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De Jeune Europe au Front européen de libération: étude comparée des internationales nationalistes-révolutionnaires

(Source inconnue)

Première parution : Nicolas Lebourg, « De Jeune Europe au Front Européen de Libération : étude comparée des internationales nationalistes-révolutionnaires », Olivier Dard dir., Organisations, mouvements et partis des droites radicales au XXe siècle (Europe-Amériques) IDREA IV, Bern, Peter Lang, 2015, pp.133-152.

Durant le second conflit mondial, notamment après 1942, le dépassement international du nationalisme est la question centrale pour l’extrême droite radicale. Les rêves conjoints de constitution d’une Europe unitaire et d’un parti pan-européen sont profondément liés à l’histoire du liégeois Jean-François Thiriart (1922-1992, dit Jean Thiriart). Au début des années 1960, celui-ci fut le guide du mouvement Jeune Europe (JE) et, quelque trois décennies plus tard, le maître à penser revendiqué par le Front européen de libération (FEL). Ces deux organisations sont des internationales nationalistes-révolutionnaires particulièrement révélatrices du bouillonnement induit par l’internationalisation des marges radicales. Elles ont su développer des formes originales (1). Elles ont souhaité construire une théorisation et une pratique du politique qui soient une géopolitique (2). Mais elles ont finalement disparu sous l’effet de la somme de leurs contradictions internes (3). Si leur comparaison est heuristiquement valide, il nous faut néanmoins signaler que notre méthodologie est tributaire d’une contrainte relative à notre corpus de sources: nous disposons pour JE d’archives des services de renseignement mais non de documents internes, alors que la situation est inverse pour le FEL[1].

Développement des structures

En juillet 1960, face à la décolonisation du Congo, Jean Thiriart et Paul Teichmann fondent le Comité d’action et de défense des Belges d’Afrique. D’un nationalisme belgiciste colonialiste et fidèle à la couronne, le groupe évolue vers le suprématisme blanc, prône le soutien à l’Organisation de l’armée secrète (OAS) et adopte la croix celtique comme logotype. Il se transforme en Mouvement d’action civique (MAC) qui recrute environ 350 militants actifs, d’abord par le biais d’une circulaire aux anciens de la Légion nationale. Il en appelle à «une communauté de Narvik au Cap, de Brest à Bucarest», publie les communiqués codés à l’usage des groupes terroristes sis en Algérie, imprime le principal journal de l’OAS-Métro, organise le repli de quelques-uns de ses membres sur le territoire belge. Son but est d’user des tensions de la décolonisation pour accroître les mécontentements et diriger ceux-ci vers une structure partisane dont il s’assurerait le contrôle discret par son noyautage.[2] Le groupe, via Thiriart, prend langue avec des organisations néo-fascistes françaises.[3] En août 1961, le Wallon participe à une réunion avec Peter Kelist, chef du Deutsche Reichspartei, Ion Emilanu, ancien dirigeant de la Garde de fer et président du Bloc antibolchevique des Nations «ainsi que des ‹colonisateurs› blancs venus d’Afrique du Sud, d’Angola, du Congo et d’Algérie».[4] Le 4 mars 1962, il est de la réunion internationale néo-fasciste tenue à Venise avec le soutien du Movimento sociale italiano et à l’instigation de Sir Oswald Mosley – l’ex-ministre travailliste et leader de la British union of fascists, a fondé en 1948 l’Union movement, qui proclame que l’Europe est une nation unitaire et la troisième force en devenir devant jouir du tiers Nord de l’Afrique.[5]

A Venise, les néo-fascistes italiens, allemands, anglais, belges, s’engagent à fonder un parti nationaliste européen intégré travaillant à l’édification d’une Europe unitaire, refusant «la satellisation de l’Europe occidentale par les Etats-Unis» et exigeant « la récupération de [leurs] territoires de l’Est ».[6] Ces conceptions influencent Thiriart dont le révisionnisme géopolitique s’appuie sur le populaire mythe d’un partage de l’Europe et du monde à Yalta:

La guerre civile européenne de 1939-1945, écrit-il, a été mise à profit par les étrangers pour réduire l’Europe toute entière à leur merci et s’emparer sans coup férir de tous ses empires d’outre-mer. […] En fait, l’accord de Yalta inaugurait une nouvelle guerre et cette guerre-là, dirigée contre l’Europe toute entière, s’est terminée en 1962, par la perte de l’Algérie.[7]

A son retour de Venise, Thiriart est arrêté dans le cadre de la répression des soutiens de l’OAS. Emprisonné un mois, il entame l’écriture de ce qui est son opus magnum, qu’il auto-édite en 1964, Un Empire de 400 millions d’hommes: l’Europe – les traductions de l’ouvrage choisissent parfois des titres évocateurs, tels que ¡Arriba Europa! en Espagnol ou Das Vierte Reich: Europa en Allemagne; il s’agit du dernier grand texte de Thiriart ayant une dimension racialiste. Le parti européen qu’il y défend ne relève plus d’une union des nationalistes d’Europe mais se veut léniniste «animé de la foi d’un Ordre religieux et de la discipline d’un Ordre militaire», menant la lutte aussi bien «clandestine» à l’Est que «souterraine» à l’Ouest. Son ambition repose sur une hiérarchie des peuples établie à cheval entre Oswald Spengler et Gustave Le Bon.[8]

Le MAC s’approprie le but du protocole de Venise: la constitution du parti européen. Jeune Europe est devenu le nom du journal du groupe à compter de son numéro de janvier 1963, et le MAC se décrète branche belge de JE. Le mouvement, centralisé, ouvre des sections (aux effectifs toujours modestes) dans de nombreux pays: Espagne, Autriche, Allemagne, Italie, Angleterre, Pays-Bas, Afrique du Sud, Portugal, Suisse, voire Brésil, Canada et Colombie. L’intitulé de la nouvelle formation est multiréférentiel, ayant déjà été utilisé par diverses structures: celle du républicain italien Giuseppe Mazzini (1805-1872); celle des fascistes italiens en 1932; celle fondée en Suisse en 1930, dont l’antenne bruxelloise lance ensuite les les éditions de la Toison d’Or, afin de diffuser la littérature des services de Ribbentrop, partisan d’un espace unifié qui irait de Madrid jusqu’au Pacifique. C’est, enfin, l’intitulé d’une revue européenne lancée par le IIIe Reich en 1942, présentant la guerre comme la construction d’un Empire eurafricain assurant l’épanouissement des cultures membres. Le substrat idéologique est d’autant plus redéployé dans les années 1960 que le premier idéologue de JE n’est pas Thiriart mais Emile Lecerf, ancien auteur des éditions de la Toison d’Or. Pour JE, il rédige son premier manifeste officiel, La Révolution nationale-européenne. L’opuscule assène que l’Europe doit reprendre l’Afrique, se doter d’un gouvernement unique mais aussi être organisée régionalement sur des «bases ethniques, culturelles et économiques», se situant donc pleinement dans la perspective völkisch de la Waffen-SSdiffusée en France par Saint-Loup.[9] En Italie et au Portugal, ce sont les sections locales de JE qui importent le symbole de la croix celtique dans leur scène nationaliste autochtone.

