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Déconstruction du fascisme français

Par Nicolas Lebourg

L’absence du « parti fasciste » a été d’abord interprétée en France comme celle du fascisme (René Rémond), puis la découverte d’idées pré-fascistes à la charnière des deux précédents siècles a entraîné une réévaluation du phénomène (Zeev Sternhell) pouvant, dans une phase hystérique, voire manipulatrice, du « Syndrome de Vichy » (Henry Rousso), mener jusqu’à l’idée que « l’idéologie française » serait celle d’un autoritarisme antisémite confondu dans le même mouvement avec le fascisme. Cette dernière conception a été amplement diffusée dans les masses de par la tendance sociologique des faiseurs d’opinion à puiser au second marché intellectuel, la production culturelle devenant un élément d’éloignement du réel.

Ce n’est pas parce que l’avant-garde fasciste française du premier vingtième siècle provient de l’Action Française que celle-ci devient pour autant un mouvement « fasciste » – c’est là transformer la chronologie en causalité. Valois, Brasillach ou Drieu La Rochelle sont fascistes parce qu’ils rompent avec la pensée de Maurras, non car ils en proviennent. Que dit Valois lorsqu’il demande que les fascistes français restent fidèles à leurs sources, arguant que les « jacobins ont forgé la notion de l’Etat totalitaire » ? Que dit Doriot quand il s’écrie que « Nous n’avons pas attendu la victoire de la l’Allemagne sur la France pour découvrir le national-socialisme, et pour proposer des solutions nationales-sociales à notre pays » ? Ils se légitiment en produisant un ensemble de signes où s’entremêlent input d’éléments extra-nationaux et affirmation d’une tradition nationale spécifique, au cours plus long que celui des modèles italien et allemand. Les traditions sont faites pour être inventées selon les nécessités politiques de l’instant présent, et Valois est bien l’homme qui, tout à la fois, affirme que le fascisme était idéologiquement entier dans la France de l’avant Première Guerre mondiale et qui considère que c’est l’expérience de cette guerre qui a fait des fascistes ce qu’ils sont [1]. C’est-à-dire que, puisque le fascisme est empirisme, ses adeptes français sont résolument libres de composer leurs discours en puisant des signes selon leurs desiderata, dans un axe qui est plus celui d’une esthétique que d’un programme.

Quelles que soient les diverses définitions données du fascisme par les historiens, l’évidence première reste qu’« On cherche en vain le livre du fascisme : cette Bible n’existe pas » [2]. Puisque le fascisme est empirisme d’abord, il se reconnaît par ses éléments constituants perçus sous l’angle de la gestaltthéorie. Lorsque Valois le définit selon la formule arithmétique « nationalisme + socialisme = fascisme », il ne convainc pas, car le phénomène ne peut être ramené à ses seules composantes additionnées : ce sont les nœuds qui connectent entre eux ses signes et leur donnent une nouvelle forme générale qui constituent ce que l’on reconnaît alors comme « fascisme ». Cette forme générale se caractérise pourtant par une plasticité certaine tant dans le domaine des divers thèmes programmatiques avancés par les fascistes que dans celui de leurs alliances et références

