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La Politique publique de prévention de la radicalisation

Première parution : Dominique Sistach, « La politique publique de prévention de la radicalisation en France. Une gouvernementalité globale d’anticipation des radicalités identitaires », Manuel Boucher dir., Radicalités identitaires, Paris, L’Harmattan, 2020, pp. 89-118.

« L’énergie qui alimente la terreur, aucune idéologie, aucune cause, pas même islamique, ne peut en rendre compte. Ça ne vise même plus à transformer le monde, ça vise (comme les hérésies en leur temps) à le radicaliser par le sacrifice, alors que le système vise à le réaliser par la force »[1].

Cette étude sur la prévention de la radicalisation, dans un contexte scientifique de forte croissance des recherches de sciences humaines et sociales en ce domaine[2], a pour objet de s’attacher aux ressorts de la gouvernabilité en réaction aux événements terroristes qui frappent la France depuis 2012[3], et ainsi, de découvrir les raisons et les méthodes qui ont imposé à compter de 2014 une gouvernementalité globale de la lutte antiterroriste et de la lutte contre la radicalisation. Les dispositifs élargis de la répression à la prévention pénale se combinent, à ce que Michel Foucault appelle, une forme ouverte et totale de surveillance et de contrôle de la société[4].

Pour comprendre, tant la décision publique que son organisation, nous avons fait le choix de traiter des sources qui n’avaient pas été exploitées ou pas suffisamment exploitées par la communauté des chercheurs, ou qui n’avez pas été « croisées » entre les différents domaines de connaissances. Notamment, pour ce qui est de l’élaboration des plans de prévention de la radicalisation à partir des années 2010, des documents de recherche, des rapports parlementaires, ainsi que la documentation administrative annexe au régime général des lois et des décrets (directives, circulaires et instructions ministérielles) sont exploités[5].

Ces ressources écrites ont retenu notre attention, parce qu’elles permettent de reconstituer les choix de la décision publique nationale, largement dictées par le contexte militaire, mais aussi dictées par les autorités de police de l’État, au titre principal de l’efficacité de la riposte aux terroristes, et qu’elles permettent de révéler l’efficience relative des acteurs publics à l’échelle des territoires. Également, les quatre rapports parlementaires réalisés entre 2013 et 2018 montrent les réalités de la construction d’un « discours public de vérité »[6], en soulignant les contradictions politiques, administratives (notamment policières) dans les débats sur l’action publique et l’exécution de l’action publique. Pour décrire et analyser cette réponse publique, la volonté politique des décideurs et la difficile mise en place de cette politique publique inédite, nous utilisons une forme de sociologie juridique de l’action publique, qui présente ce que nous connaissons classiquement, le droit produit autant d’ordre que de désordre[7], notamment, en ce cas d’étude, où l’autorité politique semble perdue, confrontée à la violence des événements.

Gustave Caillebotte, Les Raboteurs de parquet (1875).

Après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, la guerre contre le terrorisme est devenue une réalité militaire extérieure, et une réalité policière intérieure, pour tous les États de puissance militaire investis au Moyen-Orient[8]. À partir de 2003, et l’invasion de l’Irak par les États-Unis, des combattants français rejoignent les « filières irakiennes ». Ils constituent le premier groupe important de Français partis se battre à l’étranger, recrutés à partir d’une propagande de radicalisation médiatisée par les réseaux sociaux, selon un modèle révolutionnaire de recrutement[9]. Jusque-là, la France s’enorgueillissait de riposter au terrorisme, sans basculer pour autant, comme les Etats-Unis, avec le Patriot act, dans un régime d’exception de lutte contre le terrorisme[10]. Il s’agissait de tenter de stopper l’usage de la violence politique par la force[11], en luttant activement contre la subversion armée par des opérations extérieures et intérieures, sans durablement remettre en cause les garanties juridiques démocratiques générales en France[12]. Ces réticences de la haute administration et des décideurs publics sont articulées, aussi bien par des positions républicaines, de refus d’intervention au titre de la laïcité sur les questions religieuses, que par des positions juridiques strictes de l’intangibilité des principes du droit pénal français[13], que par la crainte de ne pas pouvoir imposer de telles mesures à l’opinion publique.

Ce n’est qu’après la prise de conscience, tardive, d’un « terrorisme de l’intérieur » (Homegrown terrorism), que la loi du 23 janvier 2006 impose une stratégie de prévention du terrorisme[14], véritable « doctrine antiterroriste fondée sur l’identification et l’anéantissement précoce de la menace, considérée comme permanente, transnationale et structurée. »[15] La logique de proportionnalité de la réponse pénale disparaît explicitement au profit d’une seule logique de prévention des actes terroristes[16], opérant « un glissement certain vers une logique de suspicion et de précaution dans notre société »[17]. Au titre de la prévention pénale antiterroriste, les infractions de prévention sont les instruments de la répression de la menace terroriste. La nature spécifique du risque terroriste justifie l’abandon du passage à l’acte violent, le seul soutient à une entreprise terroriste suffit à poursuivre les individus. Cela a pour effet de ne plus poursuivre un individu sur les actes qu’il commettrait, mais de le poursuivre pour ce qu’il représente et dit. Au nom de la théorie de la défense sociale, la « prévention répressive » atteint un comportement déviant plus qu’un crime[18]. Telle que l’expose Mireille Delmas-Marty, « dans sa prétention à y parvenir, la criminologie devient science policière et stratégie guerrière, définissant les menaces et profilant les personnes à risques afin de les détecter le plus tôt possible et de les mettre hors d’état de nuire. »[19] La prévention pénale antiterroriste développe un arsenal procédural important : politique pénale en faveur des repentis, procédures judiciaires simplifiées pour la fouille des véhicules, confiscation des biens à titre conservatoire, usage des fichiers des empreintes génétiques, surveillance de personnes susceptibles d’avoir commis une infraction de nature terroriste, surveillance par infiltration des forces de l’ordre ou par sonorisation des lieux susceptibles d’accueillir des terroristes présumés. Les services de police de lutte contre le terrorisme sont reçus dans leurs demandes, ainsi que le soutenaient plus modestement certains magistrats[20].

Ce changement de doctrine est beaucoup plus large que ne le laisse penser la mutation du droit pénal et du droit administratif antiterroristes. Il s’agit d’un changement de paradigme et de référentiel décidé par le gouvernement. La gouvernabilité traditionnelle de l’antiterrorisme français procédait de la capacité de réaction policière à des attaques, le renseignement policier et militaire n’étant qu’un organon de l’action publique, n’ayant qu’une faible capacité d’anticipation des actes terroristes et des départs pour la zone de combat syro-irakienne. La crise du paradigme répressif » est à son acmé[21]. Sous l’influence du modèles de prévention britannique, l’usage plastique de la notion indéfinie et large de radicalisation permet de construire une politique publique globale de filtrage des marges politiques, autant que de capter au plus large de la société dans son ensemble toutes conduites marginales religieuses et/ou politiques. Les pouvoirs publics réagissent aux événements en deux séquences : l’une à partir de 2012, à partir des attentats commis par Mohamed Merah à Toulouse, et l’autre à partir de 2015, en riposte aux attentats contre Charlie Hebdo, l’Hyper Cacher et le Bataclan. À la hâte, dans un contexte de « guerre » tel que le proclame le Premier ministre Manuel Valls, durant cette très longue année 2015[22], les services centraux du Premier ministre déterminent le problème public de la radicalisation comme explication et fondement de la situation terroriste, et l’utilisent comme référentiel à la prévention et la répression antiterroriste.

La gouvernementalité imposée à partir des événements de 2012 présente une approche stratégique globale, où le renseignement prend une place centrale dans l’action publique d’anticipation de la menace terroriste[23]. Depuis l’instauration du nouveau plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART), de mai 2016, « La préparation de l’État face aux menaces terroristes » ordonne l’action publique ainsi : « La prévention de la radicalisation, le renseignement, la planification » [24]. Ce protocole se divise en deux temporalités/actions : une action de renseignement sur les pans de la société définis comme sensibles, qui réunit la prévention de la radicalisation (primo-renseignement social), et les activités spécialisées de renseignement (renseignement policier et militaire) ; et, par ailleurs, en cas d’attaques terroristes, une réaction immédiate impose une coordination et une planification des services publics de sécurité, d’intervention médicale, puis, au final de l’autorité judicaire.

La prévention de la radicalisation est une technique de gouvernement qui consiste à utiliser toutes les institutions menant une action publique sur la population, de s’impliquer dans la prévention terroriste pour anticiper les risques d’attentats. L’approche prospective, jusque-là, cantonner aux domaines de l’industrie et de la défense, est étendue à la lutte antiterroriste, par et pour le renseignement, qui à pris acte de la faiblesse de ses procédures (préactivité), et qui répond désormais par des procédures d’anticipation (proactivité) [25].

En avril 2014, le plan national de lutte contre le terrorisme fait de la prévention de la radicalisation l’avant-garde de l’action publique. Le Ministre de l’intérieur crée par circulaire le Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR)[26]. Un numéro vert qui doit permettre des signalements est créé (http://www.stop-djihadisme.fr). Classiquement, les préfets mènent l’action publique territoriale. Ils mettent en place des cellules de suivi avec tous les acteurs publics, services de police, éducation nationale, PJJ, Pôle emploi, représentants des collectivités locales, services sociaux, experts. Ces cellules de suivi doivent proposer un accompagnement adapté avec l’aide des services compétents, selon les gradations de radicalisations, allant ainsi de la prévention policière à la prévention sociale ou médico-sociale, allant donc de l’interpellation à la prise en charge des familles des personnes radicalisées.

