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L’Ecologie politique : entre conservatisme et modernité

carlopico by DiasporaPar Stéphane François

L’écologie est entrée dans la vie politique lorsque quelques écologistes allemands sont devenus députés dans les années 1970. Ces années voient aussi le rassemblement de libertaires post-soixante-huitards, d’écologistes, de scientifiques et défenseurs de la nature autour de la question du nucléaire et des premières réflexions sur la croissance. L’écologie, par sa signification polysémique, est un terme ambivalent se trouvant à mi-chemin entre la science et la politique. D’une part, ce terme désigne une science, à la frontière entre les sciences naturelles et les sciences sociales, qui étudie les relations entre l’homme et son environnement ; de l’autre, il désigne un mouvement de protestation qui, sur la base de données fournie par l’écologie « science », refuse les dommages irréparables que l’homme inflige à la nature et qui, en retour, le menace.

Cette seconde acceptation est politiquement ambiguë : globalement, les écologistes se disent de gauche, bien que leurs valeurs soient clairement conservatrices, donc de droite. Ces références conservatrices ont donné naissance à un courant de l’écologie politique que certains ont pu qualifier de « réactionnaire », couvrant un spectre politique allant de la droite à l’extrême droite, et dont l’influence se fait de plus en plus grande dans les milieux altermondialistes. C’est cette dernière acceptation que nous analyserons dans le présent article. Nous nous attacherons surtout à mettre en évidence les références conservatrices et antimodernistes de l’écologie. À la suite de Luc Ferry, nous pouvons dire que le débat sur l’écologie peut se replacer dans le cadre plus large des débats sur la modernité et l’héritage des Lumières.

Les origines conservatrices de l’écologie

Une partie des origines du mouvement écologiste contemporain est à chercher au sein de mouvements issus du romantisme politique, tels certains courants de la « Révolution Conservatrice » allemande1, comme les völkisch, les mouvements de réforme de la vie, le Lebensreform, ou comme les premiers alternatifs allemands de la fin du XIXe siècle, voire chez des auteurs comme l’Américain d’Henry David Thoreau2, le Rousseau américain. Celui-ci a posé les bases d’une forme d’écologie dans un roman publié en 1854, Walden ou la vie dans les bois. De fait, ces auteurs ou ces courants ont été influencés par le romantisme, plus que par Rousseau. Contrairement à ce qui est souvent écrit, Rousseau ne croyait pas en la possibilité d’un retour à un état originel ou à un hypothétique âge d’or : « La nature humaine ne rétrograde pas ». Cependant, sa pensée, au travers de l’interprétation romantique, a influencé certains théoriciens d’un retour à la nature comme les völkisch3 et les premiers alternatifs allemands. En effet, ces « pré-écologistes » idéalisèrent la nature, faisant de l’« état de nature » une nostalgie d’un Éden dans lequel les hommes et la nature vivaient harmonieusement.

Cette vision passéiste eut pour conséquence de voir le développement d’un discours antimoderne. Ces premiers mouvements se sont aussitôt présentés comme un refus du monde moderne et industriel qui émergeait alors : la pensée de Thoreau est en effet marquée par le refus de l’urbanisation et de l’industrialisation. Ce refus se retrouve chez les précurseurs allemands qui s’opposaient à l’urbanisation et à l’industrialisation de l’Allemagne au nom du risque de décadence spirituelle de celle-ci. D’ailleurs, l’un des pères de l’écologie allemande, au sens scientifique et philosophique du terme, Ernst Haeckel était membre de l’Alldeutscher Verband (l’« association pangermaniste »), un mouvement nationaliste et membre fondateur en 1904 d’une structure panthéiste, la Ligue moniste allemande.

La plupart des thèmes écologistes ont appartenu ou appartiennent encore à un univers de référence plus conservateur que libéral. En effet, l’écologie est l’héritière du romantisme plutôt que celle des Lumières. « Que l’on songe, par exemple, écrit assez justement le néo-droitier Charles Champetier, aux vertus de la vie naturelle célébrées face aux vices de la vie urbaine, à l’idée de nature conçue comme un ordre harmonieux, au refus du progrès, à la réaction esthétique contre la laideur de la société industrielle, à la métaphore de l’“organique” opposé au “mécanique” ou du “vivant” face à l’abstrait, à l’éloge de l’enracinement et des petites communautés… » Par conséquent, « […] la terre apparaît ici comme donatrice primordiale de l’élément nourricier et ordonnatrice d’un mode de civilisation traditionnelle que la révolution industrielle n’aura de cesse de transformer en un “monde perdu” dont le romantisme eut, le premier, la nostalgie. »4

