La Violence politique, cet obscur objet du désir
Par Nicolas Lebourg
Depuis la mort de Rémi Fraisse, de nombreuses voix conspuent l’illégitimité de la violence. Les uns admonestent «la violence d’État». Les autres enragent contre la violence des militants autonomes et/ou écologistes. Dans un climat tendu, ce sont des représentations profondément enfouies qui sont mobilisées. L’émotion est vive. Elle seule a droit à la parole.
Derrière son hégémonie, il y a cependant d’autres choses qui se jouent. On comprend bien que, dans le pays de la Révolution française, la question de la légitimité de l’action politique violente soit logiquement importante. On voudrait ici, non pas prendre parti, mais poser quelques réflexions sur la violence.
Changements et permanences
Jadis, les groupements extrémistes pouvaient, en plein Paris, lancer par centaines des cocktails molotov sur les policiers et en blesser des dizaines. Depuis, la société française n’admet plus l’usage de la violence par les militants politiques. Les affrontements de la semaine passée n’ont pas entraîné un flot de blessés parmi les forces de l’ordre, mais ils ont pourtant mené à la condamnation de «djihadistes verts», excusez du peu, par le président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles. Lors des manifestations du 1er novembre, les heurts ont été violents entre l’ultra-gauche et les forces de l’ordre. Mais, même ainsi, le niveau de violence demeure nettement inférieur à ce qu’il put être il y a une quarantaine d’années.
Jadis, de même, l’Etat pouvait réprimer une manifestation par un massacre. Aujourd’hui, la mort d’un jeune homme entraîne des demandes de démission du ministre de l’Intérieur sur les réseaux sociaux comme de la part du député écologiste Noël Mamère.
Certes, cela signifie peut-être moralement une expansion des valeurs humanistes. Mais, par-delà, cela signifie un refus social de la violence, tant contre l’Etat que par l’Etat. C’est-à-dire un refus du bouleversement pour ou par le politique. Humanisme et dépolitisation iraient de pair, comme subversion et répression s’alimenteraient.
En outre, les propos ne semblent pas parvenir à s’extraire d’un vieux duel d’analyses: Hobbes contre Rousseau.