Grâce aux financements de l’Union minière du Haut Katanga, et à la fortune personnelle de Thiriart, JE s’est installée dans un imposant local à Bruxelles, jouit de sa propre imprimerie et de deux autobus de propagande.[10] Elle franchit rapidement un pas important de communication et d’auto-représentation en abandonnant le port du brassard à croix celtique et de la chemise bleue (probablement en référence à celle qu’avait choisie José Antonio Primo de Rivera pour la Phalange).[11] L’unité d’action est assurée par la création d’états-majors nationaux chapeautés par un état-major européen et subdivisés en bureaux thématiques qui structurent l’action des «cellules» (noyaux de six adhérents). Le premier bureau s’occupe de la formation et de la coordination des cadres; le deuxième a en charge l’administration et la perception des cotisations (1 % du revenu minimum à partir du grade de «militant», le second dans l’organisation); le troisième réalise la propagande; le quatrième est responsable du service d’ordre et du service social militant (trouver un travail ou un logement à un membre, etc.); le cinquième est préposé à l’information, de la veille de la presse jusqu’à la récolte de données sur les adversaires et à la traque des policiers infiltrés dans l’organisation; le sixième est en charge des relations publiques. Toutefois nombre d’états-majors nationaux ne disposent pas de responsable pour l’un des bureaux, témoignant ainsi de la perpétuelle difficulté à faire vivre dans le réel un «léninisme de droite».[12] En outre, le fait que diverse sections ne portent pas le nom de «Jeune Europe» mais disposent d’un intitulé en référence à leur cadre national témoigne d’une résistance interne au jacobinisme européen de Thiriart.

Est lancé le Syndicat communautaire européen (une centaine de membres) chargé d’illustrer la dimension sociale du «communautarisme» de JE. Son président est Jean Van den Broeck, un Bruxellois, proche de Thiriart et du colonel Argoud, condamné en 1962 pour son aide technique à des membres de l’OAS. Van den Broeck supervise également les groupes action.[13] Dans les formations notables, outre les Italiens qui représentent l’essentiel des troupes mais sont également influencés par les conceptions de Julius Evola, se distingue la section autrichienne, Junges Europa, qui procède sur la question du Sud-Tyrol à une scission qui la transmue en Legion Europa. Mené par l’ex-Waffen-SS Fred Borth, le mouvement perpètre des attentats en Italie et Autriche. Mais il organise aussi une internationale dissidente Europafront, avec les scissionnistes flamingants d’une Jong Europa, renvoyée par Thiriart au «ghetto néo-nazi» (1963), et récupère les liens qu’avaient eu le MAC, puis JE, avec le Nouvel ordre européen. Europafront réorganise les éléments germaniques de JE et joue son rôle dans les tensions du Nationaldemokratische Partei Deutschlands, de même qu’elle participe à la production du mouvement nationaliste-révolutionnaire allemand et à l’introduction des thèses néo-droitières en Allemagne, en menant une politique d’infiltration des Verts.[14]

Quant aux Français, ils peinent d’autant plus à composer un groupe que la formation est interdite en 1961, pour cause de soutien à l’OAS, et son journal en 1963, en raison de son contenu raciste. Les militants publient un temps L’Europe combattante qui est l’exacte copie de Jeune Europe au titre près, mais le subterfuge ne dure que de septembre 1964 à avril 1965.[15] En 1964, quoique groupusculaire, JE est en France étroitement surveillé, le directeur du contre-espionnage craignant qu’elle ne serve à une entreprise terroriste d’envergure.[16] Les services rendus à Pierre Sergent avaient permis d’envisager de confier à l’officier en charge de l’OAS-Métro la direction de la section française, mais dès 1963 il rompt tout lien avec Thiriart, et ne conserve plus que des amitiés au sein de JE Suisse. En fait, JE n’est implantée réellement qu’à Paris et Lille, et appuyée sur deux piliers: Jean-Claude Jacquard, qui part ensuite pour la scission völkisch de Lecerf, et Gérard Bordes, qui provenait des Jeunes de l’esprit public, organisation qui popularisait les conceptions de Jean Mabire, également adepte d’une Europe des ethnies.

Le groupe fait d’abord de l’entrisme à la Fédération des étudiants nationalistes (FEN). Ces double encartés auraient envisagé l’assassinat du leader du Parti communiste français Maurice Thorez. Ses ambitions sont mises à mal, car ses tentatives de manipulations attirent aux militants des hostilités auxquelles la centrale se démontre incapable de répondre. Ainsi, l’un des principaux cadres français de JE est-il soupçonné par la FEN d’être à l’origine du cambriolage de ses locaux en vue d’y récupérer les fichiers. Il aurait été enlevé, apporté dans une cave, soumis au supplice de la baignoire et aux électrodes par huit membres de la FEN. Tandis que tous les membres de JE sont exclus de la FEN, l’état-major nationaliste-européen n’est capable que d’assurer à l’infortuné que si «quelque chose de grave» devait survenir un commando partirait de Belgique…[17]Ce travail de sape visant à produire une scission de la FEN, échoue si bien que, la scission enfin produite, le Front universitaire européen qui en découle échappe immédiatement à JE et devient le mouvement Occident (1964).[18]

Trente ans après, le FEL cherche à organiser l’agit-prop radicale bien plus qu’à créer une centrale ex nihilo. L’utopie du FEL est en fait plus proche de Lecerf que de Thiriart, et ses membres appliquent le même traitement adogmatique à ses autres penseurs de référence que sont l’Italien Julius Evola et le Russe Alexandre Dugin. Le traitement idéologique est cohérent mais ne relève donc pas de la conception monolithique de JE. Le FEL naît également dans le contexte des extrêmes droites radicales ouest-européennes, mais sans le même type de vie ni d’organisation, d’autant que les formations radicales sont alors repoussées à la marge par les succès rencontrés par les partis populistes en Europe occidentale. En avril 1987, ils ont constitué un réseau transnational sur la base d’un texte doctrinaire flou, le Manifeste de la nation européenne, rédigé par les Français de Troisième voie (TV), qui, malgré la référence à Thiriart en son intitulé, ne remet pas en cause l’Etat-nation. Il est vrai que la production idéologique est alors quelque peu confuse sur ces questions. TV affirme des perspectives contradictoires: d’une part que la nation est basée sur le sol et le sang, qu’elle doit procéder à une décentralisation respectueuse des identités ethniques, linguistiques et historiques des régions, et préparer celles-ci à savoir œuvrer de manière transeuropéenne, mais dans une Europe qui soit une Confédération des Nations souveraines; d’autre part, en son manifeste, sa section de la Jeune garde restait fort floue sur sa définition de l’Europe, la spécifiant devoir être un «Empire», terme en contradiction avec une autre de ses formules: la «Nation européenne Une, Grande et Libre» (référence au centralisme franquiste et à Thiriart). Puis, TV prône la reconnaissance des «droits des groupes ethniques diversifiés» et de «leurs cultures enracinées» au sein d’une nation participant à une Europe qui, en un premier temps, respecterait les souverainetés nationales, puis verrait s’organiser en son sein les minorités ethniques mais qui, aussi, reposerait tout entière sur l’héritage de son «identité» l’amenant résolument à refuser toute intégration de la Turquie et de toute nation sud-méditerranéenne ou moyen-orientale. Le «Groupe du 12 mars» qui réunit les organisations validant le Manifeste de la nation européenne n’a donc pas de colonne vertébrale idéologique, mais il parvient à rassembler Basas autonomas et la Falange de las Juntas de ofensiva nacional sindicalista (Espagne), le Parti des forces nouvelles (Belgique), Troisième voie (nom d’une organisation française ainsi que d’une suisse) Terza posizione (Italie) et le Movimiento de accao nacional (Portugal). Les contacts entre les organisations relèvent plus du type que Thiriart surnommait «l’Internationale des boîtes aux lettres» que d’autre chose.[19]

