Bruno Larebière : l’avenir des droites, vue de droite
Par Jean-Yves Camus

Source inconnue.
L’étude du Front national semble n’avoir inspiré, à de rares exceptions près, que les auteurs dont la sensibilité personnelle est à gauche où tend vers la droite libérale. Bruno Larebière fait exception. Journaliste chevronné et de talent, il vient de donner au bimensuel catholique Monde et Vie, désormais dirigé par cet esprit indépendant et original qu’est l’abbé Guillaume de Tanoüarn, une longue interview dont le titre est : « La réclamation lancinante des Français ne trouve aucun représentant crédible ». Elle est à lire avec attention.
Bruno Larebière donc, est de droite, de tendance nationale-liberale, après être passé par les mouvances terceriste et identitaire. Pour le connaître un peu, je crois que lorsqu’il affirme qu’il existe un « boulevard à droite » pour celui ou celle qui défendra « une ligne nationale, conservatrice et libérale », soit « affirmation de l’autorité de l’État français, défense des valeurs traditionnelles, restauration des libertés économiques », il définit le contour de ses propres convictions.
Or que dit-il aux lecteurs de Monde et Vie ? Que si le peuple français, ou du moins cette fraction du peuple qui vote (encore), a connu « un mouvement dextrogyre », celui-ci ne trouve aucun candidat à la présidentielle de 2017 pour l’incarner. On entend déjà les incrédules : « Et Sarkozy ? », « Et Marine Le Pen ? ». Le diagnostic de Larebière est que le retour au pouvoir de la vraie droite ne passera pas par eux et ne se produira de toute manière pas avant 2022. Nicolas Sarkozy est évalué durement : il est pour Larebière l’homme de la rupture avec l’idéologie issue de Mai 68, qu’il avait promise en 2007 sans la réaliser une fois élu. Les autres candidats des Républicains n’ont même pas droit à une mention, ce qui lui évite d’être aussi cruel envers « Monsieur Chloroforme » que Philippe de Villiers.
Reste Marine Le Pen. Et la concernant, la charge est sévère. Pour Bruno Larebière, le « national-étatisme » frontiste est un programme aberrant pour une formation qui doit attirer des électeurs de droite autre que les siens s’il veut conquérir le pouvoir. Parce qu’en économie, il propose encore plus d’Etat à des électeurs qui en veulent moins. Qu’en matière d’organisation territoriale, il invite à plus de centralisme et non à désépaissir le mille- feuilles de l’administration. Parce que son « souverainisme intégral » est inadapté à une époque où la souveraineté des choix économiques de la France n’est pas mise en péril par l’Euro, mais par la structure transnationale du capital des sociétés du CAC 40. Sur ces points, Larebière vise juste. Comme sur l’Europe : je pense, comme lui, que la question n’est pas de savoir si le projet européen est intrinsèquement bon ou, comme le FN le pense, intrinsèquement mauvais, mais de proposer une définition cohérente de ce qu’est (ou devrait être) l’Europe en tant qu’espace civilisationnel. Il se peut que nos réponses divergent, mais au moins faut-il ouvrir le bon débat.
Bruno Larebière considère que pour la droite, la prochaine présidentielle sera un coup pour rien parce que, selon sa bonne formule, « on cherche l’offre pour répondre à la demande, mais on ne la trouve pas ». Pour que cette offre apparaisse, il faudrait un « big-bang » à droite. Celui qui n’a pas eu lieu en 2012. Or, dit Larebière, « Dans le système français, une éventuelle recomposition ne peut survenir qu’après un échec électoral cuisant : ce pourrait être l’absence de tout candidat de la droite et du centre du deuxième tour de la présidentielle ». Donc un second tour entre le FN et la gauche. Il poursuit : « ce pourrait être aussi une défaite de Marine Le Pen dès le premier tour ». Donc un second tour classique entre droite et gauche, auquel cas la remise en question frontiste, non réalisée lors du séminaire interne de début Février 2016, deviendra une question de vie ou de mort, du moins pour l’actuelle présidente et sa ligne.
Conclusion : « Après 2017, le champ des possibles s’agrandit. Jusque-là, tout est bloqué ». Larebière désespère au fond à la fois Nanterre et Neuilly-Auteuil-Passy. C’est moins facile que de répéter « nous incarnons une lame de fond qui va finir par tout renverser » ou, comme vient de le faire Nicolas Sarkozy au Salon de l’Agriculture, « changez de Président » pour que tout s’arrange. C’est plus lucide, toutefois, quand on est dans le combat des idées et non la simple quête du pouvoir.
Ce qui nous conduit à cette invite faite à Bruno Larebière de nous donner, enfin, un livre sur l’avenir des droites, d’un point de vue de la droite de convictions.