Les Baumettes interdites, reportage dans le couloir de la mort
Slate vient de publier un reportage de Guillaume Origoni et Raphaël Rubio :
Il est 13h15 devant l’ancienne prison des Baumettes. Le ciel est très clair. Je devise avec mon ami, le photographe Guillaume Origoni. Mes mains tremblent un peu. J’avale plusieurs bonbons à la menthe. Pour la première fois, une équipe de journalistes s’apprête à pénétrer au cœur du quartier interdit du Centre pénitentiaire de Marseille, un endroit inaccessible. Et pour cause: là, se trouvaient le couloir de la mort, la chambre des greffes, la cour d’exécution et la cellule où le condamné vivait ses dernières heures. L’ombre du dernier guillotiné de France le 10 septembre 1977, Hamida Djandoubi, plane encore derrière les grandes grilles. Je songe à Christian Ranucci, 22 ans et probablement innocent. Je repense alors au film de José Giovanni «Deux hommes dans la ville». La bande originale composée par Philippe Sarde me hante obstinément. Et pourtant. En ces lieux, au cœur de ces sous-sols grisâtres, il ne fut jamais question de cinéma. Ici, la République française a mis à mort des êtres humains.
La prison des Baumettes fut bâtie selon les plans de l’architecte Gaston Castel. Depuis 1938, son mur d’enceinte est orné de sept statues, œuvres d’Antoine Sartorio. Sept statues qui représentent respectivement chacun des sept péchés capitaux. Sur cette image, la gourmandise écrase l’individu et invite le citoyen à une vie de tempérance. Le détournement des valeurs religieuses est caractéristique de l’ambition morale de la IIIe République: le crime est le fruit d’une vie soi-disant déréglée. Les déviants, les marginaux, et autres inadaptés sont destinés à être retranchés de la société. La République impose un style de vie où travail et honnêteté demeurent des vertus cardinales. Elle souhaite façonner l’homme, quitte à le punir et à l’humilier.