Si, durant l’entre-deux-guerres, la France connaît un puissant phénomène d’antilibéralisme qui repose amplement sur son histoire nationale, les faits fascistes y demeurent somme toute de l’ordre des groupuscules et de l’acculturation d’éléments étrangers sur le substrat du nationalisme fin de siècle. Ainsi, les non-conformistes ne sont-ils pas des fascistes, mais ils contribuent à « l’esprit des années trente » et à « l’imprégnation fasciste » (Raoul Girardet). Divisés en groupes, chapelles, journaux, ils ne s’en reconnaissent pas moins tous un lien de parenté entre eux et, avant que 1934 ne réarrange chacun dans le clivage droite-gauche, ils évoquent un « Front commun » constitué par les groupes épars de la jeunesse opposée à la démocratie bourgeoise – L’Ordre Nouveau en tête, de même qu’il s’intéresse particulièrement à l’international, aux anarcho-syndicalistes espagnols comme aux nazis de « gauche » allemands, porte son regard sur l’Italie fasciste puis sur les Soviets [3]. Sous Vichy, le refus de Pétain de mettre en place un parti unique, les rivalités entre groupes et personnalités, ont abouti au tableau peint par Pierre-Antoine Cousteau dans le numéro de Je suis partout du 17 septembre 1943 : « Le fascisme français, cela existe. Ce n’est pas un parti (c’est, si l’on veut, une poussière de partis), mais c’est surtout un état d’esprit, un ensemble de réflexes, une manière héroïque de concevoir la vie, c’est beaucoup de dureté et beaucoup d’exigence, c’est une constante volonté de grandeur et de pureté, c’est l’acception de l’Europe sans renoncement national, c’est le socialisme sans les juifs, c’est la raison et c’est la foi » [4]. Quel mot pourrait-on enlever pour décrire l’objet du néo-fascisme ?

Le fascisme en France est constitué d’une pléthore de groupes aux maigres effectifs (le parti de Doriot lui-même n’est pas un réel parti de masse et conserve une imprégnation contre-révolutionnaire, il est plus une organisation-référence de son espace que « le parti fasciste français »). P. Burrin le souligne, « même en y incluant le mouvement de La Rocque, ce qui reste problématique, les troupes de ce fascisme avoisineraient la barre du million d’adhérents, soit bien moins que 5% de la population adulte » [5]. Non seulement le fascisme français ne se reconnaît pas un élément aussi important qu’un Guide, mais cet aspect a même été théorisé par les hommes de la Cagoule, de Deloncle arguant en 1941 que « des sociétés secrètes convenablement morcelées, séparées les unes les autres : [c’est là] le point capital », au Mouvement Social Républicain de la fin de Vichy, considérant que le fascisme est « une « nouvelle chevalerie », mais sans chef, ce qui doit favoriser le regroupement des forces collaborationnistes » [6].

Ce fascisme français tente, pour se construire et développer, de se nourrir d’éléments de langage, de pratiques, correspondant à des réussites étrangères. Il est un ensemble diffus, avec ses groupuscules et media qui peuvent chercher à s’interconnecter pour aboutir à un tout supérieur à la somme des éléments joints, comme dans le cas des créations du Front Révolutionnaire National et de la Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme. Balayé avec la Libération, il trouve refuge dans une micro-société underground, tels les groupuscules de Binet et Bardèche. Il n’entame sa revitalisation qu’avec le contre-coup de la déroute de l’O.A.S. Les jeunes de la Fédération des Etudiants Nationalistes qui rompent avec Pierre Sidos rompent également avec un néo-pétainisme dont le fichier racine idéologique, malgré une admiration certaine pour les phénomènes fascistes, demeurait le nationalisme-intégral.

Ces jeunes gens qui donnent jour au nationalisme-révolutionnaire et à la Nouvelle droite se nourrissent certes des écrits de l’avant-garde fasciste du premier vingtième siècle, mais la formulation de leurs thèses, ils la génèrent en puisant d’abord chez Binet ou Yockey. Ceux-ci ont été, n’importe la nullité de leur importance en termes de « parti fasciste », des passeurs de la vision fasciste du monde entre les deux moitiés du XXe siècle. C’est par le jeu de greffes d’éléments disséminés, provenant d’un spenglérien américain ex-adepte de Coughlin, d’un Waffen S.S. français strasserien et ex-trotskyste, que s’amorce un élément de rénovation du champ des extrêmes droites… Grâce à cet effort, les jeunes militants ont pu aller de l’avant vers des thèses toujours plus en rupture avec la physionomie du nationalisme-intégral, vers celles de Thiriart, un ancien socialiste puis collaborationniste belge, vers celles de Saint-Loup, un ancien socialiste puis Waffen S.S. français mystique, vers celles, enfin, de la Révolution Conservatrice allemande ou du bouillonnement néo-fasciste italien. Ici aussi se retrouvent acculturation, hybridations, bricolage idéologique, transmission de ce qui est jugé l’élément premier : la Weltanschauung du fascisme et non ses chemises et ses bottes. Ce procédé de rhizome culturel n’est pas neuf, il fut donc en partie celui de leurs aînés dans la rupture avec Maurras au profit du choix de la voie fasciste.

