Nouveau

Les Nouvelles dynamiques du Front National en Normandie

poire man ray

Man Ray, « la poire d’Erik Satie ».

L’Observatoire des radicalités politiques (ORAP, Fondation Jean Jaurès), publie une nouvelle note. Réalisée par Cyril Crespin, elle analyse l’implantation normande du Front National.

La séquence électorale de 2012 ne constitue pas a posteriori l’apogée du Front national. Depuis 2014, les quatre scrutins consécutifs ont mis en avant les dynamiques électorales de ce parti. Si, par le passé, il est parvenu, à l’image du premier tour de l’élection présidentielle de 2002, à réaliser des coups d’éclat, son histoire électorale n’est pas linéaire.

Par ailleurs, l’incarnation de ce parti par ses présidents tend à provoquer une lecture nationale de ses résultats, ou à chercher un territoire-type lieu uniforme de réception de l’offre frontiste. Pourtant, certains scrutins sont complexes pour le parti et, précisément, l’échelle de l’élection détermine bien souvent le résultat électoral. Le Front national parvient difficilement à s’incarner aux échelles locales.

Bien souvent, les fronts départementaux et locaux sont des mythes. Or, depuis 2014, le FN confirme à toutes les échelles ses nouvelles dynamiques. Mais, derrière les chiffres, ces réalités électorales cachent des dynamiques politiques, sociologiques et territoriales. Le territoire offre ainsi un cas d’étude du développement électoral du FN non en fonction d’une plus grande implantation militante mais d’une modification des structures de vie locale.

I – Le nouvel ancrage territorial en Normandie

Depuis 1972, la Normandie est le reflet des évolutions électorales du FN. Terre de mission, cette région met en relief les changements territoriaux de ce parti et son homogénéisation territoriale. Tandis que la Haute-Normandie correspond au premier lepénisme électoral situé à « l’est d’une ligne Le Havre-Perpignan »[1] ; la Basse-Normandie appartient au deuxième lepénisme électoral. Ces changements sont visibles lorsque l’on calcule les différentiels entre la Normandie et la France. Alors que lors de l’élection présidentielle de 1988 il est de -2,1 points, en 2002 et en 2012 ces différentiels sont de +0,1 et de +1,1. Cet alignement électoral des Normands se confirme en 2014-2015 mais masque en réalité des oppositions géographiques.

Les quatre scrutins organisés en 2014-2015 mettent en avant les progrès du FN en Normandie. Ainsi, aux élections européennes de mai 2014, l’écart entre les résultats nationaux et régionaux est de +2,2 points. Cinq ans auparavant ce différentiel est de +0,6. De plus, la dynamique, entre les élections européennes de 2009 et 2014, est de +9,3 en Normandie contre +7,6 sur l’ensemble de la France. Mais ces premières constatations doivent être pondérées par l’analyse des autres scrutins. La nature de l’élection modifie le comportement électoral des Normands. Aux élections régionales, la différence entre les résultats en Normandie et en France est de 0. Le FN y réalise des scores identiques. La dynamique, entre les élections régionales de 2010 et de 2015, est même supérieure sur l’ensemble du pays[2]. Enfin, les élections municipales demeurent des élections complexes en Normandie. Si le FN présente 33 listes dans cette région, l’écart avec le reste de la France est substantiel puisqu’on dénombre 597 listes dans les villes de plus de 1000 habitants. Dans le Nord-Pas-de-Calais, le FN dépose 56 listes. La nature du scrutin est un facteur modifiant le comportement électoral des Normands. Si incontestablement cette région est devenue plus favorable, il n’en demeure pas moins que les derniers scrutins ont confirmé les oppositions territoriales, aux échelles régionales, départementales et locales, en Normandie.

Les analyses à l’échelle régionale masquent les subtilités territoriales d’une région hétérogène. L’opposition entre la Normandie occidentale et la Normandie orientale, perceptible depuis l’émergence électorale du FN en 1984, est confirmée lors des scrutins de 2014-2015. Quelque soit le scrutin considéré, ce parti réalise des meilleurs résultats en Haute-Normandie. Le différentiel entre les deux anciennes régions dépend également des scrutins. Si lors des élections européennes de 2014, il est de -1,3 point, quelques mois plus tard celui-ci est de -2,3 points. Ce phénomène est dû à l’amplification, en Haute-Normandie, des scores frontistes. Ainsi, au premier tour des élections régionales de 2015, il y totalise 14,7% des suffrages des inscrits contre 12,4% en Basse-Normandie, soit une progression 9,4 points par rapport aux élections régionales de 2010.

Lire la suite sur le site de la Fondation Jean Jaurès.