En 1989, Christian Bouchet, le secrétaire-général de TV, estime que son organisation a deux possibilités: soit constituer une tendance au sein du Front national (FN), soit au contraire rompre avec le milieu réactionnaire et tenter un travail vers les milieux alternatifs, écologiques, régionalistes, musulmans, etc.[20] Son idée centrale est de contester le FN par la «gauche», pour imposer à Jean-Marie Le Pen la reconnaissance d’une tendance nationaliste-révolutionnaire telle qu’elle avait existé au FN en 1974-1978. Le président du FN refusant cette fraction, les restes de TV sont contraints d’habiller leur échec. En 1991, ils fondent Nouvelle résistance, un mouvement qui voue aux gémonies le FN, remet à la mode Ernst Niekisch, le national-bolchevisme, et l’union de la Périphérie contre le Centre. Ils promeuvent leur nouvelle ligne via un manifeste qui s’inscrit dans la ligne du Manifeste de la Cause du Peuple rédigé par Henning Eichberg pour la fondation de la Nationalrevolutionäre Aufbauorganisation-Sache des Volkes en 1974.[21]

Leur promotion d’un Front uni anti-système influence alors nettement Alain de Benoist, le leader du Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE), principale organisation de la Nouvelle Droite.[22] Nouvelle résistance contacte les mouvements du Groupe du 12 mars pour leur proposer une nouvelle internationale: le Front européen de libération (intitulé repris de la formation fondée par Francis Parker Yockey en 1949). La mise en place est bien plus rapide que prévue, puisque le congrès constitutif de Nouvelle résistance évoquait dans ses objectifs à deux ans la création d’un «Secrétariat européen représentatif». L’organisation précise que tous les groupes avec lesquels TV était liée ont opté pour elle.[23] Les Français conservent un rôle moteur: Christian Bouchet est à la fois le secrétaire-général de Nouvelle résistance et du FEL. Le style français rayonne en Europe avec son travail d’affirmation d’un fascisme retrouvant non seulement l’esprit subversif qui eût été celui de 1919, mais aussi de synthèse avec toutes les marges des phénomènes fascistes, en joignant le tout à des marqueurs contre-culturels. Cela n’est d’ailleurs pas sans parfois poser de problème, puisque certains militants prennent le discours pour l’idéologie et se cabrent parfois au nom de la perspective prétendument anti-extrême droite.

Les «nouvelles convergences» prônées amènent à l’importation en Europe occidentale de l’étiquette russe «rouge-brun» mais elles ne correspondent pas à une alliance réelle entre «nationalistes» et «communistes». Les cadres du FEL sont des militants anti-communistes devenus pro-communistes et pro-russes après la chute du Mur de Berlin… A l’intérieur du FEL comme au sein des groupes qui le composent l’alliance «rouge-brune» est en fait celle de l’aile «droite» (le nationalisme-européen de culture völkisch) et de l’aile gauche (les nationalistes-révolutionnaires) de l’extrême droite radicale. Ainsi, les néo-fascistes espagnols de Tribuna de Europa se muent en «nationaux-bolcheviques» mais publient ainsi les articles de Ramón Bau, ex-secrétaire-général de CEDADE qui anime Mundo NS, magazine à l’intitulé explicite…[24]

Idéologies géopolitiques

Quoique se voulant subversive, Jeune Europe cherche à s’entendre avec les dictatures ibériques nationales-catholiques. Le groupe espagnol de JE organise le camp européen de l’organisation en 1966. Celui-ci mêle activités sportives et débats et organise un dépôt de gerbe sur la tombe de José Antonio Primo de Rivera. Lors des feux de camp, on y entonne les chants de la Phalange, de l’Afrika Korps, de la Résistance française et des Partisans italiens.[25] Néanmoins, en mars 1967, les autorités interdisent à la dernière minute un colloque devant rassembler à Madrid des membres de JE de neuf pays. Thiriart y voit le signe de l’influence américaine sur l’Etat franquiste.[26] Ernesto Milá, figure du nationalisme-européen espagnol, suggère plus prosaïquement que, malgré les bons contacts de JE dans le régime franquiste, Thiriart n’eût nullement compris le positionnement géopolitique atlantiste de l’Espagne et aurait eu la maladresse d’adresser aux autorités des discours anti-américains enflammés.[27] Au Portugal, l’erreur n’est pas commise. Mais Jovem Portugal dispose de son propre leader centralisateur, et lorsque le mouvement périclite celui-ci oriente ses hommes vers l’intégration à la fraction ultra du régime.[28]

La question américaine est vite devenue le centre des préoccupations de Thiriart. Il considère que les Etats-Unis constituent l’ennemi économique, politique, stratégique, de l’Europe de l’Ouest. Les «collabos» de ceux-ci essayeraient de nuire à «la communauté de destin» européenne en détournant le projet européiste vers celui d’une «république ploutocratique de Frankfort à San Fransisco» – formule qui revient à désigner Lecerf et Europe-Action comme ennemis prioritaires, puisqu’apôtres de l’union de l’Occident blanc.[29] Thiriart ne dénonce plus les hordes mongoles tapies derrière un bolchevisme asiate: il reconnaît maintenant à l’Union soviétique des prédispositions panslaves et un caractère ethnique européen. Dès lors, il s’agit de s’engager «pour un Front Mondial contre l’Impérialisme US». Le mouvement n’hésite plus à citer Che Guevara et son journal publie un article de l’Agence de presse de La Havane. Le groupe adopte ainsi des positions qui ne sont pas déconnectées de l’évolution des représentations sociales. En France, les enquêtes d’opinion des années 1960 témoignent que l’image de la «Russie éternelle» est fortement attachée à celle de l’Union soviétique, tandis que la mauvaise opinion de cette dernière passe de 37 % des sondés en 1964 à 9 % en 1967.[30] On en saurait non plus prétendre comme les disciples de Thiriart que ses postures sont aussi originales que progressistes: les néo-nazis américains du National renaissance party (NRP) ont opté pour l’Union soviétique dès les années 1950.[31]

L’évolution de la politique maoïste amène Thiriart à penser que l’affrontement entre la Chine et les Etats-Unis est inéluctable, et que ce conflit devrait permettre aux Européens de l’Est de chasser de chez eux l’occupant russe. Il faudrait donc œuvrer à une unité d’action avec la puissance chinoise. Cela ne signifie en rien approbation du maoïsme (jugé barbare au sens premier du terme) ou réelle compréhension de celui-ci (on lit dans le journal de l’organisation que la sinisation du marxisme aurait été entamée à compter de 1952, affirmation qui démontre une méconnaissance certaine).[32] Pour Thiriart, le communisme en tant que système de production et doctrine d’Etat est un échec total, mais il s’avère une réussite complète en tant que religion et comme mode d’encadrement des masses. Ce point de vue tranche dans les opinions d’extrême droite des années 1960, mais il n’est pas novateur: c’est là, par exemple, le discours développé par la Légion nationale durant Vichy.[33] Pour Thiriart, il s’agit d’édifier «l’Europe national-communautariste», «c’est-à-dire non-marxiste», grâce aux bases que la Chine maoïste pourrait offrir aux nationalistes-européens menant l’offensive contre les Etats-Unis. Ce nouveau positionnement n’est pas, comme il a été très souvent écrit, une évolution sinistriste ou une conversion au maoïsme, mais est parfaitement résumé par un visuel de couverture du journal de Thiriart où, sous le titre «Le National-communisme européen?», apparaît une croix celtique derrière un drapeau communiste que l’on tire.[34]

