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Le Clash des élites de l’armement

Samuel B.H. Faure vient de publier Avec ou sans l’Europe. Le dilemme de la politique française d’armement aux éditions de l’Université de Bruxelles. L’ouvrage pourra intéresser ceux qui ne se suffisent pas de l’expression « lobby militaro-industriel » pour comprendre les relations internationales et le rôle de l’arment. L’éditeur présente ainsi l’ouvrage :

Avions de combat, missiles, drones militaires, hélicoptères d’attaque, chars d’assaut, navires de guerre, etc. Pourquoi la France s’arme-t-elle parfois avec l’Europe par des coopérations et parfois sans l’Europe par des programmes « Made in France » ou des importations des États-Unis ? Grâce à la conduite de plus de 150 entretiens, ce livre offre une plongée inédite dans la politique française d’acquisition de technologies militaires par laquelle l’État peut assurer la défense du territoire national et de mener des opérations extérieures.

L’auteur suit les ministres de la Défense, les chefs militaires, les ingénieurs de l’armement et les capitaines d’industrie aux manettes de ces décisions qui se comptent en dizaines de milliards d’euros et qui engagent l’État pour des décennies. Plus qu’une collusion de la classe dominante, voire un complot du complexe militaro-industriel, ce livre révèle les configurations évolutives des rapports de pouvoir. C’est l’histoire du clash des élites de l’armement.

Slate en a publié de bonnes feuilles sous le titre « Pourquoi la France a-t-elle choisi des drones américains plutôt que français? » :

Pourquoi, en août 2013, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a-t-il signé un contrat d’achat avec les États-Unis pour importer seize drones Reaperde catégorie MALE («Moyenne altitude, longue endurance»), alors que des négociations sont en cours depuis plusieurs années pour le développement d’un drone européen et qu’en 2011, le ministre de la Défense Gérard Longuet avait choisi le développement du drone MALE IN franco-israélien?

Des intérêts contradictoires

Les officiers de l’armée de l’air qui formulent une demande d’acquisition de drones stratégiques à partir du début des années 2000 sont en concurrence avec ceux de l’armée de terre qui expriment simultanément un besoin de drones tactiques: «Il y avait des conflits entre les armées. L’armée de l’air était intéressée par le drone MALE et l’armée de terre par le drone tactique.»

Avant la réforme des prérogatives du chef d’état-major des armées en 2005, chaque armée gérait indépendamment ses crédits budgétaires, renforçant la défense de ses acquisitions d’armements. Comme l’explique un ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, «il y a eu des réflexes corporatistes désastreux de la part des militaires: si telle armée a cet objectif de matériel, elle va demander plus de sous, donc on va lui mettre des bâtons dans les roues».

Quant aux élites industrielles, elles tentent de capter ce nouveau marché sans qu’un monopole industriel n’émerge. Chaque groupe industriel estime détenir les compétences techniques pour développer un drone MALE, sans que le ministère de la Défense ne choisisse l’un d’entre eux. Lire la suite sur le site du magazine.

L’auteur a également réagi sur le Huffington Post au plan aéronautique français récent, sous le titre « Plan aéronautique: le « Made in France » prend le pas sur la préférence européenne », pour le situer dans ses dimensions politiques :

Mardi 9 juin 2020, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a annoncé un plan de relance de 15 milliards d’euros pour soutenir l’industrie aéronautique des effets de la crise sanitaire (#PlanAéro sur Twitter). Ce plan confirme la politique économique du gouvernement à une exception près: les partenariats européens laissent la part belle au “Made in France”. S’agit-il d’un tournant souverainiste pour Emmanuel Macron?

There is (no) alternative  

En mars 2020, la pandémie liée à la Covid-19 a cloué les avions au sol dans le monde entier. La production de l’aéronautique, l’une des industries françaises les plus florissantes et stratégiques, a été brutalement stoppée. La situation sociale est préoccupante: 100.000 emplois sont menacés sur les 300.000 que compte ce secteur industriel. L’enjeu économique l’est tout autant, l’industrie aéronautique représentant 56 milliards de chiffre d’affaires et 34 milliards d’euros d’excédent commercial.