Malgré ces thèmes conservateurs, les groupes écologistes français et allemands, les « Verts » et les « Grünen », se sont installés dès le départ à gauche ou à l’extrême gauche, la plupart de leurs membres étant issus de la contre-culture des années 1970, régionalistes, féministes, autogestionnaires, etc. dont les références étaient parfois loin d’être académique, comme le furent le magazine La gueule ouverte de Pierre Fournier et les bandes dessinées de Reiser (La vie au grand air) et de Gébé (L’an 01). Cette écologie de « gauche » est l’héritière en France du « naturalisme subversif », ou de « l’écologie libertaire », théorisé au début des années soixante-dix par Serge Moscovici dans La société contre nature5, et dont les références sont André Gorz, Ivan Illich, Murray Bookchin, voire Auguste Blanqui, Élisée Reclus ou Kropotkine. Moscovici y critique le progrès technique qui l’isole dans un monde désenchanté. En retour, Moscovici construit un système réenchantant le monde. Il y défend un retour dans la nature mais sans remettre en cause l’héritage des Lumières. Elle est aussi l’héritière de l’agronome René Dumont, l’une des grandes figures de l’écologie française. Dumont prônait un discours radical plus ambigu. D’un côté, il soutenait une sorte de socialisme écologiste anticapitaliste et autogestionnaire. De l’autre, il défendait la « croissance zéro » du Club de Rome et surtout un malthusianisme radical. En effet, anticipant une surpopulation mondiale à venir, il désirait inciter les couples à n’avoir qu’un enfant.

Cependant, les Grünen, les Verts allemands ont d’évidentes références conservatrices, voire « révolutionnaires-conservatrices ». Ces idées « révolutionnaires-conservatrices » ont été diffusées par la Nouvelle Droite6 allemande (Neue Rechte), héritière directe des révolutionnaires-conservateurs des années 1920, au sein des Grünen, par des personnes comme Henning Eichberg7. La Neue Rechte a en effet défendu dans les années 1970 un Wertkonservatismus (« conservatisme spirituel ») prônant la protection de la nature, la défense d’un environnement naturel, intact, une vie enracinée avec une alimentation saine… Ce discours a été transmis aux Grünen lorsqu’une partie de la Neue Rechte s’est dissoute, en 1980, dans la première organisation des Verts. Ces militants ont en outre participé à l’élaboration du programme des Verts8. La revue du parti, Die Grünen, fut même contrôlée durant un temps par les néo-droitiers allemands. De même, les écologistes américains les plus radicaux soutiennent un discours anti-Lumières. De grands noms de l’écologie américaine ont soutenu, ou soutiennent encore, une conception romantique et antimoderne de l’écologie, comme Aldo Leopold, un disciple de Thoreau qui fut conseiller aux Nations Unies pour les questions écologistes.

La droite et l’écologie

Toutefois, la droite, en général, ne s’est intéressée à l’écologie politique que très récemment, au contraire de la gauche. Il ne faut pas oublier que ce sont des « technocrates de droite » qui sont à l’origine du développement économique de la France durant les Trente Glorieuses. Cependant, des travaux, comme ceux de Jean Jacob, ont montré l’existence d’un courant « droitier », conservateur, de l’écologie. En effet, des philosophes personnalistes comme Bernard Charbonneau ou comme le non-conformiste Denis de Rougemont poseront les jalons d’une écologie conservatrice, dès 1937 pour le premier. En outre, le fédéraliste Denis de Rougemont condamnera dans L’avenir est notre affaire9 le technocratisme productiviste des Trente Glorieuses.

L’intérêt pour une forme d’écologie politique est plutôt à chercher dans une droite « réactionnaire », plutôt traditionaliste, antimoderne, régionaliste et antimondialisation. Ce milieu écologiste conservateur constitue « une nébuleuse singulière mais puissante »10 difficilement chiffrable mais possédant des ONG et des « think tank » d’envergure internationale (le plus connu étant le Forum International sur la Globalisation –International Forum on Globalization) et de puissants relais dans les médias, en particulier la presse écrite. À côté de ces grandes structures, il existe une foule de petits groupes locaux présents dans tous les pays occidentaux et les grands pays émergents. En France, ce courant regroupe quelques centaines de militants très actifs11, comme l’association altermondialiste ECOROPA, « une association née à l’initiative d’une trentaine de personnalités, parmi lesquels de nombreux écologistes, comme Jean Carlier, Alain Hervé, René Dumont, Solange Fernex, Pierre Samuel, Edward Goldsmith, mais aussi de nombreuses personnalités s’intéressant tout à la fois à la protection de la nature et à la théologie, comme Jean-Marie Pelt, Gérard Siegwalt, Philippe Saint-Marc, Jacques Ellul et Denis de Rougemont. »12 Ce dernier fut d’ailleurs son premier président. Toutefois, cette association semble avoir cessé ses activités.

