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#Hyperion 2 – Les ferments de l’hypothèse d’Hyperion comme régie occulte du terrorisme international

salvador dali esclaves voltaireCet article de Guillaume Origoni est le deuxième d’une série qu’il consacre à Hypérion, école de langues parisienne soupçonnée d’être liée aux Brigades Rouges, et d’avoir ainsi joué un rôle central dans la transnationalisation terroriste des années 1970. Le premier épisode est disponible ici, la série complète là.

A la fin de l’année 1978 le juge Pietro Calogero demande à la préfecture de Rome la mise en contact avec la police française pour l’ouverture d’une enquête sur l’école de langues. En avril 1979 le journal “ Corriere della sera ”1 publie un article dans lequel les intentions du juge Calogero sont révélées. Suite à cette fuite dans la presse Les services du Ministère de l’intérieur français suspendent alors leur collaboration avec le juge italien.

Les faits permettant de relier Hyperion aux BR faisant de la structure parisienne sa régie occulte ne sont jamais établis. Ils aboutirent à un non lieu dans les procès de Rome et Venise en 1989 et 1990 . Cependant, des personnalités ayant collaboré de près à cette enquête émettront de sérieux doutes sur le fait que C.Simioni et les membres d’Hyperion furent de paisibles professeurs. Nicolo Bozzo, un des principaux collaborateurs du Général Dalla Chiesa, déposa sous serment les faits suivants :

“ En 1978-1979, le Général me demanda d’enquêter sur une structure secrète paramilitaire, ayant pour fonction la défense du territoire en cas d’invasion. Celle-ci, toujours selon Dalla Chiesa, avait progressivement dépassé le cadre de sa fonction première, en projetant des actions illégales ayant pour but la stabilisation du cadre intérieur. Cette structure, dont les origines remonteraient à la résistance, infiltrait les organisations “ gauchistes ” mais également celles de tendances opposées ”.2

Les éléments rapportés par N.Bozzo, s’ils sont mis en “ convergences parallèles ” avec les déclarations de Franceschini pour la commission d’enquête parlementaire du 17 Mars 1999, constituent un ensemble de faits sur lesquels il semblerait utile d’enquêter :

“ Voici le modèle que je vous propose ayant moi-même réfléchi énormément sur le sujet : essayez de conceptualiser une organisation dont le rayonnement est européen, composée de plusieurs sujets qui ont pour mission d’orienter les organisations de lutte armée existantes au sein de plusieurs pays. Cette organisation a, avec les diverses structures, comme les BR, la Fraction Armée Rouge (RAF), l’Armée Révolutionaire Irlandaise (IRA), les mêmes rapports que nos camarades avaient avec les Collectifs. Plus précisément, ceux qui faisaient partie de cette super-organisation (NDLR : Franceschini fait référence ici a Moretti), ne se sentaient pas des “ infiltrés ” dans les Brigades Rouges, ou dans de similaires structures, parce qu’ils avaient la ferme conviction de sa portée révolutionnaire ; il est clair que cette portée est bien plus élevée si elle agit sur le territoire européen (…). J’ai acquis la certitude que l’un de ces centres, si ce n’est le centre principal de cette vaste opération fut l’école Hyperion. Bizarrement, dans toutes les enquêtes judiciaires il est possible d’explorer toutes les hypothèses sauf celle-ci… ”3.

Les question soulevées par M.Bozzo, sont alimentés par des questions dont la pertinence semblait alors légitimes . Par exemple : aucune explication ne fut mise à jour durant les procès quant à l’ouverture des succursales romaines d’Hyperion au cours de l’automne 1977 ni sur leur fermeture qui interviendront en Juin 1978 soit un mois après l’exécution d’Aldo Moro.

Les analyses, qui à ce jour restent des hypothèses, d’officiers de haut rang des carabiniers (N.Bozzo), de juges (R.Priore, P.Calogero), du chef historique des BR (A.Franceschini), des chargés d’enquêtes parlementaires (G.pellegrino,De Lucca…), d’historiens (G. De Lutiis) et, in fine, des journalistes d’investigation (G.Fassanella, Paolo Cuchiarelli…), incorporent Hyperion dans le cadre de la préservation des accords de Yalta. Cette école est considérée par les sus-cités comme une chambre de compensation entre services secrets. Les lignes tracées par Yalta ne devaient être modifiées par aucun des Etats qu’ils fussent membres de l’Otan ou du Pacte de Varsovie.

Quel rôle la France et ses services spéciaux ont-ils joué au sein d’Hyperion et quels intérêts protégeaient-ils ?

Les enjeux mémoriels de l’affaire Hyperion.

Le livre « Chi Manovrava le Brigate Rosse. Storia e misteri dell’Hyperion a Parigi, scuola e centrale del terrorismo internazionale » (« Qui manipulait les Brigades Rouges ? Histoire et mystères d’Hyperion à Paris, école de langue et centrale du terrorisme international »)4 publié en 2012 est une enquête du journaliste Silvano de Prospo conduite sur la base du travail d’instruction du Juge Priore. Le rôle de la France comme base de soutien logistique aux terroristes rouges italiens y est développé sur plus de 300 pages. Ces recherches tentent de reconstruire, ce qui fut selon les auteurs, le cadre de protection français dans son ensemble : logistique, culturel, politique. L’idée principale qui y est exposée fut souvent croisée au cours de notre travail et relate un contexte particulier qui aurait fait de la France l’un des meilleurs ennemis de l’Italie durant la guerre froide. Cette théorie, assez proche du théorème Calogero, pose les jalons d’une manipulation par les services de renseignements et de sécurité français.

Notes

1 “In teleselezione dalla Francia gli ordini ai terroristi italiani ».Antonio Ferrari. Corriere della sera. 26 Avril 1979.

2 “ Segreto di Stato ” page 132. Giovanni Fassanella e Claudio Sestrieri con Giovanni Pellegrino. Giulio Enaudi Editore s.p.a. Torino .2000.

3 Sténos 50a et 50b de la commission d’enquête parlementaire du 17 Mars 1999 sur “ L’affaire Moro ” sous la présidence de Giovanni Pellegrino.

4 Adriano Salani Editore S.p.A-2011.Milan.