L’ex-soutien de l’OAS n’hésite pas à multiplier les prises de contacts avec le monde arabo-musulman. L’ambassadeur de Syrie, celui d’Irak, des dirigeants palestiniens, algériens, s’expriment tour à tour dans l’organe de la centrale.[35] Ce dernier se spécialise dans l’assimilation du sionisme au nazisme. Les juifs sont accusés de contrôler l’Occident et de vouloir, via Israël, étendre leur domination au monde. Le journal est diffusé en Algérie par une société d’Etat. Thiriart rencontre aussi le nouveau chef de l’Etat irakien, Ahmed El Bakr, après son coup d’Etat de juillet 1968. Enfin, après l’Irak, le militant wallon est reçu au Liban et en Egypte où il participe au congrès de l’Union socialiste arabe. La Nation européenne reçoit de la publicité de la Ligue des Etats arabes et de l’Organisation de libération de la Palestine. C’est d’ailleurs, semble-t-il, le soutien de celle-ci qui lui permet de tenir financièrement et, lorsqu’Ahmed Choukeiry est remplacé par Yasser Arafat à la tête de l’organisation, le journal et l’organisation disparaissent.[36] Les liens avec le monde arabe furent considérés comme si intenses que les archives des services secrets de la dictature portugaise accusaient le PCE «d’être lié aux services de renseignements de certains pays arabes».[37]Que cela soit un point de vue fondé ou une intoxication d’un Thiriart publicitaire de sa mégalomanieest un élément délicat à trancher aujourd’hui. Thiriart se targue de moult rencontres, il affirmait ainsi avoir pu rencontrer Zhou Enlai à Bucarest, et se flatte d’avoir formé des militants appelés à devenir fameux dans une organisation terroriste marxiste-léniniste tiers-mondiste, les Brigades rouges, dont leur chef, Renato Curcio.[38] A défaut d’autres éléments que ses dires très postérieurs, le doute s’impose.

Le «national-bolchevisme européen» du Front européen de libération loue également la Russie soviétique, en affirmant cette position idéologiquement conforme aux préceptes de Thiriart. En fait, c’est en travaillant avec l’Espagnol José Cuadrado Costa que Thiriart a évolué vers l’idée que c’était la Russie seule qui pouvait bâtir la Grande Europe. Dès 1984, dans la revue du Parti communautaire national-européen (PCN), José Cuadrado Costa introduit les références au mouvement eurasiatique russe des années 1920, et estime que ses vues devraient être faites siennes par l’Union soviétique.[39] Thiriart reprend l’idée en parlant d’Empire euro-soviétique: il ne s’agit pas de socialiser le nationalisme-européen, mais d’user de la puissance impérialiste russe pour nationaliser l’Europe. La représentation de l’Union soviétique comme élément-moteur de l’Europe nationaliste ainsi sauvée de l’Occident est le décalque sur la réalité politique des années 1980 du concept de «l’ultime recours» des nationaux-bolcheviques allemands, qui estimèrent dans les années 1920 que l’importation du bolchevisme était «l’ultime recours» pour sauver la nation allemande de la subversion occidentale. Thiriart n’envisage plus la prise de l’Afrique, et donne le Sahara pour limite inférieure de ce grand-espace (rejoignant ainsi plus le point de vue d’Oswald Mosley), dont il affirme qu’il devrait avoir Istanbul pour capitale.

Le FEL s’inspire de Thiriart, mais non sur ces points: la conception est ethno-différencialiste et Istanbul ne saurait être le centre de l’Europe. A cet égard, les cadres du FEL n’ont pas tort de se revendiquer de Karl Paetel pour situer leur «national-bolchevisme». De même, ils s’inspirent de Thiriart dans leur représentation de la nécessité de «l’Etat-Piémont», en estimant que la Russie post-soviétique peut être le lieu arrière de la «résistance à l’ordre américano-sioniste». Cependant, l’attrait est marqué pour l’Iran chiite, une délégation du FEL étant reçue à Téhéran en avril 1994. Cette tendance s’explique, entre autres, par l’influence de Claudio Mutti sur le FEL. L’ancien militant italien de JE s’est officiellement converti au chiisme après la Révolution de 1979 et appelant à un «chiisme européen» comme cette mouvance en appelle depuis 1942 à un «socialisme européen» – dans le fond son discours demeure du registre d’un aryanisme évolien. Par ailleurs, les positions du FEL sont amplement inspirées de la revue franco-belge Le Partisan européen qui, dans les années 1980, fit le lien entre les conceptions néo-droitières et nationalistes-révolutionnaires, en mettant le premier Niekisch en avant. Pour ce laboratoire lexico-idéologique, avec lequel Thiriart est en lien malgré sa pensée völkisch, il fallait construire la confluence des révolutionnaires arabes et européens, la Libye pouvant en être le moteur et l’Iran offrant l’exemple d’un «nationalisme-révolutionnaire comme mobilisation totale du peuple face à l’oppression étrangère».[40]

Le secrétaire-général du FEL a une sympathie politique et spirituelle pour l’islam au nom de la stratégie ethnopluraliste. Lors de la première guerre du Golfe, alors qu’il était le secrétaire-général de TV, il affirmait ainsi aux militants: «des rapprochements/collaborations avec des cercles arabes ou musulmans anti-impérialistes (a priori les futurs facteurs de déstabilisation du Système) sont probables et souhaitables. Dans ce cas on insistera sur un discours ethnodifférencialiste».[41] Cette représentation des faits est certes originale, mais est néanmoins l’ombre des représentations mainstream: médias et sondages s’inquiètent de la possibilité de voir une potentielle «communauté musulmane» prendre parti contre la République française.[42]

Cette position a été systématisée: dans Lutte du peuple hebdo, l’un des journaux de Nouvelle résistance, la rubrique «Monothéisme», très acerbe, ne concerne que le judaïsme et le christianisme, l’islam étant traité dans la rubrique «résistance au Nouvel ordre mondial». Cette conception est très éloignée de celles de Thiriart, très agressif envers les religions en général, et méprisant envers l’islam en particulier. Le théoricien belge a toujours préféré les nationalistes arabes. Ceux-ci ne sont pas ignorés par le FEL, puisque Nouvelle résistance, puis le PCN, anime l’Association des amis du peuple lybien. Parmi d’autres organisations, le FEL est reçu à Tripoli en 1995 dans le cadre d’un symposium international organisé par le régime.

Ce qui unit les diverses nationalités dans le FEL, ce sont aussi des icônes organisationnelles: tous les cadres sont marqués par les exemples du JE de Thiriart, du Mouvement populaire européen d’Otto Strasser et du FEL de Yockey ainsi que «fascinés par l’exemple de la IVe Internationale-Secrétariat Unifié».[43] Il s’agit donc d’un cartel, d’un réseau, où les groupes partagent des références. Le FEL n’est pas un parti révolutionnaire au sens léniniste, et il ne produit pas de motions analysant des situations et donnant des directives. Il facilite des mises en commun: les Espagnols font bénéficier les Français de leur imprimerie, puis ce sont les Français qui font bénéficier les Belges de la leur. Il permet également des entreprises tactiques simultanées: il y a en 1992 une tentative d’infiltrer les formations écologistes en Espagne, en France, en Allemagne, Pologne, Grande-Bretagne, et Italie.[44] Les échanges entre sections se font par les cadres, que ce soit le voyage des cadres ouest-européens en Russie en 1992,[45] ou la tournée de conférences d’Alexandre Dugin à l’été 1994 (Barcelone, Grenoble, Milan et Paris). La jonction avec la Russie se fait d’autant plus aisément qu’Edouard Limonov a participé en France à L’Idiot international, périodique anti-américain qui prônait le rapprochement entre le PCF et le FN, ainsi qu’au Choc du mois, journal faisant l’interface entre le FN et l’extrême droite radicale.