Le Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) assure le pilotage et l’appui national à l’action locale. L’une des premières missions qui doit être assurée et d’empêcher les départs à l’étranger des jeunes suspectés de radicalisation. Le défaut de coordination d’institutions administratives distinctes, tant par leur culture propre que par la différence des missions, se combine aux défauts d’informations et de formations de ces acteurs. Le plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART), le 9 mai 2016, renforce les dispositions de la circulaire de 2014 (et ce, indépendamment de l’instauration de l’état d’urgence par trois décrets le soir des événements de novembre 2015[27], ainsi que par le vote de la loi instaurant l’état d’urgence quelques jours après[28]).

Le nouveau plan d’action, présenté le 13 juillet 2018, se concentre sur la lutte antiterroriste (Plan d’action contre le terrorisme – PACT –). Il présente trente deux actions, reprenant pour l’essentiel l’existant, et se déploie selon quatre directives, présentées sous forme performatives : connaître, entraver, protéger et réprimer. Pour la première fois, le modèle de prévention est étendu au rang de la prévention des risques. Faute de pouvoir supprimer la menace, il s’agit de réduire les risques, pour protéger les populations, afin que tous les opérateurs intègrent une « culture commune de sécurité ». La question de la radicalisation devient un objet distinct de politique publique : Le Plan national du gouvernement pour la prévention de la radicalisation (PNPR) est réorienté par rapport aux deux plans précédents de prévention de la radicalisation. Il s’agit de poursuivre l’action tout en s’adaptant à l’évolution de la menace et des risques. Le document est présenté le 23 février 2018 et est dénommé : « Prévenir pour protéger ». Soixante mesures sont prises, essentiellement en reprise des plans précédents. La programmatique de l’action publique se développe en cinq axes : prémunir les esprits face à la radicalisation ; compléter le maillage détection/prévention ; comprendre et anticiper l’évolution de la radicalisation ; professionnaliser les acteurs locaux et évaluer les pratiques ; adapter le désengagement. Les pouvoirs publics augmentent l’usage des dispositifs de la prévention de la délinquance, avec des mesures ciblées sur l’usage du Net, avec le renforcement de la prise en charge en santé mentale aux cas qui l’imposent, avec l’intégration de la radicalité dans le futur plan de Stratégie nationale de protection de l’enfance, en lien avec les nouvelles mesures de soutien à la parentalité, ainsi qu’enfin, avec le développement du Service National Universel qui permettra de mettre en place un programme d’information à la radicalisation pour les jeunes appelés. Un an après sa mise en application, le Premier ministre veut, en déplacement à Strasbourg en début d’année 2019, déclare-t-il, agir « plus tôt et plus vite » en réponse à tous risques de radicalisation[29]. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, revendique devant l’Assemblée nationale, « la fluidification de la détection dans l’ensemble des établissements scolaires »[30]. Si l’année 2018 a été le temps encore d’une augmentation des signalements (plus d’un millier environ), on assiste à un ralentissement de l’augmentation du nombre de personnes inscrites dans le Fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT)[31].

L’usage centralisé de la prévention comme mode de l’action publique transforme les conditions de gouvernement de l’ordre public. Le plan de prévention contre la radicalisation déplace l’action publique pénale vers l’action administrative préventive qui envisage l’exercice d’un contrôle social étendu à tous les acteurs de l’action publique territoriale. Les jeunes sont particulièrement ciblés par les institutions éducatives, culturelles et sportives, sociales et médico-sociales, dont les travailleurs sociaux, en « acteurs de premières lignes », doivent collaborer dans le cadre de leurs missions à l’activité de renseignement. Depuis le plan national de 2018, les institutions sociales, médico-sociales, et sanitaires sont impliquées dans cet « aménagement » institutionnel, qui étend le réseau de la prévention de la délinquance au domaine de la radicalisation, au réseau de la protection de l’enfance, au réseau de l’Éducation nationale, et au réseau des soins psychiatriques. La gouvernabilité de réaction pénale contre les terroristes est relayée par la gouvernementalité d’anticipation administrative du risque de radicalisation terroriste sur des populations qualifiées de « sensibles ».

Les mesures administratives de prévention de la radicalisation sont hors de l’état d’urgence, et utilisent en grande partie le droit commun de l’action publique, en grande partie préexistante aux dispositifs instaurés en 2014. Ce qui fait débat, tant scientifiquement que politiquement, c’est de déterminer des critères de radicalisation. Car dans son usage usuel, standardisé et simplifié par la presse[32], intrinsèquement policier, l’expression « radicalisation signifie terrorisme/terroriste potentiel. »[33]

À l’origine, les spécialistes français de l’islam, le considèrent comme radical, quand il s’agit de l’utiliser politiquement en réaction à l’occidentalisation identitaire agressive[34]. En terme politique, la radicalisation apparaît dans les débats scientifiques comme une notion en chantier voire une notion polémique[35]. La notion n’est pas celle que l’on connaissait avec les groupes d’action terroriste d’extrême-gauche et d’extrême-droite, l’idéologie conduisant à l’action violente. La radicalisation est une action individuelle ou collective d’adoption de la violence comme mode d’action politique, social ou religieux qui conteste l’ordre établi au point de la rupture avec sa société d’appartenance[36]. Dans un sens plus étroit, elle sous-tend l’idée d’un changement individuel de comportement, un changement de croyance et un changement de sentiment qui justifie l’usage de la violence, en passant ou non, à des actes illégaux ou violents. Ce changement est un processus de marginalisation, qu’il s’agisse d’un fait générationnel propre à l’adolescence[37], d’un fait religieux, ou d’un fait politique[38], ou de faits sociaux, médicaux ou psychiatriques[39] ; quel que soit le cas, la progression idéologique, les modifications du comportement et des socialités, les ruptures sociales et le changement de mode de compréhension du monde, tout cela relève d’un processus de déviance, puisque dans tous les cas, la radicalisation correspond à une volonté de rompre les normes établies, et de leur substituer des normes religieuses et politiques autres. Si certains auteurs réfutent la scientificité conceptuelle du principe[40], ou d’autres l’insuffisance des définitions en cours[41], la majorité des auteurs s’accorde sur ces définitions[42]. Xavier Crettiez le dit avec clarté :

« Ces thèses académiques (…) sont toutes vraies ou plutôt que toutes ont une part de vérité et que leur opposition peut sembler stérile, d’autant qu’elle pollue le débat académique, dessinant des querelles inutiles. (…) Mais il est difficile de déterminer, dans les cas que nous avons croisés, quelle serait la thèse la plus parlante et quels déterminants majeurs pourraient être à l’origine du passage à l’acte qui demeure toujours impossible à trouver si l’on se prive d’une approche multi-causale et surtout processuelle. »[43]

Cette approche est aussi dictée, bien que scientifiquement probante, par la nécessité de s’adapter à la réponse policière, les différents stades de la radicalisation permettent d’identifier et d’agir en arrêtant ou en inversant le processus[44].

Sans attendre la fin des débats scientifiques, les victimes, les parents d’enfants radicalisés, après le choc des attentats de Toulouse en 2012, se mobilisent pour demander une aide, et une action publique de l’État pour prévenir les risques de radicalisation. Comme le précise Romain Sèze, cette apparition dans l’espace public de parents de jeunes radicalisés, se déclarant des victimes du djihadisme, trouble les débats, puisque les terroristes apparaissent alors comme des « terroristes victimes du terrorisme » [45]. Des médiateurs de tous types apparaissent dans la presse pour exprimer ces réalités et présenter ce que signifie la radicalisation, et surtout comment la traiter ; l’action publique « par le bas », par des revendications, des actions, des pressions de groupes constitués en association, produit un résultat par ces médiations scientifiques et politiques. L’anthropologue Dounia Bouazar créée le Centre de Prévention contre les dérives sectaires liées à l’Islam (CDPSI) en avril 2014 et débute un véritable entreprenariat moral de recherche et de médiation scientifiques[46]. Elle contribue alors largement à convaincre les pouvoirs publics de l’erreur que représenterait la posture qui définirait exclusivement le radicalisé comme un délinquant ethno-racialisé des quartiers. Elle impose une idée et une connaissance précises : la radicalisation concerne toute la société française.

Farhad Khosrokhavar définit le terme ainsi :

« Par radicalisation, on désigne le processus par lequel un individu ou un groupe adopte une forme violente d’action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux qui conteste l’ordre établi sur le plan politique, social ou culturel. »[47]

C’est cette définition que le Guide interministériel de prévention de la radicalisation du CIPDR reprend[48]. Elle pose malgré tout question, en ne déterminant pas si la radicalisation répond à un processus, ou si elle procède d’un basculement. Comme l’expose Xavier Crettiez, l’absence de déterminismes empêche de définir un profil type de l’extrémisme violent[49]. L’engagement dans la violence politique se fait par étape, par stade d’intensification de la violence revendiquée ou perpétrée[50]. « L’aspiration au martyr n’apparaît plus comme un projet linéaire, mais comme l’une des issues possibles à des emboîtements de situations, complexes et inattendus. »[51] Le processus de radicalisation fait apparaître la multiplicité des parcours possible pour atteindre ce seuil d’endoctrinement du passage à l’acte violent, mais également, requiert une « réflexion en termes d’interdépendance et d’interaction, où les représentations, les qualifications ou les identifications participent à la définition de la situation. »[52]

Comme nous montre l’étude de Laurent Bonelli et Fabien Carrié, si l’on se focalise sur les mineurs « radicalisés » ou signalés pour des faits (très large) de terrorisme, pris en charge par la PJJ, peu de cas de radicalisation conduisent au passage à l’acte terrorisme[53]. Pour le dire autrement, la radicalisation est un phénomène qui se caractérise par des conduites et des discours distincts des groupes réduits de ceux qui sont ou qui vont passer à l’acte. Quatre sortes de radicalités peuvent être présentées, avec un public très large de 868 dossiers de mineurs ou de jeunes adultes, 175 d’entre eux connaissent des mesures pénales, 189 connaissent des mesures civiles en raison d’un risque de radicalisation, 364 mineurs qui au cours de leur prise en charge pour d’autres faits, ont montré des signes de radicalisation, et enfin, 140 cas de mesures de protection de l’enfance, pour des mineurs dont les parents sont radicalisés Laurent Bonelli et Fabien Carrié présente une typologie de la jeunesse délinquante ou protégée radicalisée. Il existe une radicalité agnostique, des jeunes délinquants marginalisés, qui « surjoue » socialement le djihad. Il existe des radicalités apaisantes des jeunes, qui trouvent dans la religion, le moyen de compenser les effets délétères d’un univers familial détruit par la violence. Il existe aussi des radicalités rebelles des jeunes en rupture avec la famille et l’école, selon des modes psychologiques de conflit avec le père[54], et de provocation religieuse ou terroriste pour engendrer des réactions familiales et sociales. Il existe enfin des radicalités utopiques des jeunes avec un projet intellectuel structuré, qui rationalisent leurs actions par une « conception du monde » révolutionnaire, pour devenir « un petit intellectuel de la cause » [55]. C’est la seule catégorie qui soit susceptible de passer à l’acte violent ou de planifier un départ vers la Syrie.