Le principal théoricien de cette forme d’écologie a été Robert Hainard. Celui-ci a été un défenseur d’une écologie très conservatrice. Ce pionnier de l’« écologie profonde » a largement idéalisé la nature : il défendit l’idée romantique et irrationnelle, rousseauiste, d’une nature éternelle et vierge à défendre des ravages de la modernité. En conséquence, il développa, dès 194313, un anti-humanisme et un différentialisme radical qui se manifestèrent au travers de positions mixophobes, eugénistes et eugénistes. Concernant, le différentialisme Robert Hainard se réclame surtout d’ethnologue radicaux comme Claude Lévi-Strauss ou Robert Jaulin. Adepte de la « croissance zéro », il peut être aussi vu comme un précurseur de la décroissance. Robert Hainard a influencé des militants écologistes comme Antoine Waechter, Philippe Lebreton, Solange Fernex, voire des éditeurs militants comme Sang de la Terre. En effet, différentes positions défendues par Hainard se retrouvent chez ceux-ci. La mixophobie est défendue par Philippe Lebreton et le régionalisme par Antoine Waechter tandis que Solange Fernex reprend à son compte son vocabulaire biologisant dans sa théorisation d’un féminisme naturaliste.

Actuellement, cette droite écologiste française est surtout représentée par le petit parti politique Chasse, Pêche, Nature et Tradition, « pour lequel l’équilibre harmonieux des rapports entre l’homme et la nature passe par la reconnaissance des ruraux comme premiers responsables de la qualité du territoire et des produits que l’homme en tire. »14 Un bon exemple peut être aussi cherché dans Le recours aux forêts, la revue de Laurent Ozon, un membre du conseil national du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers, et proche de la Nouvelle Droite.

Dans ce type de discours, l’amour du terroir et la nostalgie d’une pureté perdue se combinent à une critique du capitalisme et au soutien de l’autogestion. En effet, la terre y apparaît comme l’élément nourricier d’une société encore largement traditionnelle dans laquelle le paysan est proche de la nature (au contraire du productiviste qu’est l’agriculteur). C’est le fameux « La terre ne ment pas » du régime de Vichy, même si Vichy appliqua surtout une politique agricole technocratique, qui se concrétisera après-guerre dans l’agriculture productiviste.

Au contraire, l’imaginaire écologiste de gauche, issu des Lumières, s’inscrit dans le cadre de la croyance dans le progrès perpétuel des sciences. Cette position s’est notamment manifestée, dans les années soixante-dix, en particulier dans les thèses de Serge Moscovici. Selon celui-ci, l’Homme a toujours façonné, « anthropisé », la nature. Cette forme d’écologie ne remet pas en cause les fondements prométhéistes de la civilisation occidentale : elle peut être vue comme une simple tentative de conciliation entre les préoccupations écologiques et le productivisme industriel (le « développement durable » ou « soutenable »). En outre, cette écologie gestionnaire est sensible aux questions sociétales, en particulier aux conditions de vie des minorités (immigrés, minorités sexuelles, etc.).

Cependant, les principaux théoriciens de cette forme d’écologie sont surtout des conservateurs. Ainsi, le principal théoricien de cette forme d’écologie conservatrice, outre le Suisse Robert Hainard, est assurément le Britannique Edward Goldsmith, le fondateur en 1969 de la revue The Ecologist. Ses positions conservatrices l’ont marginalisées dans un milieu largement dominé par des militants issus de la gauche et l’extrême gauche. En effet, Teddy Goldsmith est « tout à la fois passéiste (sur la question féminine, l’immigration, la famille, la communauté) et autoritaire »15, un reproche que l’on peut faire aussi au représentant de l’écologie radicale allemande Hans Jonas qui n’hésite à promouvoir une sorte de dictature éclairée, seule capable selon lui de défendre les droits de la nature. Goldsmith défend une conception anti-individualiste, antimoderne, technophobe, communautarienne, et holiste de l’écologie. Son représentant français est assurément Antoine Waechter. Celui-ci semblait d’ailleurs regretter en 1993 que certains militants écologistes n’aient pas « coupé le cordon ombilical » avec leurs formations initiales de gauche ou d’extrême gauche. Selon lui ceux-ci « plaident plutôt pour un projet de gauche sur lequel viendrait se greffer l’écologisme »16.