Pour le FEL, il n’y a pas plus de structures unifiées pour les secteurs périphériques que pour l’organisation en-soi. Les mouvements membres relèvent d’ailleurs de divers types. En France, Nouvelle résistance fonctionne sur la forme d’un réseau de groupes de base. C’est aussi le cas en Espagne, mais avec un suivisme des Espagnols par rapport aux Français (que les premiers traduisent par l’idée qu’il s’agirait moins de deux communautés militantes que d’un seul mouvement implanté en deux pays).[46] En Italie le Movimento sociale italiano-Fiamma tricolore est un parti. Le groupe belge est celui du journal Devenir (qui en 1999 a créé le mouvement Nation, mais n’est au départ qu’une équipe rédactionnelle). Le jeu international d’hybridation est intense et multidirectionnel: ainsi lorsque Limonov et Dugin lancent en Russie le Front national-bolchevique, ils usent du logotype du Scharwze Front d’Otto Strasser. Celui-ci était déjà d’usage au FEL qui en usait suite à son emploi par la section jeunes de Nouvelle résistance, menée par Fabrice Robert (aujourd’hui président du Bloc identitaire), qui, issu de la scène musicale skinhead, l’avait manifestement emprunté au label musical clairement néo-nazi Rebelles européens (fondé en 1987 en France).

Les mouvements nationaux du FEL mettent en place une forte politique de mouvements périphériques qui évoque le trotskysme frankiste. L’idée est de connecter les marges entre elles, l’hybridation culturelle devant permettre l’existence d’une dynamique politique, d’une «leaderless resistance». Sur l’exemple des Etats-Unis sont particulièrement travaillés les milieux musicaux, Nouvelle Résistance a ainsi plusieurs fanzines de Metal à sa périphérie et s’intéresse à des éléments contre-culturels comme la techno ou les champignons hallucinogènes. Preuve que cette question de la nébuleuse est au cœur des réflexions et pratiques: quand la section espagnole Alternativa Europea tient son congrès en juillet 1997, avec en lecture d’ouverture un courrier d’Alexandre Dugin, sont présents les Français Christian Bouchet et Gregory Ombruck du magazine metal Napalm Rock.[47] Des structures d’écologie profonde ou antispécistes sont également montées dans les divers pays. Cette souplesse du FEL a ses forces mais aussi ses faiblesses.

Désintégrations

Depuis le Manifeste de la nation européenne (1961), Thiriart développe une conception de l’Europe toujours moins basée sur la race en ses affirmations. Il récuse le nationalisme de langue, d’héritage, au profit d’un nationalisme révolutionnaire issu d’une avant-garde qui imposerait la fusion de tous les Etats en une seule entité continentale jacobine (selon une analyse qui témoigne d’une très grande influence de la pensée de Machiavel). Le problème de Jeune Europe est que son projet attire les néo-nazis, mais que ceux-ci récusent le jacobinisme anti-völkisch de Thiriart. Bien que JE soit en Belgique même composée de sections Wallonie et Flandres-Pays Bas directement rattachées à l’état-major européen, l’idéologue prône, non une Europe des ethnies mais un Etat européen unique, jacobin et laïque, aux citoyens égaux, qu’ils soient de Marrakech ou de Bucarest. La crise mène à ce que Lecerf se sépare de JE à partir d’août 1964, refusant les directives qu’avait prodiguées Thiriart: modération du discours raciste et soutien à de Gaulle, en qui Thiriart décrit désormais un chef opposé au continuum russo-américain qui pourrait être le «Victor-Emmanuel II» d’une France qui serait le «Piémont de l’Europe». Lecerf prône au contraire une radicalisation de la propagande, comme le montre la diffusion d’un tract présentant un programme en 25 points, à l’instar de celui du parti nazi. En peu de temps, 172 démissions et exclusions frappent l’organisation.[48]

Ces problèmes mènent à la volonté de construire un parti révolutionnaire de cadres. Une école destinée à leur production a été mise en place en 1964. Cette tâche devient le cœur d’un mouvement qui a abandonné tant l’activisme (ses étudiants s’en sont allés) que l’électoralisme (JE s’étant présentée sans succès aux élections en 1964 sur un programme populiste réclamant en sus la fin de l’aide au Tiers-Monde et le soutien de la Belgique, en Afrique, au Portugal et à la Rhodésie). En 1964, les Français non-scissionnistes forment le Centre d’études politiques et sociales européennes (CEPSE). Menés par Gérard Bordes ils sont en fait chapeautés par Van den Broeck – tandis que leur trésorier est un cadre de l’Association pour l’étude de la réforme des structures de l’Etat du colonel Trinquier, spécialisé dans les allers retours entre subversion, contre-subversion et anti-subversion.[49] Ils prennent l’initiative d’un nouvel organe, La Nation européenne, qui remplace tous les autres titres produits jusque-là et qui se veut résolument continental, comptant ainsi parmi ses responsables l’Italien Claudio Mutti. Le seul sigle qui y apparaisse est celui du CEPSE. Pourtant, JE s’est transformée vers l’été 1965 en une nouvelle entité, le Parti communautaire européen (PCE). Ce nouvel avatar se veut un «parti historique», c’est-à-dire fondant une nation dont il serait la préfiguration. Il ne se reconnaît de militants qu’européens et réunis par sections linguistiques. Il est tout entier structuré par et autour de Thiriart. Van den Broeck est le dernier cadre à abdiquer face à cette tutelle: il démissionne en octobre 1965 pour fonder l’Union des syndicats communautaires européens (USCE), entraînant l’essentiel des Français restés fidèles jusque-là.[50]

In fine, l’arrêt du PCE en 1969 serait due, selon un disciple de Thiriart, à «une réunion du cadre dirigeant, à Imperia en Italie, où Thiriart a été mis en minorité sur la question de l’entrisme des militants de notre organisation dans les organisations de masse issues du mouvement étudiant».[51] De retour de la Grèce des Colonels, le militant de Giovane nazione Franco Freda y avait, il est vrai, été initié à ces méthodes. Il publie dès lors un discours qui, commençant par la critique de l’expérience Thiriart, lance ce que la presse transalpine surnomme le «nazi-maoïsme» (qu’on nommera mieux traditionaliste-révolutionnaire, au sens où il est la traduction militante mobilisatrice des conceptions de Julius Evola) et arme idéologiquement la «stratégie de la tension» qui frappe la péninsule à partir de 1969.[52] Cette phase fait partie des mythes fondateurs du Front européen de libération.