Or, l’expérience de la Grande Guerre et le contre-coup de la Révolution russe furent la matrice de la forme classique du fascisme et de la manière dont il se rêve, débouchant sur la constitution d’un Parti de masse hiérarchisé et militarisé appelé à réaliser une osmose avec la société et l’Etat. Mais ce n’est donc pas cette forme qu’il a épousé en France durant le premier vingtième siècle, et ce qui caractérise ensuite l’histoire des étudiants nationalistes sous la IVe République, c’est, précisément, « la constitution de réseaux » [7]. Ensuite, la volonté de renverser l’Etat a radicalisé ce trait : « les groupes d’action sont extrêmement compartimentés, séparés par des cloisons étanches » note un rapport policier dédié à la surveillance des préparatifs de la tentative de putsch. Suite à l’échec de celle-ci, un autre rapport précise que « le calme absolu dont fit preuve la Métropole au cours des évènements du 24 janvier 1960 fit comprendre aux animateurs des organisations ultras que la formule d’une minorité agissante, organisée rationnellement, en réseaux et cellules et assurés du concours de l’armée, était la seule viable pour préparer avec des chances de succès un véritable coup d’Etat, dont l’initiative devrait, comme précédemment, être prise à Alger, mais cette fois-ci par des militaires et non par des civils » [8].

De l’O.A.S., les nationalistes ont retenu, comme le signale leur document fondateur Pour une Critique positive, que le combat de « noyaux » avait été plus important et rentable que celui de « l’organisation ». Le trait va ainsi s’accentuant, l’extrême droite radicale épousant une forme de rhizome et non de « parti-milice ».

Ces groupes basistes, ils les veulent intégrés à un espace social ou géographique circonscrit et composés de révolutionnaires professionnels ; ils ne les envisagent pas déstabiliser ce que, comme la Révolution Conservatrice, ils nomment le « Système », autrement que par des réseaux, à l’échelle nationale (franc-maçonnerie d’extrême droite, clubs, etc. composant le « Mouvement » en sus du « Parti révolutionnaire »), et internationale. C’est, là aussi, l’héritage de l’O.A.S., comme le précise D. Venner en reprenant la terminologie de Thiriart, symptôme du poids qu’ont pris les contacts avec la Belgique : les activistes français ont trouvé hors de leurs frontières des « poumons extérieurs » les soutenant et jetant les bases de la « Jeune Europe » [9]. Thiriart aussi passe au premier plan de l’action transnationale suite à son engagement dans le soutien à l’O.A.S., et sa rencontre avec le néo-fascisme international à Venise. Que font les militants les plus conscients lorsque s’écroule  la nébuleuse qu’est Europe-Action (avec ses deux syndicats, ses deux partis « unitaires », ses deux revues nationales et sa presse locale) ? Ils fondent une multitude de petits groupes qui se disent « socialistes-européens », ne présentent aucun lien entre eux, comme s’ils étaient autant d’initiatives locales de militants neufs en politique, et cherchent à créer des connexions avec les milieux de gauche [10].