Le modèle de prévention choisi consiste en une approche comportementale et d’appartenance à des groupes extrémistes centrée sur l’usage de la violence terroriste. En s’appuyant sur des modèles préexistants de l’action publique, les pouvoirs publics ont procédé par élimination pour identifier la version la plus compatible avec nos institutions et nos modèles d’action préventive. L’approche « intégrative » n’a pas été retenue, en tout cas, pas dans un usage exclusif de prévention. Elle n’a pas été choisie pour des raisons pratiques et idéologiques. Elle consiste à penser l’action publique à partir du constat que les personnes radicalisées, majoritairement jeunes et appartenant à des minorités, ont dans leurs parcours connus des faits de désintégration sociale : ruptures familiale, scolaire, amicale. La prévention consiste dans des mesures sociales permettant de lutter contre la marginalisation et les discriminations que subiraient ces personnes. Il ne s’agit pas de prévenir au sens d’une anticipation à des faits donnés, mais de prévenir au sens d’une réparation des capacités économiques et politiques, et reconnaître juridiquement les personnes vulnérables. Comme l’Espagne l’a choisie après les attentats de Madrid, la prévention consiste essentiellement en un dialogue interculturel entre les communautés[56].

En France, dans sa synergie de recherche et d’évaluation, l’État a commandé une étude à une mission d’étude sur la laïcité et la lutte contre l’exclusion. Une prévention globale et une prévention intermédiaire étaient préconisées[57]. La prévention globale existe déjà puisque le rapport prévoit d’intensifier les politiques de lutte contre les inégalités et les discriminations, afin de faire reculer un sentiment de ségrégation qui domine chez les plus jeunes issus des minorités. Le travail social permet aussi de faciliter l’appropriation des valeurs républicaines, notamment en s’appuyant sur les principes de la laïcité[58]. La prévention intermédiaire est basée sur le travail social des quartiers, notamment sur des expériences de travail social communautaire, en s’appuyant sur les familles, afin de recréer un sentiment d’appartenance. À l’inverse, la « prévention du passage à l’acte (…) n’est pas une mission spécifique pour les travailleurs sociaux, mais cela fait partie intégrante de leur rôle en matière de protection de l’enfance et dans une certaine mesure de lutte contre l’exclusion. Il faut du reste à tout prix éviter, sur certains sites, d’enfermer les éducateurs de rue dans une fonction de prévention de radicalisation, ou de créer une nouvelle catégorie d’intervenants spécifiques, ou de privilégier des associations focalisées sur cette pointe émergée de l’iceberg »[59]. David Puaud constate que « nous assistons ainsi à une réorientation des missions d’animateurs au sein de centres sociaux auxquels on demande de faire du « travail de rue » en soirée non pas pour jouer au football avec les jeunes, mais bien pour repérer les signes et mouvants pouvant être suspects dans le quartier » [60].

Le rapport Thierry concède que « lorsque le danger (pour le jeune comme pour autrui) est avéré, il peut être nécessaire de procéder à un signalement, aux instances de sécurité locale ou à la plateforme nationale » [61]. Cette approche « intégrative » n’est pas priorisée pour des raisons idéologiques, notamment à compter de 2015. La « culture de l’excuse », portée par les sociologues qu’évoque le Premier ministre Manuel Valls, ne cible pas que la discipline scientifique, mais également l’ensemble des acteurs du secteur social qui s’inspire de cette « culture »[62]. Les pouvoirs publics ont également exclu en partie l’approche préventive cognitive. Pourtant la plus répandue dans le monde, cette méthode procède de formation et de sensibilisation des personnes radicalisées, pour qu’elle développe des modes de compréhension du monde qui les entourent. Les résultats sont souvent longs à obtenir, comme le dispositif britannique de lutte contre la radicalisation islamique l’a montrés[63].

Le rapport Jounot en 2013 avait balisé le travail gouvernemental de constitution d’une politique préventive contre le terrorisme. La réponse de l’État consistait à prendre en compte « le processus de radicalisation par les ministères au travers de dispositifs existants »[64], et ce, avec le ministère de l’intérieur et ses services comme centre de l’action publique, tout en associant les autres acteurs institutionnels. Les ministères « non sécuritaires » « sont évidemment conscients de l’importance du phénomène de la radicalisation à la fois au travers de ses répercussions négatives pour le fonctionnement des services publics dont ils ont la responsabilité, mais également au regard de l’accomplissement même de leurs missions éduquer/soigner/accompagner socialement, etc.) au bénéfice de personnes concernées »[65].

Les institutions sociales (au sens le plus large du terme) ne sont absolument pas prêtes à agir, car elles n’ont pas d’outils d’évaluation de la radicalisation, et elles n’ont pas de politique publique de référence en ce domaine. Les ministères « non sécuritaires » « ne disposent aujourd’hui ni d’outils pour en quantifier l’ampleur et les évolutions, ni de politiques élaborées destinées à le contenir, ce qui traduit l’absence d’une analyse partagée du phénomène, la crainte de mettre en place des mesures qui pourraient se révéler inappropriées ou contre-productives, l’absence en clair d’une véritable stratégie de l’État sur ces questions qui puisse les aider à construire leur action, il n’y a eu à ce jour de rapprochement organisé entre les ministères, notamment avec ceux qui ont commencé à agir, pour échanger sur ces questions ». [66]

Le rapport Jounot, au final, propose d’adopter une démarche non stigmatisante qui s’attaque d’avantage aux causes de la radicalisation (agir sur les vulnérabilités et réduire les influences) qu’à ses manifestations ; associer les acteurs « sécuritaires » et « non sécuritaires », au niveau local et au niveau national ; (…) associer les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux et être prêt, comme l’ont fait tous nos partenaires qui s’y sont engagés ou s’apprêtent à le faire, à assumer publiquement cette démarche, en rendant cette stratégie publique » [67]. Concrètement, il s’agit d’utiliser les dispositifs existants de droit commun de prévention de la délinquance tel que la loi le prévoit déjà depuis mars 2007, selon des protocoles d’identification d’un phénomène de radicalisation similaire à celles liés aux dérives sectaires[68]. Le ministère de l’intérieur prévoit par ailleurs à ces dispositifs préexistants que l’information doit être centralisée par la cellule de suivi préfectorale. Les « remontées d’informations », pour reprendre les termes de la circulaire du 4 décembre 2014 du Ministre de l’intérieur, doivent se faire selon une procédure précise et doivent être hebdomadaire[69]. Les services centraux du ministère, chargés de la prévention de la radicalisation et de la prévention pénale sont en copie de toutes informations préoccupantes : le SG-CIPD et l’UCLAT.

La frontière entre les informations sociales et les informations de renseignement policier est poreuse, et le risque d’opposition, même silencieux, des travailleurs sociaux est très important. Bon nombre de travailleurs sociaux interrogés dans le département des Pyrénées-Orientales n’ont été disposés à parler que sous le couvert de l’anonymat ou par le biais de propos officiels et de propos « off ».

En 2015, l’Association nationale des assistantes de service social considérait que les textes « serait une atteinte au secret professionnel, au regard de la collecte des données envisagée et ainsi que de la mise en place de dispositifs techniques de renseignements. »[70] Les cellules de suivi préfectorales deviennent les institutions de l’échange d’une information de radicalisation, accessoirement, cela peut se faire dans le cadre des CLSPD. La charte déontologique type pour l’échange d’information dans le cadre des CLSPD considère qu’il conviendrait de trouver un équilibre entre le secret professionnel des travailleurs sociaux et le partage d’informations avec l’autorité de police[71].

Pour l’information transitant par la cellule de suivi départemental, l’organisation du partage d’information est coordonnée par les services préfectoraux « entre les services de police et autres partenaires, sociaux et associatifs ou bien (s’appuie) sur les règles qui s’appliquent en matière d’échanges nominatifs pour les mineurs en difficulté. Les informations qui sont fournies aux partenaires sont expurgées des données les plus sensibles. Elles ne doivent pas faire l’objet de communication à des tiers en dehors de groupe de travail. Une charte locale et spécifique du partage d’information peut être établie entre les partenaires. » [72] Les informations sont centralisées par l’État-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT), rattaché au ministère de l’intérieur depuis juin 2015, qui veille à réguler le renseignement opérationnel des services de sécurité, et qui centralise « les primo-renseignements directement recueillis au niveau local par les préfets et les autres structures administratives ou associatives ». [73] La difficulté est double. En premier lieu, la difficulté sociologique de faire collaborer des administrations idéologiques et professionnellement antagoniques. En second lieu, la difficulté technique d’utiliser pragmatiquement les signaux de radicalisation, faible ou fort (de basse dangerosité, ou de haute dangerosité comme l’exprime les autorités de police) sont très difficile à cerner[74].