Ce dernier connaît également une fin aux causes endogènes. Nouvelle résistance est secouée de turbulences suite aux rapprochements d’une partie de sa direction avec le FN, en particulier par le fait qu’André-Yves Beck ait rejoint la mairie FN d’Orange. Face aux attaques, Christian Bouchet annonce qu’il démissionne et gère les affaires courantes jusqu’à un congrès qu’il convoque pour le 30 novembre 1996.[53] Le PCN en profite pour passer à l’offensive. Il a déposé dans des préfectures françaises les statuts du FEL et de Nouvelle résistance, jusque-là organisations de fait.[54] Il annonce que les militants de Nouvelle résistance ont exclu leur direction pour «collaboration avec la réaction lepéniste» et avec des milieux satano-pédophiles, et ont voté leur fusion avec les structures du PCN, le FEL relevant dorénavant d’un Front Noir-Rouge-Vert.[55] Les groupes membres du FEL refusent cette organisation, et conservent leur relation avec l’ex-organisation, contrainte de se renommer Cercles résistance.[56]

Tenant congrès au nom de leur ex-organisation, ceux-ci décident la constitution aux marges du FN d’un pôle nationaliste-révolutionnaire basé sur les comités de diffusion de la Voix du peuple (nouveau nom de Lutte du peuple) en appelant à l’unité des nationalistes quels qu’ils soient. La ligne idéologique est synthétisée en ces termes: «En résumé “Moins de gauchisme, plus de fascisme!”». Le bulletin interne informe ses abonnés que tous les groupes du FEL ont renouvelé leur confiance à l’équipe dirigeante, et il évoque la difficulté à gérer une internationale NR, puisque le fruit du congrès est un changement de ligne à droite toute dont la conclusion logique est tirée: il faut rompre avec les groupes étrangers placés sur l’alignement à «gauche».[57] Le FEL est déplacé en Grande-Bretagne, le secrétariat-général passant dans les mains de Troy Southgate. La primauté de la communauté de références sur la cohérence idéologique est attestée par le titre du journal européen que le second FEL envisage un temps de produire, en quatre ou cinq langues, pour un total d’un millier d’exemplaires: Jeune Europe.[58]

En fait, les organisations du FEL ne mettent pas en cause le changement de ligne idéologique. Le FEL fusionne, à la fin 1997, avec le Comité pour une Ligue nationaliste-révolutionnaire installé en Angleterre, puis entre en contact permanent avec le Comité de liaison des nationalistes-révolutionnaires, structure comprenant des mouvements sis aux Etats-Unis, au Canada et en Nouvelle Zélande. La sortie de la pensée européiste vers celle de l’affirmationnisme blanc est nette. Preuve s’il en est qu’un virage idéologique sur l’aile ne pose guère de problèmes: la réunion du 19 septembre 1998, qui fonde le nouveau FEL, se fait dans le cadre de la fête annuelle du FN, jusque-là censé être l’ennemi juré.[59] En 1999, Troy Southgate publie un manifeste du nouveau FEL,[60] orienté sur l’idée de défense de la race blanche contre le complot sioniste censé chercher à l’abâtardir pour s’assurer le contrôle global (selon une thématique que l’on trouvait classiquement au NOE, mais marquée par la diffusion en Europe en cette fin de décennie de l’acronyme américain ZOG pour «Zionist occupation government» sous l’influence du magazine américain Resistance).[61]

Christian Bouchet ayant monté en France un Réseau radical, il lance avec les Italiens de Sinistra nazionale (producteurs du quotidien Rinascita) un Réseau géopolitique européen qui se veut la poursuite du FEL et publie la revue La Nation eurasienne. Nation, le Réseau radical et les Italiens de Democratici egalitari d’azione participent au meeting barcelonais du 15 février 2003 convoqué par le Movimiento social republicano contre la guerre en Irak. Cependant, le MSR ne participe pas à l’opération «boucliers humains volontaires pour l’Irak» que Nation, Rinascita, le Réseau radical et le Parti des Musulmans de France entreprennent.[62] L’un des organisateurs de ce voyage de soutien est Gilles Meunier, président de l’Association des amitiés franco-irakiennes, qui fut jadis l’un des principaux rédacteurs d’articles antisionistes au sein de La Nation européenne et son correspondant à Alger.

Conclusion

Jeune Europe et le Front européen de libération sont deux internationales qui ont cherché à doter l’extrême droite européenne d’une idéologie et d’une pratique à la fois cohérentes et renouvelées. Malgré leur modeste dimension, elles ont voulu jouer un rôle dans la géopolitique et se lier à des régimes extra-européens. Leur usage de marqueurs des gauches constitue une oscillation idéologique esthétiquement efficace mais qui ne leur a pas permis de s’extraire de la marge – JE étant plus trotskyste lambertiste, pour son goût des fractions, et le FEL plus trotskyste frankiste, pour son goût des secteurs périphériques. La volonté d’oscillation idéologique ne leur a pas permis un déploiement sur l’ensemble de l’espace idéologique, tel que le préconisait pourtant Thiriart quand il estimait qu’il fallait un Parti communautaire européen «transnational, avec des cellules de Dublin à Vladivostok, destiné à récupérer les meilleurs éléments des [partis communistes, comme il] faut également créer un parti de droite transnational […]. Enfin, le projet de Grande Europe, de Grande République Européenne, est susceptible d’intéresser les industriels».[63] Outre la faiblesse quantitative du capital humain à disposition, cette absence de suivi de la consigne s’explique peut-être par la préférence des néo-fascistes pour l’esthétique.

Dans les années 1960, l’alliance périphérique est pensée entre groupes politiquement définis par la séquence ouverte depuis l’après Première Guerre mondiale: fascisme/anticommunisme et communisme/antifascisme, selon l’ennemi prioritaire défini. Le FEL ajoute un appui sur les minorités ethno-culturelles. Il y a ici une tentative d’adaptation de l’extrême droite radicale à la société multi-culturelle, mais aussi le signe que, même en un espace aussi marqué par la société industrielle que ce camp politique, les derniers feux du Welfare State ont vu les valeurs post-matérialistes intégrer le politique.

L’adaptation à la société se fait dans les formes pratiques de l’action. A l’ère industrielle, JE veut un parti de révolutionnaires professionnels, une idéologie monolithique, un état-major international, un syndicat-courroie de transmission, soit un léninisme de droite. A l’ère postmoderne, le FEL veut une coordination d’agit-prop, une idéologie constituée par bricolage entre divers auteurs-slogans, l’interface entre des réseaux nationaux, des groupes de musique metal, soit un mouvementisme de droite.

Les nationalistes-révolutionnaires s’adaptent à leur temps, et en témoignent, mais aussi à leur espace. JE conçoit l’union des nationalistes ouest-européens suite à la perte de l’Algérie française. Le FEL prône l’Eurasie suite à la chute du Mur de Berlin. Certes, l’extrême droite, en toutes ses tendances, critique toujours l’ordre géopolitique tel qu’il est. Mais, ici, il s’agit bien de conséquences directes de transformation des droites radicales par une rupture dans l’ordre international, les radicaux cherchant un nouvel horizon d’attente géopolitique afin de contrer le sentiment de déclin des puissances européennes. Ce mécanisme est-il éloigné des mutations du nationalisme français après 1870, ou de l’italien après 1918 ? Il est possible de penser c’est à chaque fois la transformation du rapport géopolitique qui induit la mutation et l’extension de l’utopie spatiale et de la pratique militante. En cette dynamique, les radicaux s’avèrent cependant très sensibles aux modèles que constituent à leurs yeux les révolutionnaires d’autres bords que le leur (il est vrai que les révolutions russe et iranienne sont des exemples revigorants pour des mouvements de faible assise sociale).