Droite radicale et écologie radicale

Ces positions ont permis le rapprochement entre ces théoriciens conservateurs, en particulier Goldsmith, et l’école de pensée connue sous le nom de « Nouvelle Droite ». En effet, son principal théoricien, Alain de Benoist, s’est rapproché durant les années 1990 des milieux écologistes. En 1993, il consacre un numéro de sa revue Krisis à cette question tandis qu’un numéro d’Éléments, le magazine de la Nouvelle Droite, publie un dossier sur l’écologie17. Cette même année voit le XXVIIe colloque annuel du GRECE, la principale structure néo-droitière, consacré aux « Enjeux de l’écologie ». Par la suite, un livre de Goldsmith, Le défi du XXIe siècle18, est même vendu dans les pages centrales de celui-ci. Edward Golsmith participera en 1994 au XXVIIIe colloque annuel du GRECE (« Gauche-droite : la fin d’un système »). Cette politique eut quelques succès. Antoine Waechter dialogua avec la Nouvelle Droite, un dialogue facilité par le fait que celui-ci refuse de positionner l’écologie sur l’échiquier politique. Dans un entretien accordé à Krisis en 1993, il affirme que « l’écologie politique s’accompagne d’une philosophie de l’action complètement distincte de celle portée par le clivage droite-gauche, qui structure le paysage politique français depuis deux siècles et montre aujourd’hui des signes d’essoufflement évident. »19

Malgré un éloignement manifeste de Goldsmith, dû à la réputation de la Nouvelle Droite, Alain de Benoist défend encore actuellement une écologie inspirée de celui-ci. Cette influence se retrouve dans le Manifeste du GRECE, publié en 2000 et largement écrit par Alain de Benoist et Charles Champetier. Celui-ci prend en effet position « Pour une écologie intégrale, contre la démonie productiviste », les auteurs se positionnant en faveur d’une écologie radicale qui « doit aussi en appeler au dépassement de l’anthropocentrisme moderne et à la conscience d’une co-appartenance de l’homme et du cosmos ». Car « […] cette transcendance immanente fait de la nature un partenaire, non un adversaire ou un objet. Elle ne gomme pas la spécificité de l’homme, mais lui dénie la place exclusive que lui avaient attribuée le christianisme et l’humanisme classique. À l’hubris économique et au prométhéisme technicien, elle oppose le sens de la mesure et la recherche de l’harmonie. »20

Alain de Benoist se met aussi à s’intéresser à la même époque à d’autres militants écologistes et antimondialistes proches des positions de Goldsmith, comme l’Américain Peter Berg ainsi qu’au « biorégionalisme »21, un concept qui rejoint le régionalisme enraciné du GRECE. À ce titre, Serge Champeau voit pertinemment dans l’éloge du biorégionalisme et des communautés autosubsistantes la persistance d’un « imaginaire du romantisme réactionnaire du début du XIXe siècle »22. Ce qui peut expliquer la convergence idéologique entre la Nouvelle Droite, aux positions antimodernes, et les théoriciens du biorégionalisme. L’évolution d’Alain de Benoist se concrétisera en 2006 dans un dossier d’Éléments intitulé : « Le salut par la décroissance. Pour empêcher le capitalisme de pourrir la planète ». Les articles de ce dossier sont écrits par Alain de Benoist qui est devenu au cours des années 2000 un ardent défenseur de la théorie de la décroissance23, faisant l’éloge d’une certaine frugalité.

Cette forme d’écologisme de droite est parfois présente à l’extrême droite. Il existe ainsi un groupuscule évoluant sein du courant de la droite radicale appelée « identitaire », Terre et peuple, qui refuse la mégalopole au profit de la vie dans des communautés villageoises et qui, évidemment, défend les particularismes régionaux. Elle promeut un mode de vie autarcique, assez proche, dans un sens, du « biorégionalisme »24, le racisme différentialiste en plus. L’extrémisme politique se ressent dans le discours écologique. Ainsi, Pierre Vial, dans un éditorial, « Le feu de l’enfer », publié sur le site de Terre et peuple25, réclame la peine de mort pour les pyromanes qui font partir en fumée chaque année des milliers d’hectares de forêt. Tandis que le théoricien des identitaires, Guillaume Faye, considère les Verts comme « des imposteurs professionnels » et comme « un paravent qui dissimule les idées cosmopolites trotskistes »26.

Des adeptes de l’écologie profonde

Globalement, Leopold (dès 1949), Jonas et Goldsmith et leurs disciples, sont attirées par une forme radicale de l’écologie : l’« écologie profonde ». Cette « écologie profonde » (deep ecology) s’oppose à l’« écologie superficielle » (shallow ecology) qui se ramène à une simple gestion de l’environnement et qui vise à concilier préoccupation écologique et production industrielle sans remettre en cause les fondements des sociétés occidentales.

L’inventeur de ce concept est un philosophe norvégien, Arne Naëss. Celui-ci, marqué par le panthéisme, en particulier spinozien, et par le gnosticisme, a en effet théorisé cette écologie profonde en 1972, l’« écosophie », terme désignant une philosophie de la vie, distincte de l’écologie-science et centrée sur l’idée de réalisation de soi. L’adversaire est, selon ce philosophe, l’anthropocentrisme issu de la Bible, qui considère l’homme comme le centre du monde et comme qualitativement supérieur aux autres formes de la nature. Pour Arne Naëss, au contraire, l’homme n’est qu’une des nombreuses formes de la réalité vivante, sans valeur intrinsèque supérieure. Par conséquent, la nature doit être comprise comme la manifestation d’une énergie cosmique en perpétuel devenir, énergie qui anime également l’homme. Cette conception de la nature rejoint très largement les thèses des néo-païens, quelle que soit leur tendance politique.

