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Undergrounds défrichés

Par Stéphane François

Parmi les livres reçus en service de presse, deux sortent du lot : L’Homme contre l’argent, et White Power Music.

Georges Valois, L’Homme contre l’argent. Souvenirs de dix ans 1918-1928, édition présentée par Olivier Dard, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 2012, est un livre très important pour l’historien qui étudie les années 1920 et 1930 en France. En effet, il s’agit d’une autobiographie de Georges Valois et d’un voyage, un récit, au sein de l’extrême droite de cette période. Mais surtout, ce livre permet de comprendre les mécanismes qui ont permis la naissance du premier parti réellement fasciste en France.

Dans ce sens, ce livre est un témoignage important. D’autant plus, que cet ouvrage est aussi une galerie de portraits sans concessions de personnalités de l’époque : Charles Maurras évidemment, Benito Mussolini, François Coty, etc., ainsi qu’une fresque de milieux très divers, dont l’Action française, brossée par un auteur à l’écriture vive et parfois brutale, voire virulente, comme le montre la violence de la description de Maurras, de Bainville ou Pujo, avec qui il règle ses comptes. Enfin, cet ouvrage donne un éclairage intéressant de la naissance de la technocratie française et de son réalisme. Bref, ces Souvenirs de dix ans permettent d’entrer et de comprendre les années 1920. L’Homme contre l’argent est aussi important pour comprendre l’évolution psychologique et politique de l’un des intellectuels majeurs de cette période, Georges Valois : homme d’action révolutionnaire et conservateur, anticapitaliste et anti-américain, il fut l’un des premiers à être fasciné par le fascisme naissant, et s’en éloigna lorsque celui-ci devint une idéologie importante, en 1927. Il s’en éloigna tellement qu’il édita dans sa maison d’éditions des auteurs antifascistes italiens ! Il devint même un rénovateur de la République… Dix ans plus tard, il se rapprocha des idées socialistes en théorisant l’abondancisme, prônant pour les années à venir un « Nouvel âge ». Il s’agit donc d’une personnalité complexe, qui se livre (un peu) dans ces Souvenirs. Il était donc capital que ce livre devenu rare soit réédité. En outre, l’introduction d’Olivier Dard, qui est sûrement le meilleur spécialiste de la période, offre de précieuses informations sur une période peu étudiée.

Anton Shekhovtsov & Paul Jackson (eds.), White Power Music. Scene of Extreme-Right Cultural Resistance, Northampton, Searchlight Magazine, 2012, est un petit ouvrage publié sous la direction des universitaires Anton Shekhovtsov et Paul Jackson. Il offre un panorama européen des scènes musicales d’extrême droite proches des skinheads. Chaque chapitre porte sur un pays : Allemagne, France, Suède, Grèce, Hongrie et Roumanie, République Tchèque, Grande-Bretagne (avec une étude très pointue sur Ian Stuart Donaldson, le fondateur du Blood and Honor), ainsi que deux chapitres d’ordre plus général, l’un sur le rôle des femmes dans cette scène et l’autre sur la possibilité de la censurer à l’ère d’Internet. Les chapitres sont denses et très documentés. Par conséquent, ce livre est très utile pour ceux qui s’intéressent aux questions des rapports entre l’extrême droite et la musique, et au-delà sur les rapports entre l’extrême droite et la culture. Il s’agit aussi d’une étude par le menu, c’est-à-dire par l’étude des textes des chansons, de la manière dont ces groupes créent des « ennemis » (raciaux ou « traîtres »). De fait, les jeunes chercheurs participant à cet ouvrage offrent de nouvelles grilles d’analyse qui permettent de mieux comprendre les évolutions de l’extrême droite européenne depuis le début des années 1980, bien que les auteurs s’attachent surtout à analyser cette scène à compter du début des années 1990/2000.

Il s’agit d’une des rares analyses de fond de la scène « White power », brossant un paysage quasi-complet de ces milieux. Il ne manque guère que la Russie et les États-Unis. Il s’agit donc d’un livre capital pour la compréhension de cette scène.

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