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Dominique Venner et la mort

Source oeuvre de Péjac.

Par Jean-Yves Camus

Le 21 mai 2013, Dominique Venner mettait fin à ses jours  en se tirant une balle dans la bouche à Notre-Dame de Paris. « Suicide d’un opposant au mariage pour tous », « suicide d’un ex-OAS »: ainsi a été annoncée sa mort.

Cinq ans après, alors que le souvenir du militant hante les rangs de l’extrême droite radicale, cette représentation erronée n’a, hélas, guère été réajustée dans les grands médias.

Cet historien et essayiste avait été de tous les combats de l’extrême droite du milieu des années 1950 à celui des années 1960, décrivant son idéal comme un « ordre militaire et mystique». Il avait ensuite cessé de militer dans des groupes voués selon lui à un activisme stérile et qui portaient leurs défaites comme des décorations. Avant de devenir une des figures de la « Nouvelle droite », dont il partageait l’ethno-différentialisme, le paganisme et l’élitisme.

Venner en imposait dans son milieu idéologique. Il était hors-partis et hors clans. Les motivations de son choix d’en finir sont, comme toujours en cas de suicide, du domaine de l’intime et imposent une certaine retenue dans les commentaires. Toutefois on peut dire sans ambages qu’elles sont quasiment incompréhensibles pour celles et ceux qui n’appartiennent pas à sa famille de pensée. Ses propos sur « la mort en face », parus en 2011 dans un livre d’entretiens intitulé Le Choc de l’histoire, Religion, mémoire, identité (Via Romana) semblent, à quiconque n’est pas mentalement de droite, venir d’un autre univers.

Son suicide comporte d’abord une dimension éthique de l’honneur et de la vie, celle des anciens Romains et des anciens Grecs, qui voulaient choisir leur mort. Il est cohérent avec son paganisme : un païen ne croit pas dans un « Autre monde », sa vie est ici et maintenant, son destin n’est pas entre les mains d’un maître mais est déterminé par la seule volonté. C’est un geste à portée politique, qu’il motive ainsi : « Je crois nécessaire de me sacrifier pour rompre la léthargie qui nous accable ».

Le malentendu a été de croire qu’il réduisait cette « léthargie » au vote du mariage pour tous. Comme la majorité de son camp politique, il était persuadé que cette loi s’inscrivait dans un contexte général, celui de la destruction programmée, voire déjà largement achevée, de la civilisation européenne par le « mondialisme ».

Pour lui cette fin imminente de civilisation résultait au premier chef de ce qu’il appelait «  le crime visant au remplacement de nos populations ». C’est-à-dire le changement, selon lui imposé, structurel et définitif du substrat ethnique français et européen par l’immigration et le métissage.

Il avait certes soutenu le Printemps français tout en distinguant bien en son sein deux composantes: une catholique, conservatrice et bourgeoise dont il n’attendait rien et une » identitaire » de laquelle il espérait un sursaut. Le lieu qu’il a choisi pour se tuer, une cathédrale, a surpris, venant d’un homme qui ne faisait pas mystère de son rejet des religions monothéistes.

Or son choix est cohérent : pour lui comme désormais pour nombre de militants de sa mouvance, le catholicisme n’est pas affaire de croyance mais de culture et les églises sont l’expression du génie européen. C’est ce que n’a pas compris Christine Boutin, qui espère que Venner s’est converti au dernier moment.

Certains élus de droite sont d’accord avec une partie des idées du défunt. Lors de l’annonce de son suicide, ils ont pris la parole. Thierry Mariani évoque un homme qui « avait des convictions et une vraie conception de la France » et Hervé Mariton admet « quelques points sur lesquels il peut s’accorder » avec lui. Réduisent-ils Dominique Venner à un nationaliste épris d’ordre et à un adversaire du mariage pour tous, alors que le cœur de son engagement était une vision ethnoculturelle de l’Europe et de l’identité? Quand Marine Le Pen réagit en évoquant un geste « éminemment politique », commis pour « tenter de éveiller le peuple de France », c’est bien à la question du « remplacement » de population qu’elle fait référence, même si le discours du FN, « en voie de normalisation » en 2013 comme en 2018, n’évoque plus la question de l’immigration en ces termes.

Toute une frange des élites politiques et intellectuelles reste sur ce sujet dans la suggestion et le non-dit. Jusqu’à quand ?

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