Ce concept n’est pas né du néant. En 1969, le biologiste britannique James Lovelock a proposé, sur la suggestion de l’écrivain Louis Golding, l’« hypothèse Gaïa », du nom de la déesse grecque de la Terre. Cette théorie panthéiste voit dans notre planète un vaste système vivant autorégulé, l’écosphère, « c’est-à-dire l’ensemble formé par la biosphère, son substrat géologique et l’atmosphère »27. Protéger la Terre revient donc à accepter les règles qu’elle impose au risque d’une dérive antihumaniste, voire darwiniste.

En France, l’un des représentants et propagateurs de cette forme d’écologie pourrait être le mathématicien et philosophe des sciences Michel Serres. Celui-ci défendit dans Le contrat naturel, publié en 199028, une conception de l’écologie radicale, bien qu’il n’ait jamais utilisé, dans celui-ci, le terme « écologie ». Ce texte serait, selon son auteur, un livre philosophique traitant à la fois de l’histoire du droit et de la philosophie des sciences et non une justification d’un fondamentalisme écologiste. En effet, Michel Serres y défend l’idée que la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 « n’est pas universelle tant qu’elle ne décide pas que tous les vivants et tous les objets inertes, bref, la Nature entière deviennent, à leur tour, des sujets de droit »29.

Selon lui, la « nature » doit devenir un sujet de droit : « Si nous protégeons en ce moment telles espèces en voie de disparition, c’est que, virtuellement au moins, nous leur reconnaissons le droit à l’existence. »30 En effet, des procès contre des pollueurs deviennent possibles, expressions d’une acceptation tacite de la « nature » comme sujet de droit. Ce postulat est le sujet principal du Contrat naturel. Selon lui, l’homme doit forger de nouvelles relations avec la nature, personnalisées par un contrat qui prendrait le pas sur le contrat social des hommes entre eux. Michel Serres considère donc les hommes comme les symbiotes de la terre, habitat global. Des symbiotes qui « luttent en fait, d’accord et de concert, contre leur habitat »31.

Cette position fut violemment critiquée par Luc Ferry dans Le nouvel ordre écologique32. En effet, le radicalisme de l’« écologie profonde » met mal à l’aise les partisans des Lumières que sont les philosophes libéraux. Luc Ferry a montré dans ce livre que l’écologie, en particulier « l’écologie profonde », et son corollaire, l’« antispécisme »33, possédait une dimension antimoderne et anti-humaniste. En effet, les partisans de l’écologie profonde sont, selon Dominique Bourg, « […] conduits à rejeter la conséquence même de cette élévation [de l’homme au-dessus de la nature et de l’individu au-dessus du groupe], à savoir la proclamation des droits de l’homme. Ils s’en prennent encore à la religion judéo-chrétienne, accusée d’avoir été à l’origine de l’anthropocentrisme, à l’esprit scientifique analytique et donc inapte à la compréhension de la nature comme totalité, et enfin aux techniques, accusées de tous les maux. Rien de ce qui est moderne ne semble trouver grâce à leurs yeux »34.

Parfois cette écologie profonde se transforme en radicalisme. Celle-ci se caractérise par un intégrisme naturaliste aux assises misanthropes : le genre humain, étant responsable des désastres écologiques, doit disparaître ou voir, du moins, sa population limitée. Dans cette optique le genre humain devient une espèce nuisible qui met à mal la nature dont il faut contrôler la prolifération par un malthusianisme radical. L’une des premières à développer cette vision misanthrope de l’écologie est la néo-nazie Savitri Devi. Celle-ci peut être considérée comme l’une des pionnières de l’écologie radicale d’extrême droite. En effet, elle défendit cette position dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, son écologie est mêlée à du néopaganisme (panthéisme), à de l’antispéciste, et à du darwinisme, social et racial. Ses thèses réductionnistes font de l’Homme un « mammifère à deux pattes »35. Cette dérive misanthrope est présente chez certains groupes radicaux, surtout anglo-saxons, originellement issus de la gauche ou de l’extrême gauche (les milieux contre-culturels). Ainsi, ces thèses sont vulgarisées par des groupes écologistes radicaux comme l’association américaine Earth First qui prône un malthusianisme radical. C’est une association « éco-terroriste » c’est-à-dire qui pratique sabotages et destructions de matériels de sociétés tenues responsables de la destruction de la nature : travaux publics, compagnies pétrolières, etc.