Comme le parti de masse fasciste avec ses uniformes et son guide étaient redevables à l’expérience de la mobilisation militaire de la Grande Guerre, les « nouveaux nationalistes » qui émergent adoptent la structure de réseaux invisibles constitués de noyaux, telle qu’ils l’avaient connue dans leur lutte pour l’Algérie française. Ils les veulent dotés de ce qu’ils affirment avoir manqué à l’O.A.S. par la faute des « nationaux » : une stratégie et une idéologie révolutionnaire – à défaut, d’une Weltanschauung. Ils le font sans mythe du Guide et du Sauveur, sans porte-parole établi, à la base. Cela ne signifie pas pour autant un consensus, car le champ des extrêmes droites françaises est, dans le domaine de ses contradictions internes, marqué par ses luttes de pouvoir (souvent hâtivement qualifiées de lutte de tendances) et son fonctionnement autiste. L’imitation fonctionne bien mieux dans l’international que dans le local – ainsi quand les NR français reprennent via les NR allemands des éléments qui proviennent de la Nouvelle droite française. Ce mimétisme international permet une bien plus facile homogénéisation entre nationalistes, et donc de construire des réseaux internationaux. En effet, il est plus facile à deux groupes nationalistes français de s’entendre avec des formations qui ne les concurrencent pas et permettent, bien au contraire, de les valoriser en surjouant le thème de « l’Internationale » (des réseaux et simples contacts en fait, dans presque tous les cas), que de tirer un trait sur leur spécificité, i.e. sur une autonomie assurant la préservation du capital social symbolique de leur encadrement.

Le rhizome fasciste français de l’avant-guerre n’était peut-être pas pleinement adapté à l’époque industrielle, mais il se fortifie et se développe avec l’ère post-industrielle. Il en épouse plus naturellement les contours, tant les cartes territoriales du politique sont reconstruites dans cette phase. D’une soixantaine d’Etats en 1939, le monde passe à cent dix-huit en 1963 et cent quatre-vingt-seize en 2000 [11]. Les économies nationales n’existent plus, effacées au profit de marchés connectés tandis qu’un nouvel ordre politique émerge par la croissance exponentielle du nombre d’organismes intergouvernementaux et d’organisations non-gouvernementales. En fait, selon Eric Hobsbawm, « nous traversons une curieuse combinaison de technologies de la fin du XXe siècle, de libre-échange du XIXe et de renaissance des centres interstitiels du type de ceux qui caractérisaient le commerce mondial au Moyen-Age » [12]. La Guerre froide, en plaçant face à face les réseaux secrets de déstabilisation de deux seuls camps idéologiques, encourage sans doute aucun le phénomène de rhizomes extrémistes (que l’on songe aux manipulations de vrais-faux terroristes néo-nazis par l’Est ou à la stratégie de la tension à l’Ouest). La décolonisation mène à l’éclosion d’un concept comme la francophonie – le mot naît en 1959 – autrement dit de l’idée d’un espace fluide commun basé sur une unité de culture produite par une unité de langage [13].

En ce contexte, le monolithisme national apparaît de manière croissante comme un anachronisme, une butte-témoin enkystée dans la révolution mondialiste. La Nouvelle droite et les NR suivent l’évolution en travaillant non plus tant à des internationales léninistes qu’à des réseaux européens regroupant ceux qui partagent une culture politique commune – et, moins que pour une nation, ils combattent pour une vision qui puisse donner sa cohérence à la dialectique entre le local et l’international.

Il s’avère que, selon le modèle analytique de R. Griffin, l’existence de groupes infra-groupusculaires, mais inter-connectés, actifs hors du cadre d’une sous-culture politique nationale, a constitué un champ d’énergie idéologique à l’intensité supérieure à celle de chacun de ses différents nœuds. Sans centralisation, sans chef, pourquoi pas sans militant – mais non sans volonté, avec hétérogénéité et éclectisme idéologiques – telle est la forme adoptée internationalement par le néo-fascisme [14].

Le cas français s’inscrit dans ce schéma global avec une physionomie particulière. Entre l’idée de l’allergie au fascisme et celle, ô combien excessive, d’une « idéologie française » d’autant plus tout en fascisme(s) que la moindre notion d’exaltation de l’Etat, du peuple et de la nation, se voit rapportée à ce phénomène, figure une troisième voie. Celle-ci s’inscrit d’ailleurs dans la continuité de l’analogie réalisée par Pierre Milza entre la société française des années trente, avec sa « contamination, par zones concentriques plus ou moins fortement imprégnées d’idéologie fasciste ou fascisante, et qui reste au demeurant minoritaire », et l’imprégnation national-populiste de cette société à compter de l’éclosion du F.N. [15]. Le statut de parti-lobby du F.N., dont le rapport électorat / nombre de militants est extrêmement faible, n’est rien d’autre que la conséquence de cet état.