Nous l’avons dit, le plan national de lutte contre le terrorisme fait de la prévention de la radicalisation le moyen d’action globale[75] de la lutte antiterroriste dont les cellules de veille des préfectures pilotent la politique publique départementale[76], et prévoient des dispositifs préfectoraux d’accompagnements et de suivi de la radicalisation et d’aide aux familles[77]. Le rapport Ciotti met à jour les expériences départementales développées.[78] Certaines préfectures, selon des contextes sociologiques favorables à des relations entre les représentants de l’État et les représentants des institutions sociales (avec fréquemment un rôle pivot des Instituts Régionaux du travail social), ont pu développer des actions en sollicitant le partenariat d’associations en prévention spécialisée. Quelques cas ont vu se constituer des cellules d’écoute et d’accompagnement des familles, notamment dans les Bouches-du-Rhône[79] ou dans le Gard[80].

Le plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART) développe l’action publique[81]. Le Premier ministre demande à ce que l’ensemble des services de l’État[82], aussi bien à travers leurs agents que par le biais des associations auxquelles ils attribuent éventuellement des subventions publiques, soient sensibilisés à la détection des cas de radicalisation (une grille d’indicateurs de basculement dans la radicalisation est incluse dans le guide joint à la présente instruction) et à l’importance de signaler ces personnes. »[83] Le plan d’action gouvernemental élargit le nombre des acteurs locaux qu’il faut mobiliser : les clubs sportifs, les missions locales en faveur des jeunes et les caisses d’allocations familiales sont sollicités, ainsi que les collectivités départementales qui mènent déjà la politique d’action et de prévention sociales qui seront conventionnés avec l’État pour mener la prévention contre la radicalisation[84], ainsi que les communes qui mènent les politiques de prévention de la délinquance et qui devront désormais inclure dans chaque contrat de ville des plans d’actions sur la prévention de la radicalisation[85] (les Conseils régionaux ne sont pas saisis, par effet d’un domaine de compétence réduit en matière de sécurité publique, à l’exception de la Région Île-de-France qui promeut un plan de prévention contre la radicalisation qui s’appuie sur un référent régional et sur le réseau associatif). Le Plan national du gouvernement pour la prévention de la radicalisation (PNPR), « Prévenir pour protéger », a pour vocation de renforcer l’inscription de la lutte contre la radicalisation au cœur des territoires, par le biais du dispositif de collaboration et d’action, de prévention de la délinquance déterminée par la loi du 5 mars 2007. Il s’agit de mettre en œuvre les Plans décidés depuis 2014, mais confrontés à l’absence ou au peu de mobilisations des communes, l’État relance son partenariat pour instaurer le traitement en amont des jeunes délinquants susceptibles d’évoluer vers la radicalisation.

Les moyens financiers sont renforcés. Les effectifs de la PJJ, jusque-là réduits par la succession des réformes de l’État, sont augmentés. Les services d’actions sont coordonnés par le CIPDR. Les préfets et les maires doivent développer un volet de la prévention de la radicalisation au sein des Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) dans tous les lieux où les situations de radicalisation l’imposent[86]. Selon les instructions du Premier ministre, les préfectures doivent désigner un « référent » pour la prévention de la radicalisation[87]. « Il a vocation à être à la fois l’interlocuteur des services préfectoraux et celui de l’autorité judiciaire »[88]. Il peut siéger dans les cellules de suivi. Il doit sensibiliser les acteurs à la détection des cas de radicalisation, selon une « grille d’indicateurs de basculement dans la radicalisation » que fournissent les services de l’État depuis 2014 pour « détecter les trajectoires de radicalisation et les filières terroristes le plus tôt possible » [89].

La première difficulté pour les collectivités territoriales et les acteurs sociaux ou médico-sociaux est de trouver des axes de collaborations et d’échanges d’informations. Ce qui semble évident pour les services d’État ne l’est pas pour des collectivités et des institutions spécialisées, susceptibles de connaître des oppositions politiques, ou des oppositions socio-professionnelles. Ce qui frappe, c’est le cloisonnement entre chaque institution et la remise presque systématique à son autorité hiérarchique pour connaître des rapports à entretenir avec les autorités publiques. Le diagnostic de l’état de la radicalisation d’un territoire semble également très complexe puisque la demande de l’État est d’habitude, dans le domaine de la criminalité, alimentée par les chiffres de la criminalité que produit l’État.

Les procédures devraient permettre d’identifier des indices repérables selon des indicateurs déterminés : comportement de rupture avec l’environnement habituel, changement d’apparence, physique ou vestimentaire, ritualisation marquée des pratiques religieuses, image parentale et/ou paternelle défaillante ou dégradée, environnement familial fragilisé, environnement social fragilisé, particularité des traits de personnalité, particularité des réseaux relationnels, usages de théorie complotistes, changements de comportement identitaire, prosélytisme, usages des réseaux humains ou sociaux, duplicité, condamnation pénale et incarcération, antécédents, commissions de certaines infractions, comportement en détention[90]. « Cette combinaison conduit finalement à une méfiance généralisée avec un nombre de signalements sans proportion avec le problème réel. Les premiers mois, les travailleurs sociaux, les agents de terrain signalent toute nouveauté. C’est pourtant bien l’addition de tous ces facteurs qui est un indicateur, plutôt que des changements à la marge. Le faisceau d’indices que constituent ces changements n’est rien de plus que l’indication d’une éventuelle radicalisation. » [91] Ils peuvent par ailleurs se retrouver difficilement applicables selon les institutions où on les déploient. La diffusion de tels critères au sein des Facultés d’une université parisienne, par le référent radicalisation, ont provoqué l’émoi de la communauté universitaire, et les polémiques qui s’en suivent, et ont obligé le président de l’université à une curieuse déclaration, qui défendait l’institution en assurant qu’il s’agissait d’une mesure prise en toute discrétion par l’intéressé[92]. En l’état, il apparaît clairement que le référent radicalisation n’a utilisé que les grilles fournies par les institutions.

 La distinction entre les personnes qui se radicalisent religieusement, sans pour autant avoir aucunement basculé dans des actions violentes ou prosélytes de la violence pose un obstacle à ces grilles d’évaluation. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme a depuis 2017 rappelé

« l’amalgame dangereux entre radicalisation idéologique et radicalisation violente : « Le dispositif national de prévention de la radicalisation repose sur le présupposé selon lequel il existerait un continuum entre l’adoption de certaines convictions – en lien avec l’Islam, et l’action violente. Or, ce présupposé, dénué de pertinence scientifique, représente un danger pour les libertés et le principe de non-discrimination. »[93]

La distinction semble d’autant plus improbable, que les djihadistes savent très bien dissimuler leurs intentions et leurs pratiques religieuses radicales[94]. La CNCDH préconise ainsi dans son avis de 2018 que « les pouvoirs publics (engagent) une réflexion sur la dérive d’une logique de répression des infractions vers une logique de détection anticipée de ces dernières, dérive à l’œuvre dans le dispositif de prévention de la radicalisation mis en place par les pouvoirs publics », et ainsi que les pouvoirs publics renouvellent « les grilles de détection des personnes « radicalisées » en impliquant davantage les chercheurs dans l’élaboration des critères. »[95]

Le modèle français de prévention de la radicalisation a pris forme empiriquement. La politique publique ressemble plus à un « bricolage » institutionnel qui « s’ajuste après coup au renouvellement permanent de besoins focalisés »[96], détachée de bon nombre de facteurs juridiques et sociologiques élémentaires. Le directeur de l’Unité de coordination de lutte anti-terroriste l’a confessé devant la Commission des lois de l’Assemblée Nationale : « Les choses se sont faites rapidement et tout le monde réfléchit en marchant. »[97] Depuis, les critiques se sont généralisées et se sont médiatisées. [98] Les dispositifs expérimentaux de déradicalisation ont particulièrement focalisés les critiques[99].

 En début d’année 2018, le ministère de l’intérieur dévoilait qu’un peu moins de 20 000 individus étaient identifiés par les services de l’État dans le fichier des signalements (FSPRT). 10 960 étaient considérés comme actifs, 3 557 étaient considérés comme « en veille », 4 065 étaient classés en « suivis clôturés » n’imposant plus de surveillance particulière. Entre 2012 et 2017, 99 mineurs ont été concernés par des saisines, dont 70 mis en examen ou soumis à un mandat d’arrêt. 9 sont en attente de jugement et 20 sont jugés. La peine la plus lourde est de 7 ans de détention[100]. Au 29 mai 2019, 21 039 individus sont inscrits au Fichier FSPRT dont 10 092 ont le statut : « pris en compte », 10 616 le statut : « clôturé », 167 le statut : « poursuite de l’évaluation », et enfin 164 le statut : « en veille » [101].

Il semble difficile de tirer des conclusions sur les résultats que présente désormais le Ministère de l’intérieur. Certains auteurs relativisent les résultats de l’action publique[102], en estimant que le traitement de 15 000 mineurs radicalisés est faible par rapport à l’ensemble de la société, et surtout que la recherche de terroriste parmi ceux que l’on qualifiait de « radicalisé » n’était pas efficace. La probabilité de prévoir le passage à l’acte terroriste par le biais d’indicateurs est quasiment égale à zéro, comme le démontre Marc Sageman[103]. Toute précaution mathématique prise, la probabilité qu’une personne identifiée soit effectivement un terroriste est inférieure à un 1%. Les gouvernants sensibilisent alors l’opinion publique en affirmant que chaque acte de prévention au terrorisme a potentiellement stoppé un attentat, sauvant des vies humaines. Le risque majeur est qu’en voulant prévenir les risques de terrorisme en les liant avec des faits de radicalisation, les pouvoirs publics aient généré un imaginaire entre islam, radicalisation et terrorisme, et ainsi, aient provoqué un fort sentiment d’insécurité par une fenêtre de discours politique très large que diffuse ad nauseam les médias perpétuels de notre temps[104].