Cette dimension est un point de convergence entre l’écologie de droite, conservatrice, et l’écologie de gauche, progressiste. En effet, toutes deux sont critiques vis-à-vis du progrès, dans le sens de progrès technique. Pour s’en convaincre, il suffit de repenser aux textes de certaines grandes références des écologistes comme André Gorz, Bernard Charbonneau ou Jacques Ellul. Néanmoins, il existe une différence entre l’écologie politique de « droite » qui associe refus du progrès technique et refus de l’idéologie progressiste, et l’écologie politique de « gauche », qui refuse la dérive du progrès technique mais qui se situe comme une force progressiste socialement parlant.

Le discours écologique diffuse donc une anticipation catastrophiste de notre futur. Il est d’autant plus convaincant que des signes avant-coureurs apparaissent comme le réchauffement de la planète. En outre, une succession de catastrophes industrielles de grande ampleur (Seveso, Bhopal, Tchernobyl) a hypothéqué la confiance des Occidentaux envers l’« idéologie du Progrès », l’avenir radieux se transformant en un futur assombri par les périls à venir, les risques de dérapages scientifiques et industriels se multipliant. Dans le même mouvement, le modèle occidental de développement, fondé sur l’exploitation intensive et extensive des ressources, a été dénoncé comme mode de destruction de la planète, avec, par exemple, le réchauffement de celle-ci. Un phénomène aggravé par le risque de surpopulation mondiale qui augmente considérablement les déséquilibres industriels, démographiques et écologiques entre les pays développés et ceux en voie de développement.

Une voie ouverte aux amalgames et aux réductions

Certains auteurs ont tôt fait d’amalgamer cette écologie radicale avec l’écologie en général et qui assimilent anti-anthropocentrisme et culte de la barbarie. C’est le cas de Luc Ferry. Selon lui, l’histoire de l’écologie se confond avec une pensée anti-humaniste qui naît au XIXe siècle et qui s’épanouira dans le régime nazi. En cela, il reprend partiellement les thèses polémiques de Robert Pois sur le naturalisme des nazis. Certes, il est vrai les nazis ont promulgué, dès novembre 1933, les premières lois de protection de l’environnement et de la nature mais le nazisme « revendiquait haut et fort l’héritage technique et scientifique de la modernité. Il se proposait seulement, si je puis dire, de le débarrasser de son corrélat humaniste et rationaliste hérité des Lumières et de la Révolution française […] »36.

En outre, comme le reconnaît François Ivernel dans une recension du Nouvel ordre écologique, Luc Ferry a tendance à amalgamer l’écologie et les lois nazies de défense de la nature37. Ainsi, Luc Ferry voit dans l’écologie profonde une convergence entre des idées « brunes » et des idées « rouges » se concrétisant dans une même « haine de la modernité ». Ferry postule enfin dans cet ouvrage que l’écologie profonde « plonge certaines de ses racines dans le nazisme et pousse ses branches jusque dans les sphères les plus extrêmes du gauchisme culturel ». Cependant, l’une des origines de l’écologie contemporaine est à chercher chez les völkisch allemands et les premiers alternatifs plus que dans le nazisme, même si les nazis sont issus de la nébuleuse völkisch, cela expliquant l’intérêt de certains d’entre eux pour l’écologie, comme Himmler ou Hess. De fait, cette reductio ad hitlerum, tend à empêcher toute réelle réflexion sur les origines conservatrices de l’écologie.

Cette reductio, effectuée par Ferry et d’autres, a été facilitée par certaines maladresses et surtout par des dérives d’écologistes, qui masquent les faiblesses argumentatives de l’auteur. Parmi les maladresses, nous avons la participation en 1993 d’Antoine Waechter et d’Alain Lipietz à un numéro de Krisis, la revue d’Alain de Benoist. En outre, et plus grave, Antoine Waechter a refusé, en janvier 1990, la levée de l’immunité parlementaire de Jean-Marie Le Pen, suite à des propos antisémites. Parmi les dérives, nous avons la participation de Jean Brière, porte-parole des Verts durant un temps, à des publications ouvertement d’extrême droite comme Le Choc du mois et Nationalisme et République. Celui-ci se fit aussi connaître par un texte violemment anti-sioniste publié en 1991, « Le rôle belligène d’Israël et du lobby sioniste ». En novembre 2007, il publiera une tribune libre sur un site national-révolutionnaire. Cela étant dit, il faut aussi garder à l’esprit que Luc Ferry, aidé d’Alain Renaut, a condamné les supposées idées anti-humanistes issues directement ou indirectement de La pensée 6838, une « pensée » dont est issue, par sédimentation, pour reprendre l’expression de Castoriadis, la critique du consumérisme et du productivisme, jalon vers la conscientisation écologiste. 