Le fascisme français ne correspond ni à la morphologie du Fascisme (Parti mobilisant les masses), ni à l’ensemble de ses signes (absence d’impérialisme belliqueux) mais jouit d’une forme générale qui lui est propre. Sur les bases du nationalisme des nationalistes, le fascisme français se produit, tout au long du siècle, par hybridation de signes, globalement extra-nationaux, dans un processus de rhizome culturel qui correspond à sa structure de rhizome d’organisations de faible densité quantitative et sans réelle figure du Guide, inséré dans le champ des extrêmes droites. Le second XXe siècle voit l’accentuation de cette structuration sous l’effet des contre-coups de l’Epuration, des formes basistes du combat de l’O.A.S. [16], puis de son échec, de la révolution mondialiste (multiplication des Etats, perte de pans de leur souveraineté, marché mondial) par la dialectique entre la superstructure nationaliste et les infrastructures (au sens marxiste de ces formules). Le phénomène de rhizome s’internationalise conformément à l’évolution néo-fasciste générale et à cette révolution mondialiste. Le déplacement du parti national-populiste sur des positions idéologiques proches de celles des néo-fascistes (1995-1998) se réalise en faisant de lui l’élément axial du rhizome néo-fasciste par absorption de ses structures, de ses cadres, mais sans que ceux-ci abandonnassent un seul instant le travail en rhizome ou ne se convertissent à la figure du Sauveur.

In fine, après la Seconde Guerre mondiale, le fascisme français s’est réfugié dans la transmission de sa Weltanschauung – une révolte moderne contre le monde moderne, une « révolution conservatrice » dont la philosophie politique est un « naturisme radical » [17] et le but idéal-typique une palingénésie communautariste [18]. Les références et clins d’œil ont d’ailleurs beau être permanents dans la presse néo-fasciste, c’est toujours plus de l’éternelle Sparte dont les N.R. sont en quête que d’un succédané de la Rome ou du Berlin fascistes — Umberto Eco parlerait d’Ur-fascisme. C’est sans doute cet enfouissement idéel dans un underground social qui aboutit d’une part à la prégnance de l’histoire des idées sur le renouvellement idéologique du fascisme, d’autre part à la capacité de reformation permanente du phénomène néo-fasciste. Au début du XXIe siècle, le fascisme en tant que substrat idéologique a survécu, mais il a perdu tout ce qui en était les signes patents, qui ne furent in fine que des concepts adjacents, une forme relative à l’ère industrielle. D’où peut-être, en un ultime paradoxe, l’échec même de la rénovation du fascisme par l’adoption des mœurs et idées d’un national-bolchevisme qui était avant tout « un romantisme politique pour la société industrielle » [19].

Le néo-fascisme qui naît en 1942 n’a ainsi pas réalisé de rupture complète avec le fascisme mais, par rapport à celui-ci, il privilégie la société à l’Etat, l’Europe aux anciennes nations. Cette physionomie n’est pas dissociable de l’évolution des contextes sociaux, politiques et économiques, pas plus que de l’histoire des marges dans la dialectique interne du fascisme durant sa première période (1919-1941). Le rejet de l’Etat au profit de la société durant la post-modernité est un trait saillant qui renvoie à ce temps mais aussi, sans doute, aux jeux de miroir avec les extrêmes gauches, Emilio Gentile ayant justement souligné que si le fascisme avait été l’anti-thèse du communisme c’était car le premier était une « idéologie de l’Etat » quant le second s’avérait être une « idéologie de la société »20.

Première parution : Nicolas Lebourg, Le Monde vu de la plus extrême droite. Du Fascisme au nationalisme-révolutionnaire, Presses Universitaires de Perpignan, Perpignan, 2010, pp.236-244.