Le discours est traditionnellement républicain et s’appuie sur un double axe de sécurité et de laïcité, quel que soit les points de vue idéologique des communiquants politiques ou professionnels. La radicalité est venue ouvrir et tendre les explications tentant de donner sens aux faits criminels frappant notre pays, en s’articulant sur un mode logique qui fait que la violence politique des attentats est inséparable de la pratique rigoriste de l’islam, ou d’une certaine conception de l’islam. C’est ainsi, pour reprendre les mots de Caroline Guibet Lafaye, que le « vocabulaire de la radicalisation a progressivement glissé, dans le discours politique français »[105] comme un discours sur l’islam en France, et sur la capacité française de pouvoir intégrer, non plus simplement des « cultures » différentes, mais aussi, des « cultures » hostiles. Les risques terroristes de contre-terrorisme sont importants comme l’ont montré l’attentat de Christchurch en Nouvelle-Zélande ou récemment la tentative d’attentat à la mosquée de Bayonne. Les campagnes « islamophobes » enserrent la sphère du débat politique et tendent les rapports idéologiques du conflit saillant entre libéraux et nationalistes. L’indétermination terminologique et politique de la radicalité a une utilité incidente aux commerces politiques, et permet d’adapter tous les discours conservateurs d’unité de la nation au titre de la conservation démocratique de notre pays ou de la préservation mythologique de la France, c’est une certitude démontrable.

Un des résultats objectifs de cette politique publique est que désormais les conditions du travail social sont modifiées substantiellement, d’ailleurs comme les conditions juridiques de l’investigation judiciaire et policière. Ce qui restera probablement de ces années de lutte contre la radicalisation, c’est un système préventif d’investigation et de neutralisation des individus susceptibles de rompre avec la normalité. On le sait depuis les travaux fondateurs de Joseph Gusfield, la prévention publique des risques sociaux engendrés par des faits criminels déploie directement et indirectement un ordre symbolique de représentations de l’ordre public, et ainsi de l’ordre moral qui le nourrit, et ainsi des déviants qui le transgresse[106]. Cette puissance symbolique, tout compte fait, assez proche de la puissance de production de la violence symbolique de l’État de Pierre Bourdieu, permet de visualiser la force normative et répressive de toute action préventive. L’impact de légitimation est très fort sur l’ensemble de la société, et les représentations que nous nous faisons d’une altérité dangereuse n’échappent pas aux réalités statistiques des sondages nationaux[107].


[1] Jean Baudrillard, « L’esprit du terrorisme », Le Monde en ligne le 6 mars 2007 : http://www .lemonde.fr/disparitions/article/2007/03/06/l-esprit-du-terrorisme-par-jean-baudrillard_879920_3382.html

[2] Alliance ATHENA, Recherche sur les radicalisations, les formes de violence qui en résultent et la manière dont les sociétés les préviennent et s’en protègent. État des lieux, propositions, actions, Rapport remis à M. Mandon, Secrétaire d’État chargé de l’enseignement Supérieur et de la recherche, mars 2016.

[3] Les outils du gouvernement peuvent se présenter par quatre moyens principaux : nodalité, autorité, finances, organisation (NATO). Cf. Christopher Hood, The tools of government, New Jersey, Chatham House Publishers, 1986.

[4] La gouvernementalité, au sens où Michel Foucault l’entend, c’est « avoir à l’égard des habitants, des richesses, de la conduite de tous et de chacun une forme de surveillance, de contrôle non moins attentive que celle du père de famille sur la maisonnée et ses biens ». Michel Foucault, La gouvernementalité, Dits et écrits, 1954-1988, Volume 3, p. 642. Foucault montre la translation entre l’histoire d’une raison d’État qui délimite l’exercice du gouvernement, vers une histoire de la raison gouvernementale qui ne se limite plus, qui s’ouvre totalement, tant comme exercice de gouvernement de l’État sur lui-même, que comme exercice du gouvernement sur les hommes. Michel Foucault, La naissance de la biopolitique, « Cours au Collège de France. 1978/1979 », coll. Hautes Études, Seuil/Gallimard, 2004.

[5] Romain Sèze a choisi a peu près la même option dans son récent ouvrage, Prévenir la violence djihadiste. Les paradoxes d’un modèle sécuritaire, Paris, Seuil, 2019.

[6] Jean-Louis Fournel, « Introduction à la « forme-rapport » : caractéristiques et temporalités d’une production de vérité publique », Cultures & Conflits [En ligne], 65 | printemps 2007, mis en ligne le 04 janvier 2010, consulté le 12 octobre 2018. URL : http://journals.openedition.org/conflits/2192 ; DOI : 10.4000/conflits.2192. Page 38 du document écrit.

[7] François Ost, Michel Van de Kerkove, Le système juridique : entre ordre et désordre, Paris, PUF, « Les voies du droit », 1988.

[8] Hamit Bozarslan, Crise, violence, dé-civilisation. Essai sur les angles morts de la cité, Paris, CNRS éditions, 2019, pp. 45 et s.

[9] Gilles Kepel, La Fracture, Paris, Gallimard, 2016, pp. 18-55.

[10] Julien Fragnon, Karine Roudier, « Entre répression et prévention, retour sur l’antiterrorisme en France, « Confluences Méditerranée », 2018/3, n° 106, p. 58.

[11] Sur cette question, l’opposition de deux violences, l’une qui se veut fondatrice d’une nouvelle histoire, par le djihad, et l’autre qui s’affirme comme conservatrice de son histoire, par la conservation du droit et par la puissance de l’État, rappelle les débats introduits au début du XXème par Georges Sorel en France, et par Walter Benjamin en Allemagne. Cf. Georges Sorel, Réflexions sur la violence, (1908) Paris, Marcel Rivière et Cie, 1972 ; Walter Benjamin, Critique de la Violence, (1930) Paris, Payot, 2012. Carl Schmitt fut un lecteur attentif et élogieux des deux auteurs. Il développa sa conception « décisionniste » de l’état d’exception par une conception de la violence assez proche de celle de Sorel et de Benjamin. Carl Schmitt, Théologie politique, (1922), Paris, Seuil, 1988.

[12] Jocelyne Lebois-Happe et Olivier Cahn, « Nouveau projet de loi antiterroriste : attention danger ! », JCPG n°29, 17 juillet 2017, pp. 1400- 1403 ; Marie-Hélène Yazici, « Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme », AJ Pénal 2017, p. 308 ; Julien Mucchielli, « Projet de loi terrorisme : « C’est la pollution du droit commun par l’intégration de l’état d’urgence » », Dalloz Actualité, 26 septembre 2017 ; Vincent Brengarth, « Le projet de loi antiterroriste est-il (in)constitutionnel ? », Dalloz Actualité, 4 octobre 2017.

Collectif d’avocats, « Il n’y a plus de séparation des pouvoirs en France ! », Le Figaro, 22 juin 2017.

[13] Romain Sèze, Prévenir la violence djihadiste. Les paradoxes d’un modèle sécuritaire, Paris, Seuil, 2019, p. 9.

[14] Cette doctrine résulte de l’idéologie néolibérale qui développe cette technologie de gouvernement pour palier aux difficultés techniques pour traiter un problème public, et pour palier aux difficultés politiques et juridiques qui brident l’action publique. C’est ce que nous retrouvons sous la plume d’Alain Bauer dont on sait à l’époque qu’il a l’oreille du chef de l’État Nicolas Sarkozy (Bauer ne fait pas que reprendre la doctrine criminelle du problem oriented policing que développe le criminologue Herman Goldstein, qui permet par la méthode « SARA » – détection, analyse, réponse, évaluation – d’identifier les causes d’une insécurité, mais qui ne prône pas l’anticipation criminelle). « Pressentir/déceler/projeter est donc le mode de pensée du décèlement précoce. Il offre de considérables avantages en matière de perception des dangers et menaces émergents. Il évite de tout balayer et vérifier systématiquement, ce qui permet des économies et surtout de concentrer l’action sur les points critiques à haut risque. Par croisement et échange d’informations, cela évite aussi au renseignement d’errer vers des risques hypothétiques ou illusoires. Enfin, point essentiel quoique paradoxal, le décèlement précoce concourt au maintien du maximum des libertés publiques, en nous évitant les lourdes contraintes générales que génère toute société paranoïaque ». Alain Bauer (Président de la Commission), Déceler-Étudier-Former : une voie nouvelle pour la recherche stratégique. Rapprocher et mobiliser les institutions publiques chargées de penser la sécurité globale, Rapport remis le 20 mars 2008, Cahiers de la sécurité – supplément au n° 4 – avril-juin 2008, p. 24.

[15] Claude Journès, « Les dispositifs français de lutte contre le terrorisme », RSC 3/2010, p.746.

[16] Didier Bigo et al., « Introduction. Les libertés sacrifiées au nom de la sécurité ? », in Didier Bigo et a., Au nom du 11 septembre …, Paris, La Découverte, Cahiers libres, 2008, p. 6. Caroline Cerda-Guzman, « La lutte contre le terrorisme en droit constitutionnel étranger : vers un nouvel équilibre entre sécurité et libertés ? », RDLF 2015, chron. n°14, p. 5.