L’attirance de JE pour la Chine, du FEL pour le Moyen-Orient, sont deux façons d’acter la désoccidentalisation du monde,[64] en cherchant à profiter de celle-ci pour reconstruire une influence de l’Europe telle que ce continent a pu en disposer avant 1914. C’est là, peut-être, le fond inavoué de ces mouvements qui empruntèrent tant à la phraséologie anti-colonialiste. Car, malgré les intentions de nombreux cadres de JE et du FEL, les difficultés de stabilisation militante et idéologique de ces organisations sont nettement liées au poids de l’affirmationnisme blanc, des conceptions völkisch, ou de l’ésotérisme évolien. La marge connaît une attirance magnétique vers les autres marges, s’y hybridant, et ne parvenant pas si facilement qu’elle le croit à dépasser les conceptions ethno-raciales des années 1890-1940 – c’est-à-dire celles qui exprimaient un darwinsime social justifiant la puissance de l’Europe dans le monde, et le conservatisme social en Europe.


Notes

[1] Depuis la parution de cet article nous avons pu rassembler de nombreuses nouvelles archives, voir dans cet ouvrage.

[2]       Francis Balace, «Le tournant des années soixante. De la droite réactionnaire à l’extrême droite révolutionnaire», in: Francis BALACE et al., De l’avant à l’après-guerre. L’extrême droite en Belgique francophone, Bruxelles, De Boeck-Wemael, 1994, pp. 137-140. Egalement du même auteur, «Quand les mythes précèdent les faits: ‹l’OAS Belgique›», in: Olivier Dard et Victor Pereira (dirs.), Vérités et légendes d’une «OAS internationale», Paris, Riveneuve, 2013, pp. 25-81.

[3]       Renseignements Généraux de la Préfecture de Police, Le Mouvement Jeune Europe, février 1965, p. 2, Archives de la Préfecture de Police, GAJ4.

[4]       Patrick Moreau, Les Héritiers du IIIe Reich. L’Extrême droite allemande de 1945 à nos jours, Paris, Le Seuil, 1994, pp. 58-59.

[5]       Oswald Mosley, La Nation Europe, Paris, Nouvelles éditions latines, 1962. Voir aussi Philippe Vervaecke, «‹The European›. Sir Oswald Mosley et l’internationalisation du fascisme britannique, 1947-1966», in: Olivier Dard (dir.), Doctrinaires, vulgarisateurs et passeurs des droites radicales au XXe siècle (Europe /Amériques), Berne, Peter Lang, pp. 81-97.

[6]       Combat, 13 décembre 1966; Yannick Sauveur, «Jean Thiriart et le national communautarisme européen», in: Revue d’Histoire du nationalisme révolutionnaire, s.d. [1978], p. 25.

[7]       Jean Thiriart, La Grande Nation: l’Europe unitaire de Brest à Bucarest, Nantes, Ars, 1998 [1965], s.p.

[8]       Jean Thiriart, Un Empire de 400 millions d’hommes: l’Europe, Bruxelles, Jean Thiriart, 1964, pp. 14-23 et pp. 145-165.

[9]       La Révolution nationale-européenne, Nantes, Ars, s.d [1963], Cf. le troisième volume d’IDREA: Nicolas Lebourg et Jonathan Preda, «Le Front de l’Est et l’extrême droite radicale française: propagande collaborationniste, lieu de mémoire et fabrique idéologique», in: Olivier Dard (dir.), Références et thèmes des droites radicales au XXe siècle (Europe /Amériques), Berne, Peter Lang, 2015, pp. 101-138

[10]      Anne-Marie Duranton-Crabol, L’Europe de l’extrême droite de 1945 à nos jours, Bruxelles, Complexe, 1991, p. 120.

[11]      Le Parti communautaire national-européen, qui affirme disposer du monopole de l’héritage de Thiriart, écrit que c’est en référence à la chemise bleue de l’association de jeunesse socialiste à laquelle eût appartenu Thiriart avant-guerre. Mais on ne peut imaginer que les militants de JE espagnols, italiens, autrichiens etc., se soucient fort du socialisme belge d’avant-guerre: quand ils endossent la chemise : la référence est phalangiste.

[12]      Direction de la Sûreté Militaire, Hiérarchie du mouvement néo-nazi Jeune Europe, sous tampon «Secret Confidentiel», 7 mai 1963, APP GAJ4; Direction Centrale des Renseignements Généraux, «Le Mouvement ‹Jeune Europe›», in: Bulletin mensuel confidentiel Documentation-Orientation, septembre 1965, p. 10, Archives Nationales F7 15584; Yannick Sauveur, art. cit., pp. 59-60. Si, à l’évidence, le modèle est celui des partis communistes, le cinquième bureau fait référence à l’intitulé de l’officine militaire française en charge de l’Action psychologique.

[13]      Renseignements Généraux de la Préfecture de Police, «Le Mouvement Jeune Europe», février 1965, p. 11, APP GAJ4.

[14]    Cf. Pierre Milza et Marianne Benteli, Le Fascisme au XXe siècle, Paris, Richelieu, 1973, p. 350; Serge Dumont, Les Brigades noires, Berchem, EPO, 1983, pp. 99-116; Etienne Verhoeyen, L’Extrême-droite en Belgique, Courrier Hebdomadaire, Centre de Recherche et d’Information Socio-Politique, n°715-716, Bruxelles, 1976, pp. 20-31; Patrick Moreau, op. cit., pp. 401-402; Yannick Sauveur, art. cit., pp. 41-42 et pp. 89-93.

[15]      Préfecture de police, direction de la police judiciaire, sous-direction des affaires économiques et financières, quatrième cabinet de délégations judiciaires, Liste des publications interdites sur l’article 14 de la loi du 19 juillet 1881 en raison de leur caractère racial, 1979 (archives du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples).

[16]      Lettre du Général Jacquier, Directeur du Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage au Préfet de Police de Paris, sous tampon secret, 17 novembre 1964 APP GAJ4.

[17]      Renseignements Généraux de la Préfecture de Police, 15 mars 1963; idem, 4 avril 1963; idem, 2 mai 1963; idem, 13 mai 1963; idem, 2 mai 1966 (APP GAJ4).

[18]      Contre Occident, Thiriart écrit: «L’Occident dont se gargarisent les droitiers français ce n’est que ça: l’aire d’expansion de la limonade américaine. […] Cet Occident nous le vomissons. Et nous vomissons les gens qui s’en font les complices [et idolâtrent les USA] premier Etat juif du monde» (La Nation européenne, 15 mars au 15 avril 1966).

[19]      Troisième voie, TV Rapport d’activités mai 1986 (document interne); idem, dépliant Pour la France, 1986; idem, Pourquoi nous combattons, Nantes, Ars, s.d. [1986]; idem, dépliant Pour l’Europe, 1987; idem, 19 Points, Nantes, Ars Magna, 1997 [1988]; Christophe Boutin, «L’Extrême droite française au-delà du nationalisme 1958-1996», in: Revue française d’histoire des idées politiques, no 3, premier trimestre 1996, p. 153.

[20]      Christian Bouchet, Troisième voie-Année zéro, 1989 (document interne).

[21]      Christian Bouchet, entretien, 12 août 2002.

[22]      Ainsi dans Eléments de mai 1992, Alain de Benoist paraît-il reprendre des éléments des éditoriaux de Lutte du peuple, l’organe de Nouvelle résistance.

[23]      TV Circulaire SG-8, 4 septembre 1991; Nouvelle Résistance SG-9, 23 septembre 1991 (documents internes).

[24]      Tribuna de Europa, no 5, mai 1994.

[25]      La Nation européenne, 15 septembre-15 octobre 1966.

[26]      Le Monde, 23 mars 1967.

[27]      Ernesto Milá, «La Nation européenne, el ultimo proyecto de Jean Thiriart», in: Revista de Historia del Fascismo, no 2, décembre 2010-janvier 2011, pp. 152-174.