Pour “sauver” l’industrie aéronautique, le gouvernement a décrété “l’état d’urgence” avec un plan de 15 milliards d’euros: 8 milliards d’euros sont ajoutés aux 7 milliards d’euros déjà annoncés pour soutenir Air France. Ce plan de relance s’ajoute, entre autres, aux mesures prises en faveur de l’industrie automobile (8 milliards d’euros), mais aussi au mécanisme de “chômage partiel” activé ce printemps pour éviter à des millions de Français-e-s de se retrouver au chômage.

À rebours de la fameuse expression attribuée à Margaret Thatcher selon laquelle “There is no alternative”, –l’État n’a pas d’autres choix que de se plier aux règles du marché et des intérêts privés–, la crise sanitaire a, au contraire, démontré une capacité d’action étatique pour réguler le marché. Le dorénavant fameux “Quoi qu’il en coûte” qui avait ponctué l’adresse à la nation du chef de l’État, Emmanuel Macron, le 12 mars 2020, le rappelle. Lire la suite sur le site.

Enfi, Samuel BH Faure a présenté sou ouvrage et sa démarche dans un billet de son blog personnel, « Contre les théories du complot et les analyses de comptoir, faire de la science politique » :

La semaine dernière l’espace médiatique a été dominée par les commémorations autour du 18 juin 2020 correspondant au 80anniversaire de l’« appel » prononcé par le Général de Gaulle de Londres, sur les ondes de la BBC, refusant l’armistice signé entre le maréchal Pétain et l’Allemagne nazie. Il s’adresse aux « militaires français, aux ingénieurs et aux ouvriers de l’armement » pour poursuivre la guerre. Quand le Général de Gaulle devient président de la République en 1959, il est le principal artisan du réarmement de la France pour rendre impossible une autre « étrange défaite ». Que reste-t-il de cette politique d’armement et qui la gouverne ? Mon nouveau livre, Avec ou sans l’Europe. Le dilemme de la politique française d’armement étudie, grâce à une enquête exclusive, un demi-siècle d’histoire de France à partir des sommets de l’État.

L’argument complotiste du complexe militaro-industriel

La politique d’armement permet à l’État de produire et d’acquérir du matériel de guerre tel que des chars d’assaut, des avions de combat et des navires de guerre pour équiper les forces armées et ainsi se défendre d’un ennemi extérieur. Un grand programme d’armement coûte des dizaines de milliards d’euros au contribuable et engage l’État sur plusieurs décennies. Pourtant, cet enjeu hautement stratégique lié à la politique étrangère de la France n’est quasiment jamais discuté dans l’espace public.

Cette absence de débat public donne du champ à l’argument complotiste du « complexe militaro-industriel », présenté comme une évidence et fortement ancré dans les imaginaires collectifs. L’argument est simple, clair et provocateur : il y a une collusion des intérêts défendus par les élites au pouvoir. Ces élites forment une classe unie et unique qui travaille à atteindre le même objectif : se maintenir au pouvoir. Non seulement, comme le dit la ministre des Armées, Florence Parly lors de la présentation du plan de relance aéronautique le 9 juin 2020, « l’équipe France » (comprendre l’État et les principaux industriels, Airbus, Thales, Safran et Dassault Aviation) travaille mano a mano pour défendre les intérêts nationaux. Mais plus encore, s’il en croit l’argument du complexe militaro-industriel, l’État est sous l’influence de l’industrie. D’aucuns ajouteraient que la France s’est également soumise à « l’Europe », son indépendance (nationale) est en péril, sa souveraineté n’est plus : let’s take back control! Lire la suite

Enfin vous pouvez tout savoir sur cet ouvrage juste ici :

 

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