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Trump et Le Pen sous nos yeux

tumblr_mucigz9xez1rmfjg7o1_1280Depuis des mois que les sondages promettent monts et merveilles à Marine Le Pen il était logique que les sites d’information décident de mettre en place des dispositifs spécifiques à l’égard de la candidate.

Deux d’entre eux ont ainsi ouvert un observatoire, où l’on retrouve dans les deux cas des contributeurs de Fragments sur les temps présents et des membres de l’Observatoire des radicalités politiques.

« L’Œil sur le front » est la plateforme de Libération. Ses journalistes Dominique Albertini, Tristan Berteloot, Jonathan Bouchet-Petersen présentent ainsi leur objet :

Le phénomène électoral est manifeste. La poussée idéologique, notable. Le succès institutionnel, relatif. Il n’empêche, le Front national reste en France un parti politique à part : par son histoire, mais surtout son rapport à la République, à la frontière, à l’immigré, et plus spécifiquement aux musulmans. Libération a donc décidé, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès et l’agence la Netscouade, de faire du traitement du FN un axe majeur de son suivi de la campagne présidentielle, actant la place centrale du parti d’extrême droite et la rupture de nombreuses digues morales et idéologiques dans la droite «classique». Alors que Marine Le Pen a une chance indéniable de figurer au second tour de 2017. Alors que depuis 2012, le parti d’extrême droite a fait élire les siens comme jamais, ne remportant toutefois que quelques mairies. Et alors que son programme reste un patchwork structuré par la priorité nationale, la sortie de l’euro et l’immigration zéro. Libération lance son œil sur le Front, un observatoire du FN et des droites extrêmes. Avec l’ambition d’en faire la plateforme de référence.

Non pas un traitement de faveur ou de défaveur, mais l’affirmation d’une priorité éditoriale. Le succès de formations populistes dont les mots claquent toujours aux oreilles des mêmes – les musulmans -, accusés en bloc de beaucoup des maux de la société, est une réalité au moins européenne, avec Trump en cousin américain. Une internationale qui compte dans ses rangs la Russie de Poutine – où le FN s’est renfloué financièrement -, un pouvoir prompt à appuyer les partis à tendances nationaliste et anti-américaine, qui honnissent l’UE comme l’Otan et soutiennent Al-Assad en Syrie.

Enfin, alors que le FN, sa présidente et plusieurs proches sont embourbés dans l’affaire Jeanne sur fond de financement électoral litigieux, Libération continuera bien sûr d’enquêter sur les pratiques du Front, comme il a pu le faire à droite pour le scandale Bygmalion. En gardant à l’esprit qu’il s’est longtemps revendiqué comme le seul parti «tête haute, mains propres», qu’il se pose en recours vertueux contre un système de combines et qu’il fait argument politique de sa «liberté» par rapport aux puissances financières étrangères. Reste qu’au FN, les affaires de famille prennent souvent le pas sur les affaires. Le père et la fille. La tante et la nièce, petite-fille du premier. Derrière le vaudeville, une tension idéologique que seul un bon score en 2017 permettra de garder sous le tapis.

« Front national : l’œil des chercheurs » est la plateforme de Médiapart. Sa journaliste Marine Turchi présente ainsi l’objet :

La campagne du Front national, vue par des chercheurs qui travaillent sur ce parti depuis des années. C’est le projet que nous lançons à Mediapart pour les campagnes présidentielle et législatives, baptisé « FN, l’œil des chercheurs ».

Dans son dernier livre consacré au parti d’extrême droite, le chercheur Joël Gombin met le doigt sur un biais du traitement du FN: oublier « que ce parti n’est pas né hier », mais en 1972. L’enjeu, dit-il, est d’« opposer la longue durée à la tentation permanente, encore renforcée à l’ère des chaînes d’information en continu et des médias sociaux, de tout analyser au prisme de la nouveauté, de l’inédit ».

C’est aussi de ce constat que nous sommes partis à Mediapart. Le traitement du Front national est depuis de longues années l’objet de controverses. Le parti est souvent couvert dans un mouvement de balancier qui oscille entre diabolisation et banalisation. Outre nos articles, enquêtes et reportages, nous avons demandé à des chercheurs de raconter le parti frontiste à travers leur regard académique: son programme, ses discours, sa stratégie, ses électorats, l’organisation de son appareil, son maillage territorial. Il s’agit d’une part de donner des clés aux lecteurs pour décrypter la campagne frontiste, avec une mise en perspective historique, d’autre part de tordre le cou à certaines idées reçues ou raccourcis qui ont la vie dure.

Au-delà des thèmes habituels (Le FN a-t-il atteint son « plafond de verre »? Est-il le « premier parti de France » comme il le répète? Quelle est la réalité de la « dédiabolisation » entreprise par Marine Le Pen? Le « Front républicain » est-il mort?), cette édition posera aussi des questions plus profondes: le Front national peut-il devenir le grand parti de droite conservateur? Pourquoi le FN “libéral-conservateur” du Sud ne s’oppose pas au FN dit “antilibéral” du Nord? Quels sont les ressorts du vote FN? Comment Marine Le Pen parle aux électeurs des territoires péri-urbains en crise? Comment le FN forme ses cadres et militants?

Pendant la campagne, quatre chercheurs et chercheuses tiennent donc leur édition et proposeront leur propre regard sur la campagne, à travers des décryptages, des vidéos, des analyses.

Pour démarrer, Jean-Yves Camus dans « L’Œil sur le front » et Joël Gombin dans « Front national : l’œil des chercheurs » ont tous deux traité de la comparaison entre les phénomènes Trump et Le Pen