Φ

L’écologie dont nous venons de parler est ambivalente, tout comme d’ailleurs l’anti-écologisme. Nous avons pu remarquer que ces deux notions transgressaient les clivages politiques conventionnels. En effet, il existe des écologistes de droite comme il existe des écologistes de gauche ainsi que des anti-écologistes de droite et des anti-écologistes de gauche. Cette transversalité pour conséquence de rendre la compréhension du phénomène écologique complexe. En fait, il existe une ligne de séparation claire qui séparent ceux qui défendent l’écologie de ceux qui la refusent : l’acception ou non des Lumières. En effet, cet article a montré que l’écologie découlait d’une conception romantique de la nature et d’un refus des Lumières.

Cette ambivalence peut être un piège politique. Nous avons vu que l’écologie pouvait être à la fois pensée à gauche comme à droite, voire même être réfléchie indépendamment d’une quelconque orientation politique ou idéologique, lequel cas faisant de l’écologie une sorte de philosophie, de nature plutôt conservatrice. Nous estimons donc que l’écologie doit être pensée politiquement. L’écologie radicale, dopée par le combat antimondialiste, gagne des militants au sein des milieux altermondialistes, comme l’a montré Jean Jacob dans son livre sur L’antimondialisation, qui ne sont pas forcément de gauche. Il est donc capital de prendre en compte cette possible évolution afin de la garder autant que possible dans le champ de la critique altermondialiste de gauche.

Notes

1 La « Révolution Conservatrice » était un courant de pensée, avant tout culturel, qui s’était développé en Allemagne entre 1918 et 1933 en opposition à la République de Weimar. Nous pouvons distinguer cinq principaux clivages en son sein : les völkisch ; les « jeunes-conservateurs » ; les « nationaux révolutionnaires » ; Bundichen (les « ligueurs ») et enfin, le « mouvement paysan ». Plusieurs figures importantes de la Révolution Conservatrice ont été sensibles à l’écologie : Ludwig Klages, Max Scheler, Martin Heidegger, Ernst Niekisch et même des « technophiles » comme Ernst Jünger et Oswald Spengler.

2 Henry Thoreau (1817-1862) était un écrivain américain influencé par les mystiques hindous et les idéalistes allemands. Son chef-d’œuvre, Walden ou la vie dans les bois, publié en 1854, est devenu un classique de la littérature américaine.

3 Les völkisch sont apparus en Allemagne durant la seconde moitié du XIXe siècle. La racine « Volk » signifie « peuple », mais le terme « völkisch » va au-delà de celui de « populaire » ou de « nation », avec un aspect communautaire, culturel et organique marqué. Les völkischer désiraient rétablir la pureté raciale et culturelle originelles du peuple allemand. Ce courant bigarré irrationaliste puisait ses références dans le romantisme, dans l’occultisme, dans les premières doctrines « alternatives » et enfin dans les doctrines racistes.

4 C. Champetier, « La droite et l’écologie », in A. Guyot-Jeannin (dir.), Aux sources de la droite. Pour en finir avec les clichés, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2000, p. 56 et p. 58.

5 S. Moscovici, La société contre nature, Paris, 10-18, 1972.

6 La Nouvelle Droite est l’une des écoles de pensée les plus intéressantes du paysage politique de la droite radicale française, née à l’automne 1967. Du fait de cette longévité, elle a connu plusieurs renouvellements doctrinaux. Sa principale structure reste le GRECE (Groupement de Recherche et d’Études pour la Civilisation Européenne) qui refuse les valeurs occidentales. Cependant, son anticonformisme pose le problème de sa classification dans le champ de la science politique. Les Nouvelles Droites allemande, italienne et belge sont apparues dans les années 1970 dans le sillage de la Nouvelle Droite française. Sur la Nouvelle Droite, cf. P.-A. Taguieff, Sur la Nouvelle droite, Paris, Descartes et Cie, 1994 et S. François, Les néo-paganismes et la Nouvelle Droite (1980-2006). Pour une autre approche de la Nouvelle Droite, Milan/Paris, Archè/Edidit, 2008.

7 Henning Eichberg, l’un des maîtres à penser de la Neue Rechte, est un ancien membre du Deutsche Soziale Partei, le parti du « nazi de gauche » Otto Strasser. C’est aussi un spécialiste de la Révolution Conservatrice. Il s’est rapproché au cours des années 1980 des milieux néo-païens, ethnodifférentialistes, anarchistes et alternatifs. Sa revue Wir Selbst (« Nous Seuls »), fondée en 1979, attirait des personnalités venues d’horizons divers : d’anciens maoïstes, des anarchistes, des écologistes radicaux, des conservateurs et des néo-païens. Eichberg défend aujourd’hui la subsidiarité, le fédéralisme et le différentialisme dans une sorte d’« ethnisme anarchisant ».

