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Qu’est ce que l’insécurité culturelle ?

Par Nicolas Lebourg

Depuis l'élection présidentielle de 2012, la notion d'insécurité culturelle a émergé dans l'analyse des mutations du corps social et des évolutions de l'électorat. Néanmoins, elle est parfois employée à contre-sens, d'où la nécessité d'un cadrage sémantique : de quoi "l'insécurité culturelle" est-elle le nom ? L'expression recouvre une analyse conciliant causes socio-économiques et système de représentations.

Selon cette analyse, la mondialisation économique, culturelle et démographique a engendré un sentiment d’insécurité culturelle. L’atomisation et la précarisation du travail, l’individualisation des modes de vie et croyances, la guerre de tous contre tous entretenue par le chômage de masse, la liquidation des grands récits et de l’encadrement des masses par des idéologies structurées, l’annihilation de l’ascenseur social, la déconstruction de l’histoire nationale au bénéfice de mémoires communautarisées, ou encore la réduction de la souveraineté populaire à l’opinion publique, puis de celle-ci à des segments communautaires : tout ce qui faisait lien s’est désagrégé, la société républicaine a cédé le pas à un espace d’individus.

L’atomisation des structures fait du même coup saillir l’image des communautarismes ou supposés tels. Pour des pans entiers de la société, c’est une insécurité que représente ce monde où les valeurs nationales et sociales, tout cadre unitaire, paraissent si floues, où ceux qui ne sont pas en « mouvement » seraient disqualifiés. Ils exigent un retour à une société construite, avec une hiérarchie de valeurs et de travail légitimes.

Cette dynamique a contribué à une droitisation des sociétés européennes, une part des citoyens ayant pour représentation sociale une fiction dans laquelle les populations d’origine arabo-musulmane représentaient quant à elles un corps unifié socialement, culturellement et religieusement. Cette cristallisation entre la représentation d’un « nous » composé d’individus épars en concurrence et un « eux » imaginé comme solidaire entraîne dans l’imaginaire des populations une coagulation des insécurités : physique, économique, culturelle, elles ne constituent en fait qu’un seul bloc pour de nombreuses personnes, déplaçant ainsi sur une critique des populations d’origine arabo-musulmane le rapport entre les transformations de l’économie et des technologies et nos modes de vie.

L’hypothèse de l’insécurité culturelle n’est pas un thème identitaire destiné à masquer la question sociale comme le ferait par exemple la Droite populaire, mais elle relève d’une question socio-économique qui a une implication culturelle. Sa conclusion politique est la promotion d’une synthèse jauréssienne de l’ère postindustrielle et postmoderne : plus de République, moins de société.

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