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A propos du racisme anti-blancs

Propos de Stéphane François recueillis par Alexandre Devecchio, entretien préparatoire à la table ronde « Racisme anti-blanc : la question se pose-t-elle ailleurs en Europe (et comment) ?« , Atlantico, 1er octobre 2012.

Jean- François Copé dans un livre publié le 28 septembre ouvre le débat sur « le racisme anti-blanc » qui, selon lui, se développe dans certains quartiers. Ce débat est-il une spécificité française ou y-a-t-il des débats du même type dans d’autres pays européens ?

Il y a des discussions de ce type dans d’autres pays, qui sont liées aux débats sur la substitution ethnique (le « grand remplacement » cher à Renaud Camus ou Jean Raspail). On trouve généralement ces débats dans les pays à forte immigration arabo-musulmane, comme la Belgique ou les Pays-Bas. On trouve aussi des débats de ce type en Grande-Bretagne depuis les années 1970. Voire même dans la Russie post-soviétique : il s’agit pour ce pays d’un débat mis en avant par l’extrême droite russe pour condamner les migrations de populations caucasiennes et justifier les ratonnades anti-Caucasiens. Le thème du « racisme anti-blanc » est en fait un thème portant pour les différentes formations identitaires européennes, certains agissant par la violence, tandis que d’autres, refusant les violences physiques, développent un discours agressif, voire virulent.

Quels sont les pays qui ont soulevé cette question ? Le débat a-t-il été posé dans les mêmes termes ?

Le débat se pose parfois dans les mêmes termes, en particulier là où il y a une mouvance identitaire structurée et dynamique (Belgique, Pays-Bas, Italie notamment). Il est d’ailleurs symptomatique de voir que ces différents mouvements tentent régulièrement de se fédérer sur le thème commun de la défense de la « race blanche ». Ainsi, depuis 2005, différents groupuscules identitaires se rencontrent : en Espagne en novembre 2005, en juin 2006 en Russie, en Belgique la même année. A chaque fois, il s’agit de défendre la « race blanche » contre l’islamisation et la mondialisation. Et surtout de défendre les « blancs » contre les « autres », vus comme des hordes d’envahisseurs racistes, avides des systèmes sociaux des pays européens…

En France le thème du racisme anti-blanc ou anti-Français a longtemps été préempté par le FN. Ce thème a-t-il aussi été instrumentalisé par les autres partis populistes européens ?

Oui, ce type de discours a été instrumentalisé. Comme en France, ce débat a été repris par différentes formations populistes, ou par la frange démagogique de certains partis de droite et/ou d’extrême droite, comme aux Pays-Bas, en Belgique, en Italie ou au Danemark. Dans ces pays, la dénonciation du « racisme anti-blanc » est toujours corrélative d’une condamnation d’une supposée islamisation du pays. Ce type de discours est un thème classique de ces partis.

Lors de la dernière campagne présidentielle, beaucoup d’observateurs ont noté un rapprochement entre la droite classique et l’extrême droite. A-t-on constaté la même évolution dans les autres pays européens ?

Oui, mais ce phénomène n’est pas récent, loin de là. Il y a eu l’exemple italien, avec la participation aux différents gouvernements Berlusconi de la Ligue Padane d’Umberto Bossi et de partis postfascistes comme l’Alleanza Nazionale de Gianfranco Fini qui, il est vrai, dans ce dernier cas a vu son discours idéologique évoluer. Avant lui, il y eut le cas de la participation du FPÖ de Jorg Haider en Autriche, qui fit pourtant grand bruit dans les médias à l’époque… En fait, le problème vient surtout de certains observateurs qui ont toujours l’impression de découvrir l’eau tiède. Il faut réfléchir sur la longue durée, dans une optique comparatiste. Contrairement à ce que l’on peut lire sur l’idée d’un cordon sanitaire séparant la droite de l’extrême droite, il y a toujours eu entre les deux des passerelles, des points de contacts, y compris en France, avec certains milieux gaullistes ou giscardiens.

La crise a-t-elle contribué à faire émerger ce thème ?

Oui, la crise, ainsi que la fragmentation communautaire de nos sociétés, a joué un rôle dans l’émergence de ce type de discours. Cependant, ce thème a pris de l’ampleur à la suite des différentes campagnes sur la supposée incapacité des musulmans à s’intégrer dans les sociétés occidentales. Vers 2003, le Bloc Identitaire associait islamisme, « racailles » et « racisme anti-blanc ». Le pseudo-débat sur l’identité nationale a aussi favorisé l’expression de ces discours dans les médias. De fait, nous devons bien le reconnaître, cette synthèse a eu un beau succès, comme nous pouvons le voir avec sa récupération par M. Copé.

Le thème du racisme  » anti-blanc », bien qu’utilisé par les mouvements populistes, ne recouvre-t-il pas malgré tout certaines réalités ?

Effectivement, ce thème n’est pas sans fondement comme l’ont montré les recherches d’un jeune chercheur, Tarik Yildiz. S’il n’est pas marginal, il n’en reste pas moins minoritaire. Ceci dit, il est très difficile de mesurer cette forme de racisme : elle n’est prise en compte par la CNCDH… : des insultes telles que « sale juif », « sale noir », « sale arabe » sont punies par la loi, pas « sale blanc », qui relève pourtant du même champ sémantique. Nous devons bien reconnaître qu’il relève d’un tabou. Et c’est bien dommage. L’extrême droite s’en est emparée, la gauche morale le dénie et la recherche en pâtit…

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