[28]      Riccardo Marchi, «As Direitas Radicais no Estado Novo (1945-1974)», in: Ler História, no 57, 2009, pp. 95-110.

[29]      Jean Thiriart, La Grande Nation: l’Europe unitaire de Brest à Bucarest, Nantes, Ars, 1998 [1965], s.p.

[30]      Olivier Dard, «L’Anticommunisme des nationalistes au temps de la République gaullienne. L’exemple des héritiers de Jeune Nation», in: Communisme, no 62-63, deuxième et troisième trimestre 2000, p. 145.

[31]      Jeffrey Kaplan, «The post-war paths of occult national socialism: from Rockwell and Madole to Manson», in: Patterns of prejudice, vol. 35, no 3, 2001, p. 49; le NRP cherchait à mêler l’œuvre de Yockey au satanisme et à la théosophie – préoccupations bien éloignées de celles du rationaliste Thiriart.

[32]      La Nation européenne, 15 avril-15 mai 1966; idem, 15 septembre-15 octobre 1966; idem, 15 janvier-15 février 1967; idem, septembre 1967.

[33]      Bulletin de l’Institut national légionnaire, no 7, septembre 1943.

[34]      La Nation européenne, 15 octobre-15 novembre 1966; idem, 15 novembre-15 décembre 1966.

[35]      La Nation européenne, 15 janvier-15 février 1967; idem, 15 février au 15 mars 1967.

[36]      Cf. Jean-Yves Camus et René Monzat, Les Droites nationales et radicales en France, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1992, pp. 50-51.

[37]      Frédéric Laurent, L’Orchestre noir, Paris, Stock, 1978, p. 133.

[38]      De Jeune Europe aux Brigades Rouges. Anti-américanisme et logique de l’engagement révolutionnaire, s.e., s.l., s.d.

[39]      José Cuadrado Costa, «Insuffisance et dépassement du concept marxiste-léniniste de nationalité», in: Conscience européenne, no 9, octobre 1984. Né en 1984 en Belgique, le PCN affirme être le parti européen intégré voulu par Thiriart.

[40]      Le Partisan européen, floréal 1986 (sic).

[41]      Christian Bouchet, Circulaire SG /91/1, 4 février 1991 (document interne).

[42]      Cf. Dominique Schnapper, «La citoyenneté à l’épreuve: les musulmans pendant la guerre du Golfe», in: Revue française de science politique, vol. 43, no 2, 1993, pp. 187-208.

[43]      Christian Bouchet, Les Nouveaux nationalistes, Paris, Déterna, 2001, p. 57.

[44]      L’Europe combattante Note d’orientation no 3 du secrétariat général de Nouvelle Résistance, no 2, 1992 (document interne).

[45]      Il y a là tant l’espace néo-droitier que NR: de Benoist, Battara, Bouchet, Michel (PCN), Schneider, Steuckers, Terraciano et Thiriart. La présence de Michel Schneider témoigne que le FEL n’exclut pas le jeu vis-à-vis des partis néo-populistes, puisque ce cadre du FN a fondé Nationalisme & République (auquel participent nombre de membres du FEL) pour tenter de déstabiliser Jean-Marie Le Pen au bénéfice de Marie-France Stirbois, veuve de l’ancien secrétaire-général frontiste Jean-Pierre Stirbois (Michel Schneider, lettre en date du 27 mars 1990 adressée à de nombreux cadres des extrêmes droites françaises; archives personnelles). Lancé en 1991, Nationalisme & République promeut une ligne anti-américaine et «antisioniste» virulente et appelle à la convergence de la gauche souverainiste, des écologistes et de l’extrême droite.

[46]      Tribuna de Europa, vol. 2, no 6, 1996.

[47]      Napalm Rock est un des nombreux fanzines périphériques de Nouvelle résistance, conformément à sa stratégie d’agrégation des marges. Dédié aux musiques metal, le titre est thélémite et violemment païen.

[48]      Direction Centrale des Renseignements Généraux, «Le Mouvement ‹Jeune Europe›», in: Bulletin mensuel confidentiel Documentation-Orientation, 1965, p. 23; idem, «Le Mouvement ‹Révolution européenne›», juin 1965, p. 2 (A.N. F7 15584).

[49]      Renseignements Généraux de la Préfecture de Police, «Le Mouvement Jeune Europe», février 1965, p. 11, APP GAJ4.

[50]      L’USCE prône une Europe des ethnies et la nationalisation gérée à l’échelon européen des entreprises extra-continentales. Le Rassemblement Socialiste Européen et l’USCE mettent en commun leurs organes en 1969 pour créer un nouveau titre, L’Europe Combat qui dénonce la droite, participe aux grèves et se réclame du péronisme; quant aux gauchistes, elle en dit dans son numéro de décembre 1969 qu’elle refuse de les combattre «même si nous, socialistes européens, n’approuvons pas leur internationalisme. Jusqu’à la fin du régime, ils sont tactiquement nos alliés» (Etienne Verhoeyen, op. cit., pp. 20-23).

[51]      Luc Michel, courrier, 14 octobre 2004.

[52]      Franco Freda, La Désintégration du système, Nantes, Ars, s.d. [1969].

[53]      Christian Bouchet, Lettre ouverte aux cadres de Nouvelle Résistance, 16 août 1996 (document interne).

[54]      Statuts du Front européen de libération, 10 novembre 1993, archives de la sous-préfecture de Valenciennes: statuts de l’Association Nouvelle résistance, 2 septembre 1996, archives de la sous-préfecture du Raincy.

[55]      Cf. «A propos du Front Européen de Libération et du PCN» et «Communiqué de presse de Nouvelle Résistance – 10 novembre 1996», http://fel.nr.free.fr/propos.htm (consulté le 2 septembre 2015).

[56]      L’Europe combattante, octobre 1996 (lettre interne); Tribuna de Europa, vol. 2, no 8, décembre 1996.

[57]      Troisième congrès de Nouvelle résistance Motion présentée par le secrétariat général de l’organisation, p. 4; L’Europe combattante, novembre 1996, pp. 1-2 (documents internes). 

[58]      L’Europe combattante, été 1997 (document interne).

[59]      La Lettre du Réseau, novembre-décembre 1997; idem, novembre-décembre 1998 (documents internes). Les Français ont fondé quant à eux Unité radicale, dissout par l’Etat en 2002 suite à la tentative d’assassinat du président de la République Jacques Chirac par un militant d’UR arguant qu’il serait un «agent de ZOG».

[60]      Troy Southgate, «Manifesto of the European Liberation Front», 1999, reproduit in: Tradition and Revolution, Londres, Arktos, 2010, pp. 125-132.

[61]      Martin Durham, «From Imperium to internet: the National Alliance and the American extreme right», in: Patterns of prejudice, 2002, vol. 36, no 3, pp. 50-61. Unité radicale a également fondé un journal Résistance qui a aussi son équivalent en Espagne: Resistancia.

[62]      Actualité Juive, 13 février 2003.

[63]      Lutte du peuple, janvier 1993.

[64]      Sur la question de la relation des droites radicales à l’Occident, voir Riccardo Marchi, «La défense de l’Occident: la dernière tranchée pour l’extrême droite européenne des années de guerre froide», in: Olivier Dard (dir.), Références et thèmes des droites radicales, op. cit., pp. 273-301 et Olivier Dard, «De la ‹Défense de l’Occident› à ‹l’Occident comme déclin›», ibid., pp. 303-319.

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