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Le Chagrin et la pitié, la France de Vichy dynamitée

Diffusé le 10 avril sur Arte et disponible en replay jusqu’au 24 octobre 2024, le documentaire de Joseph Beauregard raconte comment et pourquoi « Le chagrin et la pitié » de Marcel Ophuls, documentaire de 4h sorti en 1971, a secoué les consciences et incarné une fracture générationnelle.

Le 14 avril 1971 sort en catimini, dans une petite salle du quartier Latin, un documentaire qui va provoquer un séisme dans l’opinion française : pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un regard sans concession est porté sur l’Occupation. Pour Le chagrin et la pitié, Marcel Ophuls est parti enquêter à Clermont-Ferrand. Il dresse le portrait d’une ville de province située non loin de Vichy, et prise au quotidien, de 1940 à 1944, entre pétainisme et résistance, milices et collaboration. Le fils du célèbre cinéaste Max Ophuls (La rondeLe plaisir, Lola Montès…) y rencontre notables, commerçants, paysans et enseignants, et croise leurs témoignages avec la parole de nombreuses personnalités, de Pierre Mendès France à Christian de La Mazière, engagé français de la Waffen-SS. Éclairant un versant jusqu’ici occulté de la mémoire collective hexagonale, Le chagrin et la pitié brise le mythe gaullien d’une France unie dans la résistance contre l’ennemi nazi. Petit à petit, l’écho du film grandit, et les polémiques et scandales qu’il déclenche lui assurent un succès public retentissant, marquant d’un sceau indélébile l’histoire de la France au XXe siècle.

Plus de cinquante ans après sa sortie, Joseph Beauregard retrace l’épopée de ce film hors du commun, d’une durée de plus de quatre heures et interdit d’antenne par l’ORTF pendant dix-huit mois. Le chagrin et la pitié  La France de Vichy dynamitée restitue au plus près son impact sur un pays qui n’avait jusqu’ici jamais été confronté à son propre comportement pendant la guerre. Il raconte comment, déjouant les tabous et la mauvaise conscience, Marcel Ophuls a mis au jour la fracture entre la génération post-68 et le pouvoir, dont l’intérêt était de laisser dans l’ombre « l’invraisemblable vérité » (Vichy n’a jamais aidé les juifs, par exemple), pour ne pas ternir l’image d’une nation en reconstruction. « C’était un film de combat, une machine de guerre contre le gaullisme et sa vision de l’histoire« , confirme Sylvie Lindeperg, l’une des intervenantes, historienne, du documentaire. S’appuyant aussi sur les expertises d’autres historiens (dont Vincent Lowy, Henry Rousso ou Pascal Ory), du critique de cinéma Samuel Blumenfeld et de journalistes (Anne Sinclair, Antoine Spire), Joseph Beauregard fait œuvre salutaire : en soulignant l’exigence de justice du Chagrin et la pitié, il rappelle les tentations de falsification historique de tout pouvoir politique.

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