[17] Avis du Défenseur des droits n°17-05 du 7 juillet 2017, p. 3. La haute autorité affirme : « En rupture avec les raisonnements juridiques habituels qui font normalement prévaloir le principe de légalité des délits et des peines – c’est-à-dire une définition préalable, claire et prévisible des comportements répréhensibles -, le principe de sécurité juridique – soit une stabilité et une prévisibilité des dispositions juridiques- et la « conception française de la séparation des pouvoirs » pour prévenir et empêcher les passages à l’acte terroriste-, ces évolutions législatives risquent d’affaiblir de manière durable notre Etat de droit et les principes fondamentaux de notre démocratie ».

[18] « La prévention constitue désormais le résultat spécifiquement attendu d’une mesure répressive. L’assignation de cet objectif préventif au droit pénal a conduit à instaurer un véritable dispositif de « prévention pénale », caractérisé par une modification de l’objet et des outils traditionnels du droit pénal. Les mesures qui composent ce dispositif sont ambivalentes : parce qu’elles sont pénales, elles contribuent à intensifier la répression et donc à renforcer la fonction répressive du droit pénal, mais parce qu’elles sont conçues comme des instruments de la politique de prévention du terrorisme, elles conduisent directement à anticiper la répression. La répression pénale est donc conçue comme un outil de prévention du terrorisme ». Julie Alix, Terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes, Paris, Dalloz, Nouvelles bibliothèque de thèses, 2010, p. 403. Voir également, Juma Al Kaabi, La gestion de la menace terroriste. Le système français de prévention et de répression, sous la direction de David Cumin, Lyon, Université Jean Moulin (Lyon 3), 2017.

[19] Mireille Delmas-Marty, Libertés et sûreté dans un monde dangereux, Paris, Seuil, « La couleur des idées », 2010, p. 61.

[20] Marc Trévidic, Les sept piliers de la déraison, Paris, J.-C. Lattès, 2012. L’un des plus médiatiques juge antiterroriste soutient que l’action pénale est entravée par le fait juridique. L’incrimination d’« association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste n’est pas applicable à un individu seul. L’argument est tout à fait légitime, notamment, quand il s’agit pour les autorités publiques d’identifier un système de preuves pour mettre en examen les prévenus.

[21] Romain Sèze, Prévenir la violence djihadiste. Les paradoxes d’un modèle sécuritaire, Paris, Seuil, 2019, p. 55.

[22] L’année 2015, c’est une quinzaine d’attaque terroriste majeure, dont une majorité en France, qui frappe le monde entier : après les attentats contre les journalistes de Charlie Hebdo, et la prise d’otages de l’Hyper Casher à Paris, en janvier et février, suit, le 14 et 15 février 2015, une double fusillades a Copenhague, faisant 2 morts ; le 18 mars, attaque du musée du Bardo à Tunis, 24 morts ; le 26 juin, fusillade de Sousse, 39 morts ; le 17 août, attentat de Bangkok, 20 morts ; le 10 octobre, attentat d’Ankara, 102 morts ; le 31 octobre, explosion d’un avion de ligne russe, 224 morts ; le 12 novembre, attentats de Beyrouth, 43 morts ; le 13 novembre, attentats du Bataclan et du stade de France, 131 morts ; le 20 novembre, prise d’otages à Bamako, 22 morts ; le 24 novembre, explosion dans un véhicule de sécurité de la présidence tunisienne, 13 morts ; le 2 décembre, fusillade de San Bernadino, 16 morts. Aux trois attentats principaux en France que nous citons, il faut rajouter celui de Saint-Quentin-Fallavier en juin 2015 (décapitation d’un chef d’entreprise par un salarié inspiré du djihadisme pour assouvir une vengeance personnelle), mais également, on peut citer l’attentat déjoué du Thalis, en août 2015, par des militaires américains en permission.

[23] Laurent Bonelli, « L’exception ordinaire. Services de renseignement et anti-terrorisme dans les démocraties libérales », Erytheis, n° 2, novembre 2007, pp. 146 et s.

[24] Le site du gouvernement développe une page web intitulé « La mobilisation de l’État ». Elle s’ouvre sur une longue page intitulé « Risques, Prévention des risques majeurs ». Elle s’articule sur quatre axe : « Se préparer (en toutes circonstances ; Prévenir et agir (en cas de risques et de menaces) ; S’informer (sur l’action de l’État) ; S’engager (pour aider en cas de crise) ». La page « Prévenir et agir », s’ouvre solennellement, sous l’intitulé « La mobilisation de l’État », « Face à la menace terroriste, l’État agit en anticipation et en réaction afin d’assurer un niveau de sécurité maximal à l’ensemble de la population dans le respect des libertés publiques ». https://www.gouvernement.fr/risques/la-mobilisation-de-l-etat

[25] Les méthodes « proactives » visent, tel que l’indique la directrice générale du Security service britannique, « à partir des corrélation statistiques établies sur des trajectoires individuelles, à produire un dispositif d’information orienté vers l’action répressive, capable d’anticiper en amont de la commission d’une infraction ou d’un délit, le comportement probable d’individus aux propriétés similaires ». Elisa Manningham-Buller, « Global Terrorism : Are we meeting the challenge ? », discours 16 octobre 2003. https://www.mi5.gov.uk/news/global-terrorism-are-we-meeting-the-challenge

[26] Circulaire du Ministre de l’intérieur, Prévention de la radicalisation et accompagnement des familles, 29 avril 2014, NOR : INTK1405276C

[27] Décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 ; décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 ; décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 portant modification du décret n°2015-1476 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955. Pour une analyse juridique, voir Olivier Beaud, Cécile Guérin-Bargues, L’état d’urgence. Étude constitutionnelle historique et critique, Paris, LGDJ, 2018, pp. 17-31.

[28] Loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955. JORF, n° 0270 du 21 novembre 2015.

[29] Plan national de prévention de la radicalisation. Le gouvernement fait le bilan, Cnews, 11/04/2019, https://www.cnews.fr/france/2019-04-11/plan-national-de-prevention-de-la-radicalisation-le-gouvernement-fait-le-bilan

[30] Jean-Michel Blanquer, réponse aux questions des députés, question n° 9181 de Stéphane Testé, https://www.nosdeputes.fr/15/question/QE/9181

[31] Rapport d’information par la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Sur les services publics face à la radicalisation, MM. Éric Diard et Éric Poulliat, A.N., n° 2082

[32] Caroline Guibet Lafaye, Pierre Brochard « La radicalisation vue par la presse : fluctuation d’une représentation », Bulletin de Méthodologie Sociologique, 2016, 130 (1). Voir également, Clément Beunas, « Du « radical » au « radicalisé ». Les usages médiatiques et politiques de la notion de « déradicalisation » en France (2014-2017), Déviance et Société, 2019/1 vol. 43, pp. 3-9.

[33] Caroline Guibet Lafaye, « Difficulté méthodologiques posées par l’analyse de la radicalisation », RadicalisationS, école thématique CNRS, Paris, septembre 2016. « La collusion entre terrorisme et radicalisation hésite entre trois orientations : dans certains cas, le terrorisme est appréhendé comme un moyen de provoquer la radicalisation politique ; dans d’autres, c’est au sein de groupes déjà engagés dans la lutte armée que se dessine un phénomène de radicalisation, marqué par un regain de violence ; enfin, l’association des deux mots peut viser à rendre compte d’un processus plus ou moins clairement caractérisé, comme dans les propos rapportés de Valéry Giscard d’Estaing qui considérait, en octobre 2001, que la radicalisation était le « terreau du terrorisme » ». cf. Caroline Guibet-Lafaye, Ami-Jacques Rapin, « La « radicalisation ». Individualisation et dépolitisation d’une notion », Politiques de communication 2017/1 (N° 8), p. 140. Également, Piero-D. Galloro (dir.), Conflictualités, représentations et médiatisation de la violence et de la radicalisation. Radicalisme(s), radicalisation(s), radicalité(s), violence(s), Paris, L’harmattan, « Logiques sociales », 2019.

[34] « C’est pourquoi je préfère encore aujourd’hui parler d’ »islamisme radical » c’est-à-dire que la doctrine orthodoxe est prise au sérieux sur tous les plans, y compris dans le passage à la violence politique. » Bruno Étienne, « L’islamisme comme idéologie et comme force politique », Cités 2003/2 (n° 14), p. 46.

[35] « Emile Durkheim, bien oublié par une sociologie française dont il fut pourtant le père fondateur, avait établi l’identité de la démarche scientifique par sa capacité à distinguer les concepts opératoires des « prénotions ». Il qualifiait ces dernières de « sortes de concepts, grossièrement formés« , qui prétendent élucider les faits sociaux, mais contribuent, en réalité, à les occulter car ils sont le seul produit de l’opinion, et non de la démarche épistémologique de la recherche. Or, l’usage ad nauseam des « radicalisations » (le pluriel en renforçant la dimension fourre-tout) illustre à merveille le fonctionnement des prénotions durkheimiennes par ceux-là mêmes qui en sont les indignes – fussent-ils lointains – héritiers ». Gilles Kepel, Bernard Rougier, « « Radicalisations » et « islamophobie » : Le roi est nu », Libération, Tribune, 14 mars 2016.

[36] Isabelle Sommier, « Engagement radical, désengagement et déradicalisation. Continuum et lignes de fracture », Lien social et politiques, n° 68, 2012, pp. 15-25.

[37] « Islamisation de la radicalité ou radicalisation de l’islam ? », entretien avec Olivier Roy, L’Obs, n° 2683, 7 avril 2016, p. 61-63.

[38] Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, Paris, Seuil, 2018.

[39] Farad Khosrokhavar, « La France, les djihadistes et leurs nouvelles marginalités », Libération, « Tribune », 15 octobre 2019.

[40] Francesco Ragazzi, « Vers un multiculturalisme policier ? La lutte contre la radicalisation en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni », Les études du Ceri, SciencePo, CERI CNRS, 2014.