Notes

1 Si Valois reconnaît à l’Italie d’avoir donné son nom et ses manières au fascisme il ne cesse jamais d’affirmer que cette idéologie c’est celle du nationalisme fin de siècle en France et que son fondateur c’est Barrès, socialiste nationaliste républicain et antiparlementaire ayant su regrouper autour de lui des hommes de gauche et de droite.

2 M. Bardèche, Qu’est ce que le fascisme ?, Pythéas, Sassetot-le-Mauconduit, 1995 (1ère ed. 1961), p.87.

3 J-L. Loubet del Bayle, Les Non-conformistes des années trente, Le Seuil, Paris, 2001., pp.108-111 et pp.183-192.

4 Cité in J-L. Maisonneuve, L’Extrême droite sur le divan, Imago, Paris, 1991, p.31.

5 P. Burrin, Fascisme, Nazisme et autoritarisme, Le Seuil, Paris, 2001, p.261.

6 Cités in P. Burrin, La France à l’heure allemande 1940-1944, Le Seuil, Paris, 1995, p. 421 ; Direction Générale de la Sûreté Nationale, Direction des Renseignements Généraux, Partis et groupements politiques d’extrême droite. Tome I Identification et organisation des mouvements et associations, daté janvier 1956, p.4 (A.N. F7/15591).

7 O. Dard, « Jalons pour une histoire des étudiants nationalistes sous la IVe République », Historiens & Géographes, n°358, juillet-août 1997, p.262.

8 Renseignements Généraux, « Le Complot contre la Ve République », 9 décembre 1960, p.3 ; Direction des Renseignements Généraux, Sûreté Nationale, « La Rébellion en Métropole », s.d., p.2 (A.N.F7/15646).

9 Pour une Critique positive, Ars Magna, Nantes, 1997 (1ère. éd. 1962). Les extrêmes droites peuvent s’adonner à la constitution de ces réseaux avec une mythomanie typique. L’Esprit public annonce ainsi sur toute sa quatrième de couverture la naissance d’un « organisme de liaison secret » de… journalistes, créé… en avril 1964 (L’Esprit public, décembre 1964).

10 Ce qui est traduit dans le discours émis par cette formule de Socialisme européen, qui se situe dans le sillon « de la jeune gauche française dans le cadre de clubs aux structures souples » censément mieux adaptés à la vie démocratique que les vieux partis monolithes (Socialisme européen, n°1, 1967).

11 P. Rosanvallon, Pour une Histoire conceptuelle du politique, Le Seuil, Paris, 2003, p.40.

12 E. Hobsbawm, Nations et nationalisme depuis 1780 : programme, mythe, réalité, Gallimard, Paris, 1992, pp.231-232 et p.249.

13 L’apparition du thème de la francophonie n’est peut-être pas étrangère à celle du « francisme » et de la « francité », de même que le nationalisme-européen est lié à la perte de l’Algérie française.

14 R. Griffin, « The Incredible shrinking ism : the survival of fascism in the post-fascist era », R. Griffin dir., The  » Groupouscular right  » : a neglected political genus, Patterns of prejudice, Sage, London, Thousands Oaks, New Delhi, vol. 36, n°3, juillet 2002, pp.4-5.

15 P. Milza, Fascisme français. Passé et présent, Flammarion, Paris, 1987, p.59.

16 Cf. O. Dard, Voyage au cœur de l’OAS, Perrin, Paris, 2005.

17 Cf. Pascal Ory, Du Fascisme, Perrin, Paris, 2003.

18 Cf. R. Griffin, « Interregnum or Endgame ? Radical Right Thought in the Post-fascist Era », The Journal of Political Ideologies, vol 5. n°2, 2000, p. 163-178.

19 L. Dupeux, National-bolchevisme. Stratégie communiste et dynamique conservatrice, Honoré Champion, Paris, 1979, p.542.

20 E. Gentile, Qu’est ce que le fascisme ?, Gallimard, Paris, 2004, p.136.

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