteur, se trouve une sacoche et à l’intérieur se trouve une bombe qui explose.

La totalité de la salle d’attente, les bureaux de l’étage supérieur, le restaurant, sont soulevés puis retombent. Le mur portant s’écroule et emporte avec lui la toiture. Les débris de béton, d’acier, de verre, s’infiltrent dans les passages souterrains, atteignent le train qui stationnait sur la voie 1 et les taxis qui se trouvent devant la gare. La détonation est entendue dans toute la ville. La colonne de fumée est visible à plusieurs kilomètres, elle est noire, grise, orangée et s’élève de ce qui reste de la gare de Bologne.

La première ambulance est sur les lieux à 10h27, deux minutes seulement après l’explosion, les taxis de la ville sont utilisés pour le transport des blessés, le bus 4030 de la ligne 37 se transforme en infirmerie mobile. Tous convergent vers la gare : infirmiers, pompiers, policiers, gendarmes, militaires. Un homme quitte sa voiture sur la chaussée et hurle « Je suis médecin ! » et se jette lui aussi dans cet enfer de flammes et de poussière.

Le premier autobus qui s’éloigne de la gare dévastée, transporte vers l’hôpital central, les corps de 8 individus. Peu après, un deuxième convoi, part à son tour avec 12 corps à son bord. A chaque pelleté, au dessous de chaque décombre, de chaque poutre, on trouve un corps, puis un autre encore.

Combien sont-ils ?

85 personnes sont mortes dans la gare de Bologne. 200 seront blessés.

Les passagers de la salle d’attente, ceux du train de la voie 1, les employés, les personnes présentes au restaurant, les gens de passages, les enfants…

C’est le massacre le plus important de l’histoire occidentale en temps de paix (…).

Et Maria Fresu ? Où est-elle ?

Personne ne la trouve. On retrouve ses amies qui devaient partir en vacances avec elle. Elles sont mortes. On trouve sa fille de 3 ans, Angela, qui est également morte. Elle a été emmenée dans un de ces petits cercueils blancs, utilisés pour les enfants.

Mais Maria Fresu est introuvable. Elle a disparue. Où est-elle ?

Les mois qui suivirent, analyse fut faite, de quelques fragments retrouvés sur le train de la voie 1. Les experts en balistique et explosifs ne voulaient pas croire que la désintégration totale d’une personne soit possible. C’est pourtant possible. Cela est arrivé. De Maria on ne retrouvera que des fragments (…).

Un attentat comme celui de la gare de Bologne peut aussi provoquer cela : il ne tue pas seulement. Il fait aussi disparaitre les gens dans le néant. Il les désintègre, comme s’ils n’avaient jamais existé ».

Traduction de l’émission télévisé « Blu Notte ».
Le texte est écrit par Carlo Lucarelli.

Traduction Guillaume Origoni.

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