8 K. Schönekäs, « La “Neue Rechte” en République Fédérale d’Allemagne », Lignes, nº 4, octobre 1988, p. 131.

9 Denis de Rougemont, L’avenir est notre affaire, Paris, Stock, 1977.

10 J. Jacob, L’Antimondialisation, Aspects méconnus d’une nébuleuse, Paris, Berg International, 2006, p. 8.

11 X. Crettiez et I. Sommier, (dir.), La France rebelle. Tous les foyers, mouvements et acteurs de la contestation, Paris, Michalon, 2002, pp. 375-392.

12 J. Jacob, L’Antimondialisation, op. cit., p. 111.

13 Cf. R. Hainard, Et la nature ? Réflexion d’un peintre, Genève, G. de Buren, 1943.

14 C. Champetier, « La droite et l’écologie », art. cit., p. 58.

15 J. Jacob, L’Antimondialisation, op. cit., p. 93.

16 A. Waechter, « Ni droite ni gauche », Krisis, n° 15, septembre 1993, p. 19.

17 « Écologie ? », Krisis, n° 15, septembre 1993 ; « L’écologie contre le marché », Éléments, nº 79, janvier 1994, pp. 5-18.

18 E. Goldsmith, Le défi du XXIe siècle, Éditions du Rocher, 1994.

19 A. Waechter, « Ni droite ni gauche », art. cit., p. 17.

20 GRECE (A. de Benoist et C. Champetier), Manifeste pour une renaissance européenne. À la découverte du GRECE. Son histoire, ses idées, son organisation, Paris, 2000, p. 92.

21 Cf. le dossier, « Une réponse au mondialisme, le localisme », Éléments, n°100, mars 2001, pp. 16-32. Le manifeste du GRECE y fait aussi référence : « Pour des communautés locales, contre le gigantisme », pp. 87-89.

22 Serge Champeau, « L’idéologie altermondialiste », Commentaires, n°107, automne 2004, p. 704.

23 A. de Benoist, « Objectif décroissance » et « Quand il n’y aura plus de pétrole », Éléments, n° 119, hiver 2005-2006, pp. 28-40. Voir aussi du même auteur, Demain, la décroissance. Penser l’écologie jusqu’au bout, Paris, E/dite, décembre 2007.

24 Le biorégionalisme est né aux États-Unis dans les années 1970. L’idée d’État-nation disparaît dans ces discours au profit de communautés régionales. Les théoriciens du biorégionalisme défendent le principe de subsidiarité et le refus de la modernité issue des Lumières (politico-économique et scientifico-industriel) et considèrent que les cultures, l’économie et les communautés s’enracinent dans une contrée géographique restreinte (« terroir » ou « Patries charnelles ») dont il faut protéger le biotope, en maintenant autant que possible des paysages naturels, et les particularismes culturels. Leur modèle économique tend vers l’autosuffisance bien que les échanges avec d’autres soient permis. Ces théoriciens donnent une grande importance à la longue durée.

26 G. Faye, Pourquoi nous combattons. Manifeste de la Résistance européenne, Paris, L’Aencre, 2001, p. 104.

27 E. Goldsmith, Le défi du XXIe siècle, op. cit., p. 433.

28 M. Serres, Le contrat naturel, Paris, Bourin, 1990.

29 M. Serres, « Retour au Contrat naturel » Conférence prononcée le 4 mai 2006 à l’Institute of the Humanities de l’université Simon Fraser (Vancouver, Canada) : http://multitudes.samizdat.net/spip.php?article2584.

30 Ibid.

31 Ibid.

32 L. Ferry, Le nouvel ordre écologique. L’arbre, l’animal et l’homme, Paris, Grasset, 1992.

33 L’antispécisme est une théorie écologiste radicale niant la distinction entre le genre humain et les autres êtres vivants.

34 D. Bourg, « Droits de l’homme et écologie », Esprit, octobre 1992, p. 81.

35 N. Goodrick-Clarke, Savitri Devi la prêtresse d’Hitler, Saint-Genis-Laval, Akribeia, 2000, p. 315.

36 D. Bourg, « Droits de l’homme et écologie », art. cit., p. 80.

37 F. Ivernel, « Environnement et écologie : l’impossible synthèse. A propos du Nouvel ordre écologique de Luc Ferry », Le Banquet, n°2, 1993/1. Mis en ligne à l’adresse suivante : http://www.revue-lebanquet.com/pdfs/c_0000007.pdf?qid=sdx_q0&code=

38 L. Ferry et A. Renaut, La pensée 68. Essai sur l’anti-humanisme contemporain, Paris, Gallimard, 1988.

Première parution : Stéphane François, « L’écologie politique : entre conservatisme et modernité », Le Banquet, nº 26, juillet/août 2009, pp. 183-198.

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