[41] Gilles Kepel, Antoine Jardin, Terreur dans l’Hexagone. Djihad français, Paris, Gallimard, Connaissance, 2015.

[42] Certains sociologues revendiquent d’autres possibilités, notamment en pensant la radicalisation par le biais de l’identité, qui serait confinée ou/et anomique, sans véritablement convaincre, tant le terme d’identité renvoie à d’autres problématiques scientifiques. Cf. Olivier Bobineau, Pierre, N’Gahane, La voie de la radicalisation. Comprendre pour mieux agir, Paris, Armand Colin, 2019.

[43] Xavier Crettiez, Romain Sèze, Saisir les mécanismes de la radicalisation violente : pour une analyse processuelle
et biographique des engagements violents. Rapport de recherche 
pour la Mission de recherche Droit et Justice, Avril 2017, p. 99.

[44] Peter Neumann, Preventing Violent Radicalisation in America, Washington DC, Bipartisan Policy Center, 2011.

[45] Romain Sèze, Prévenir la violence djihadiste. Les paradoxes d’un modèle sécuritaire, op. cit., pp. 44-45.

[46] Romain Sèze, Prévenir la violence djihadiste. Les paradoxes d’un modèle sécuritaire, op. cit., pp. 50-51.

[47] Farhad Khosrokhavar, Radicalisation, Paris, Éditions de la maison des sciences de l’homme, 2014.

[48] La définition est également reprise par le rapport de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, Radicalisation islamiste et filières djihadistes, 2015. Il aussi souvent rappelé par les représentants de l’État. C’est le cas de Sabine Choquet, Secrétaire générale du Centre d’étude des radicalisations et de leurs traitements, qui consacre également cette définition et son auteur. Cf. Sabine Choquet, « Les dispositifs de prévention de la radicalisation », « Le Genre humain », 2019/2 n° 61, p. 315.

[49] Xavier Crettiez, « High Risk Activism : Essai sur le processus de radicalisation violente », Pôle Sud, 2011/1, n°34, p. 45-60 (première partie) et 2011/2 ; n°35, p. 97-112 (seconde partie).

[50] Isabelle Sommier, « Engagement radical, désengagement et déradicalisation. Continuum et lignes de fracture », Lien social et Politiques, 2012, n°68, p. 20.

[51] Amélie Blom, « Les « martyrs » jihadistes veulent-ils forcement mourir ? », Revue française de science politique, 2011/5, Vol. 61, p. 878.

[52] Anne Collovald, Brigitte Gaïti (dir), La démocratie aux extrêmes. Sur la radicalisation politique, Paris, La dispute, Pratiques politiques, 2006, p. 23.

[53] Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, Paris, Seuil, 2018, pp. 20-21.

[54] Julien Maucaude, La radicalisation ou la résurrection du père par le fanatisme, Paris, L’Harmattan, « Études psychanalytiques », 2018.

[55] Laurent Bonelli, Fabien Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français, op. cit., pp. 263 et s.

[56] Michael A. Hogg, From uncertainty to extremism: Social categorization and identity processes, Current Directions in Psychological Science, Volume 23, Issue 5, October 2014, pp. 338-342.

[57] Michel Thierry, Valeurs républicaines, laïcité et prévention des dérives radicales dans le champ du travail social, Paris, La Documentation française, 2016, p. 20.

[58] Bernard Guzniczak, « Référents laïcité et citoyenneté. Différents et complémentaires », Les Cahiers Dynamiques 2017/2 (N° 72), p. 55-61.
DOI 10.3917/lcd.072.0055

[59] Michel Thierry, Valeurs républicaines, laïcité et prévention des dérives radicales dans le champ du travail social, op. cit., p. 20.

[60] David Puaud, Le spectre de la radicalisation. L’administration sociale en temps de menace terroriste, Paris, Presses de l’EHESS, 2018, p. 147.

[61] Michel Thierry, Valeurs républicaines, laïcité et prévention des dérives radicales dans le champ du travail social, op. cit., p. 20.

[62] « Pour ces ennemis qui s’en prennent à leurs compatriotes, qui déchirent ce contrat qui nous unit, il ne peut y avoir aucune explication qui vaille ; car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser.» Au Sénat, le 26 novembre, il avait déjà porté la charge : «J’en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses et des explications culturelles ou sociologiques à ce qu’il s’est passé.» Et la veille, le 25 novembre, devant les députés : «Aucune excuse ne doit être cherchée, aucune excuse sociale, sociologique et culturelle.» Sonya Faure, « « Culture de l’excuse » » : les sociologues répondent à Valls », Libération, 12 janvier 2016. Bernard Lahire, Pour la sociologie. Et pour en finir avec une prétendue « culture de l’excuse », Paris, La Découverte, 2016.

[63] Jose Liht, Sarah Savage, « Preventing violent extremism through value complexity : Being Muslim Being British », Journal of Strategic Security, 6(4), 2013, p. 44.

[64] Yann Jounot (Directeur de la protection et de la sécurité de l’État), SGDSN, Prévention de la radicalisation (confidentiel défense), 30 octobre 2013, p. 6.

[65] Ibid. p. 7.

[66] Yann Jounot (Directeur de la protection et de la sécurité de l’État), SGDSN, Prévention de la radicalisation (confidentiel défense), 30 octobre 2013,pp. 7-8.

[67] Ibid. p. 9.

[68] La loi About-Picard permet d’incriminer des pratiques relevant de dérives sectaires. La loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tend ainsi à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.

[69] Circulaire du 4 décembre 2014, Prévention de radicalisation et au fonctionnement des cellules départementales.

[70] Anne-Brigitte Cosson, « Projet de loi « renseignement : quels impacts sur le travail social ? », anas.fr, 4 mai 2015.

[71] Comité interministériel de prévention de la délinquance, Charte déontologique type pour l’échange d’information dans le cadre des CLSPD, Stratégie Nationale de prévention de la délinquance, 18 juillet 2014.

[72] CIPDR, Guide interministériel de prévention de la radicalisation, mars 2016, p. 22.

[73] Services centraux du Premier ministre, Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme, mai 2016, p. 20.

[74] Tel que l’exprime le chargé de mission dirigeant l’EMOPT, l’information captée par les cellules de suivi préfectoral correspond à une information de basse dangerosité. « Le bas du spectre, qui présente les signaux les plus faibles, principalement pris en charge par les préfectures. Cela signifie que ces individus font l’objet d’un traitement social ou para-social dans le cadre des cellules de prévention, qui se réunissent généralement de manière mensuelle dans les préfectures. Je reviendrai sur l’articulation entre prévention et action policière, car il est très important de souligner le continuum entre les deux ». (Compte rendu N° 27. Commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, p. 21). Le président de la Commission parlementaire, le député Georges Fenech, s’est exclamé : « Mais (les cellules de suivi) n’ont rien à voir le renseignement ! ». Le préfet dirigeant l’EMOPT répond alors : « c’est pour cela que l’on sépare les deux instances. Mais il est tout de même nécessaire d’établir une continuité entre les deux, puisqu’on a constaté que le passage d’un signal faible à un signal fort pouvait se faire très rapidement. Et comme vous l’avez noté, il y a au sein du FSPRT, des personnes qui, pour l’instant ne relève que du signal faible ». (Compte rendu N° 27. Commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, p. 31-32). Services centraux du Premier ministre, Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme, mai 2016.

[75] « Filières djihadistes : pour une réponse globale et sans faille ». Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, n°388, 2 avril 2015.

[76] Le Ministre de l’intérieur rappelle par le biais d’une circulaire l’urgence de constituer les cellules de suivi pour la prévention de la radicalisation, plusieurs préfecture ne l’ayant pas encore installée une année après la circulaire du d’avril 2014. Circulaire du 19 février 2015, NOR INTK1504882J. « D’après les informations fournies à votre rapporteur, des cellules de veille ont été mises en place dans 42 préfectures, sur 67 préfectures ayant répondu à la mi-février, aux interrogations du CIPD sur le sujet. Votre commission d’enquête s’étonne, près de 10 mois après la diffusion de cette circulaire, d’un aussi faible taux de réponse et du caractère non systématique de création de cette instance, alors même que la quasi-totalité des départements français est touchée par des cas de radicalisation. » Rapport Sueur, p. 77.

[77] Ces cellules d’aide aux familles, selon les circulaires du 4 décembre 2014 et du 19 février 2015, doivent entrer en contact avec les familles et proposé un accompagnement adapté.

[78] « – dans le Vaucluse, une association d’aide aux victimes a été mandatée pour assurer un soutien psychologique et accompagner les individus radicalisés ou en voie de radicalisation ;

– dans l’Eure, un partenariat a été engagé avec l’hôpital psychiatrique d’Évreux notamment le pôle psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent pour le traitement des cas de jeunes pris en charge par la cellule de suivi ;

– en Isère est en projet la création d’une équipe mobile d’intervention à compétence départementale destinée à assurer la prise en charge des situations signalées, en articulation avec les interventions des autorités administrative et judiciaire ;

– dans le département du Nord, l’association « R-Libre », spécialisée dans la réinsertion des sortants de prison va prendre en charge et accompagner 12 personnes au titre de la prévention de la radicalisation ;

– dans l’Essonne, l’association « Ressources » et la préfecture préparent une convention afin d’ouvrir un accueil à destination des parents et des familles, un espace d’échanges et de parole, ainsi qu’une consultation individuelle des personnes radicalisées ;

– en Haute-Savoie, un groupe de parole est déjà opérationnel pour les familles ;

– dans les Ardennes, le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) est mandaté en fonction des situations traitées pour restaurer le dialogue au sein de la cellule familiale ;

-en Charente-Maritime, le directeur de cabinet de la Préfète reçoit personnellement les familles, dans un lieu adapté et en présence de l’ADFI ». Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, n°2828, 2 juin 2015, pp. 123-124.

