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Violence néo-nazie : une extrême droite de ressentiment

Looseknit tribute to Francis BaconPropos de Stéphane François recueillis par Ozal Emier, Métro, 6 mai 2013.

Beate Zschäpe est la figure principale de ce procès. Que sait-on d’elle ? 

Elle a grandi en RDA dans une famille monoparentale. D’un milieu modeste, elle a quitté assez tôt l’école, cumulant de petits emplois et des stages de formation. Nous pouvons envisager qu’elle a développé, à force, un certain ressentiment vis-à-vis des populations immigrées, mieux loties qu’elle, de son point de vue. C’est d’ailleurs durant cette période, qui correspond à la chute du Mur, qu’elle rejoint des groupes néonazis, très implantés dans sa Thuringe natale, avant de fonder la NSU.

Comment la police a-t-elle pu perdre leur trace pendant 14 ans ?

Paradoxalement, c’est assez facile : il suffit d’être déterminé, de refuser la technologie et d’être un groupe soudé, à la limite de la paranoïa pour éviter les fuites et les infiltrations. En outre, il ne faut pas oublier que ces crimes n’étaient pas signés : aucun symbole, aucune revendication d’extrême droite ne venaient faciliter l’enquête de la police. Autre difficulté, ils étaient espacés dans le temps et l’espace : il était donc difficile de faire le lien. En Allemagne, les néonazis ne sont absolument pas pris à la légère et sont très surveillés par la police. Ils sont notamment photographiés durant leurs manifestations et infiltrés par les forces de l’ordre et l’Etat interdit régulièrement des groupes : 10 l’ont été entre 1992 et 2011.

Cette cellule terroriste est-elle un cas isolé ? 

Pour l’instant, ce type d’action reste isolé en Allemagne, mais il existe des mouvements néonazis violents en Scandinavie, en particulier en Suède et au Danemark. On en trouve aussi de très violents aux Etats-Unis et en Russie et nous pouvons craindre une montée en puissance de ce type d’action. Ceci dit, cette radicalisation est davantage liée à une droitisation des politiques et à un rejet croissant à la fois de la mondialisation et de l’islam, qu’à la montée des populismes en Europe : ces milieux extrémistes sont rejetés par tous les partis populistes.

Quel est le poids des mouvements néonazis en Allemagne ? 

C’est assez difficile à déterminer. Il existe un certain nombre de groupuscules qui font l’objet d’enquêtes de journalistes et de la surveillance de la police. Il y aurait environ 5 500 néonazis, contre environ 2 500 il y a quinze ans, c’est donc une mouvance en augmentation. Néanmoins, s’ils ont une capacité de nuisance au niveau local – ils l’ont montré par le passé par des actions violentes, surtout dans l’ex RDA – ils ne sont pas capables de renverser l’Etat allemand. Sinon, ils l’auraient déjà fait.

A quoi ressemble cette extrême droite allemande ?

C’est une extrême droite composée de personnes venant de milieux modestes ou défavorisés et précarisés. Sociologiquement donc, ces néonazis sont plutôt issus de milieux populaires, en déshérence et ont un niveau scolaire assez bas. Elle a surfé sur le choc économique et politique provoqué par la réunification avec la RFA. C’est une extrême droite de ressentiment, qui cherche à exclure de manière violente les immigrés des bénéfices de l’Etat-providence, au discours ouvertement raciste et suprémaciste. Le néonazisme doit donc être vu comme une résurgence de l’idéologie national-socialiste après 1945, dans une version moins conceptualisée, moins réfléchie.