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Comprendre la haine du 19 mars

Visage chronophage

Source inconnue.

Par Nicolas Lebourg

Robert Ménard, maire de Béziers, a débaptisé la rue du 19 mars 1962. Elle se nomme désormais « rue Commandant Hélie-de-Saint-Marc (1922-2013) », en référence à une des figures du combat pour l’Algérie française. Ce n’est pas là un épiphénomène renvoyant à de foutraques obsessions de l’extrême droite. Robert Ménard est un homme adapté à son terrain, mais l’hostilité à la date du 19 mars permet de comprendre bien des enjeux travaillant la société française dans son ensemble. Comprendre le geste de Robert Ménard permet d’éclairer la tentation national-populiste bien au-delà des milieux sensibles à la thématique « Algérie française », et également de questionner notre rapport social à cet épisode colonial, dorénavant obsessionnel en nos mémoires.

Le 19 mars est-il la fin de la Guerre d’Algérie ?

Devant un parterre de 2000 personnes, venus de tout le sud de la France, l’ancien président de Reporters sans frontières s’est exclamé :

« Oser dire, oser laisser penser que la guerre, oui la guerre d’Algérie s’est terminée le 19 mars, le jour de la signature des accords d’Evian, n’est pas seulement un mensonge, c’est une ignominie, une insulte à la mémoire de tous ceux – pieds-noirs, harkis, jeunes du contingent – qui ont été torturés, qui ont été émasculés, qui ont été tués, qui ont disparu après cette date, après cette capitulation, après cet abandon ».

D’emblée, on remarque que la nostalgie Algérie française revendique désormais le terme de « guerre », alors même qu’il a fallu attendre 1999 pour que la France reconnaisse qu’il s’est agi d’une « guerre » et non d’ « opérations de maintien de l’ordre ». La crispation n’est donc pas exempte d’ouverture, même si le terme « guerre » paraît surtout permettre de mettre en cause l’abandon à l’ennemi de populations françaises. C’est là le cœur de l’argumentation de la mobilisation contre le 19 mars : les massacres de harkis perpétrés après cette date ne permettraient pas que l’on puisse considérer la guerre comme alors achevée. D’un point de vue historique, l’argumentaire n’est guère recevable car les historiens ne fonctionnent pas sur une répartition guerre / paix mais mettent en avant la notion de « sortie de guerre ». Ainsi après la Libération en 1944, la France a connu des exécutions sommaires, des internements « jusqu’à cessations des hostilités », officiellement promulguée au printemps 1946, l’organisation du ravitaillement, etc. On ne se défait jamais d’un conflit quand on a signé des accords de paix : c’est un processus plus délicat qui mène à l’état de non-bélligérance. Le fait que des massacres aient suivi les accords de paix ne constitue donc pas rationnellement un argument pour ou contre la commémoration de cette date. C’est une question politique, mais non historique. Lire la suite sur Slate

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