[79] « Les cellules d’écoute et d’accompagnement organisent la prise de contact et l’accompagnement d’une partie des familles, voire des jeunes concernés qui relèvent de leurs compétences socio-éducatives, de manière directe mais également en mobilisant les acteurs compétents du territoire de vie des personnes, au regard de l’évaluation de la situation. Elles mettent en œuvre une prise en charge socio-psycho-éducative des personnes concernées par la radicalisation (familles, jeunes, personnes de l’environnement) dans un cadre fortement marqué par la dimension sécuritaire et l’enjeu majeur de lutte contre le terrorisme qui s’active avec plus ou moins d’intensité suivant l’actualité. Les dimensions sécuritaires, sociales et éducatives sont ainsi étroitement liées et amènent à des modalités de pratiques nouvelles, s’appuyant sur des compétences plus ou moins présentes en prévention spécialisée et un certain nombre de précautions et de vigilances qui seront éclairées dans ce guide pratique ». Agathe Petit, Ornella Rizzo, Repères pour la pratique. Les cellules d’écoute et d’accompagnement. Partage d’expériences issues de la prévention spécialisée pour éclairer une approche socio-éducatives des phénomènes de radicalisation, Comité national de liaison des acteurs de la prévention spécialisée, CIPDR, IRTS PACA, 2017. Sur cette question, Laetitia Dehlon, « Prévention de la radicalisation : Quelle place pour le travail social ? », Lien social, n° 1168, 16 septembre 2015 ; Bernard Guzniczak, « Du côté de la prévention. De Valence à Marseille », Les Cahiers Dynamiques 2017/2 (N° 72), p. 67-75.

[80] Le préfet du Gard en avril 2015 s’est appuyé sur la Maison des Adolescents, association opérant la coordination d’une plateforme d’accompagnement, permettant d’assurer les prises en charge des familles par les dispositifs de droit commun, de développer un programme de formation. Association Nationale Maisons des Adolescents, Les Maisons des Adolescents se mobilisent dans la prévention de la radicalisation, bulletin 2017. Les Maisons des Adolescents sont fréquemment en partenariat avec une autre association, École des Parents et des Éducateurs, dont la fédération nationale coordonne également ses acteurs départementaux dans le champ de prévention de la radicalisation. Fédération Nationale des EPE, Les écoles des parents et des Éducateurs dans le champ de la prévention de la radicalisation, Bulletin FNEPE, mars 2017.

[81] Instruction n° 5858/SG du Premier ministre adressée aux Ministres, aux préfets, aux recteurs, aux ARS, au directeur de la CAF, 13 mai 2016.

[82] Le directeur de l’UCLAT, Loïc Garnier, décrit ce type de coordination durant les journées de formation dans lesquels il intervient : « Deux fois par semaine, nous nous déplaçons, partout en France, dans les préfectures pour animer des séances de formation sur une demi-journée ou une journée entière, qui réunissent différents corps de l’État, collectivités territoriales et acteurs associatifs divers. Nous essayons de sensibiliser chacun à ce problème. Ainsi, lors d’une conférence que j’ai donnée dans l’Orne, à Alençon, je m’étais adressé aux représentants de l’Éducation nationale pour leur dire : « Nous avons longtemps été ennemis, mais nous devons travailler ensemble à ce problème. Vous êtes les observateurs privilégiés du comportement des jeunes ; prenez conscience du fait que vous pouvez peut-être leur sauver la vie ». Rapport au nom de la Commission des lois constitutionnelles de la législation et de l’administration générale de la République, Sur le contrôle parlementaire de l’état d’urgence, 25 mai 2016, p. 51.

[83] Instruction n° 5858/SG, op. cit.

[84] « Les conseils départementaux ont un rôle essentiel pour la prévention de la radicalisation, compte tenu de leurs missions dans le champ social et plus particulièrement pour les mineurs dans le cadre de la protection de l’enfance. Dans cette optique, vous trouverez ci-joint un modèle de convention entre le représentant de l’État, l’autorité judiciaire, le conseil départemental et, le cas échéant, l’ensemble des acteurs composant les cellules préfectorales de suivi, dont vous pouvez vous inspirer ». Instruction n° 5858/SG, op. cit., p. 3.

[85] Le Ministère de l’intérieur communique le 13 novembre 2018, la publication d’une circulaire qui prévoit « que les Préfets informeront les maires qui en font la demande sur l’état général de la menace sur le territoire de leur commune », la désignation « d’interlocuteurs de proximité pour permettre aux maires de signaler, en temps réel, une situation de radicalisation présumée », ainsi « qu’elle autorise le préfet (…) à transmettre personnellement au maire des informations confidentielles nominatives ». Cf. Communiqué de presse du Ministère de l’intérieur, 13 novembre 2018.

[86] Le décret du 6 mai 2016 modifie les dispositions relatives à la prévention de la délinquance. Désormais, les acteurs publics nationaux et locaux de prévention de la délinquance, sont chargés de la mission complémentaire de lutte et de prévention contre la radicalisation. Décret n° 2016-553 du 6 mai 2016 portant modifications de dispositions relatives à la prévention de la délinquance NOR : INTX1611706D

[87] Le référent est une transposition du modèle danois de « mentor », tel que le rapport Ciotti l’avait préconisée. Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, n°2828, 2 juin 2015, pp. 124-125.

[88] Instruction n° 5858/SG du Premier ministre adressée aux Ministres, aux préfets, aux recteurs, aux ARS, au directeur de la CAF, 13 mai 2016.

[89] CIPDR, Guide interministériel de prévention de la radicalisation, mars 2016.

[90] Tableaux de synthèse des indicateurs de basculement dans le « Guide interministériel de la prévention de la radicalisation » du CIPDR.

[91] Émilien Pellon, Politiques publiques de prévention de la radicalisation. Articulation entre les politiques nationales et les collectivités territoriales et le tissu associatif, Institut d’aménagement et d’urbanisme Île-de-France, septembre 2017.

[92] « Notre fonctionnaire défense-sécurité a voulu faire une piqûre de rappel sur une vigilance à avoir, dans le contexte particulier de l’attaque à la préfecture, qui est une attaque interne. Il a donc essayé d’envoyer un message sur la menace endogène. Mais au lieu de dire « il faut signaler tout changement brutal ou inquiétant d’un individu », il a fait cette liste détaillée, absurde et stigmatisante. » Vincent Coquaz, « D’où vient vraiment le formulaire de signalement de la radicalisation de l’université de Cergy ? », Libération, 19 octobre 2019.

[93] CNCDH, « Prévention de la radicalisation. Respecter les droits fondamentaux pour lutter plus efficacement contre le terrorisme », 18 mai 2017.

[94] Farhad Khosrokhavar, « Nouveau paradigme de radicalisation en prison », Cahiers de la sécurité et de la justice, 2014, n° 30, p. 20 ; ou du même auteur, « Prisons en France », Paris, Robert Laffont, 2016, pp. 309 et s.

[95] CNCDH, Avis sur la prévention de la radicalisation, NOR : CDHX1808588V, JORF n°0077 du 1 avril 2018, texte n°46.

[96] Romain Sèze, Prévenir la violence djihadiste. Les paradoxes d’un modèle sécuritaire, op. cit., p. 211.

[97] Rapport au nom de la Commission des lois constitutionnelles de la législation et de l’administration générale de la République, sur le contrôle parlementaire de l’état d’urgence, 25 mai 2016, p. 50.

[98] À cet effet, voir le dossier de la revue La gazette des communes, « Radicalisation religieuse : Les travailleurs sociaux en première ligne », 24 mai 2017. Notamment, Julie Clair-Robelet, « Les travailleurs sociaux « ne doivent pas devenir des « auxiliaires de police » ». Daniel Verba, « Travail social, faits religieux et radicalisations », Actualités sociales hebdomadaires, 27 novembre 2015, n° 2935, pp. 38

[99] Esther Benbassa, Catherine Troendle, « Bilan d’étape de la mission « Désendoctrinement », « désembrigadement » et réinsertion des djihadistes en France et en Europe” », 17 février 2017. Olivier Fillieule, « Le désengagement d’organisations radicales. Approche par les processus et les configurations », Lien social et Politiques, n° 68, pp.37–59. Guillaume Brie, Cécile Rambourg, Radicalisation. Analyse scientifiques versus Usage politique. Synthèse analytique, ÉNAP, CIRAP, 2015.

[100] Christine Ollivier, « L’événement », JDD, 24 décembre 2017.

[101] Rapport d’information par la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Sur les services publics face à la radicalisation, MM. Éric Diard et Éric Poulliat, A.N., n° 2082, pp. 15-16.

[102] David Puaud, Le spectre de la radicalisation. L’administration sociale en temps de menace terroriste, op. cit., pp. 18 et s. Hanane Bouseta, Les éducateurs face à la radicalisation. Le cas de la prévention spécialisée, Paris, l’Harmattan, « Éducateurs et Préventions », 2019.

[103] Marc Sageman, Understanding Terror Networks, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2004, pp. 60-63.

[104] Tahir Abbas, Islamophobia and Radicalisation, London, C. Hurst and Co. Ltd, 2019.

[105] Caroline Guibert Lafaye, « Dénoncer la radicalisation, reconstruire un ordre moral et politique. Implications philosophiques, avril/mai 2017, p. 2. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01516579

[106] Joseph Gusfield, La culture des problèmes publics. L’alcool au volant : la production d’un ordre symbolique, Paris, Économica, (1981), 2009.

[107] « Sondage. Face à l’islam, les français s’inquiètent », Le Journal du Dimanche, 26 octobre 2019.

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