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Jean-Marie Le Pen contre la normalisation

fireVous trouverez ci-dessous deux interviews et les entrées vers deux articles de Nicolas Lebourg, publiés suite au conflit entre Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen.

φ Propos de Nicolas Lebourg recueillis par Figaro Vox, 7 avril 2015.

Figaro Vox : Dans une interview à Rivarol, Jean-Marie Le Pen s’en prend à Florian Philippot et fait l’éloge du Maréchal Pétain. Que cela vous inspire-t-il?

Nicolas Lebourg : Il fait de nombreuses références à la nécessité du combat, à la boxe comme métaphore de la vie: il applique le principe et donc cogne.

Sur le maréchal Pétain il minimise son passif et oublie ses crimes contre les citoyens français, mais surtout Jean-Marie Le Pen est constant quant à un principe qui remonte aux débuts du FN: on accepte ceux qui furent pour l’Axe comme pour les Alliés. Le FN devait d’ailleurs se constituer normalement avec Bidault, grand de la Résistance, mais eut plutôt des anciens Waffen SS ou de miliciens. Mais l’idée de Le Pen cela a toujours été qu’il fallait refermer la plaie.

S’agit-il d’une vraie prise de position politique, d’un règlement de compte familial ou d’une envie de faire parler de lui?

Le lien qu’il fait entre Florian Philippot, Jean-Pierre Chevènement et le marxisme est à l’évidence polémique mais il a le mérite d’exprimer une position partagée par une partie de la base. Ce n’est pas un hasard si Robert Ménard quand il se démarque du FN le fait non en parlant de différences sur les valeurs mais en se disant plus libéral économiquement. Les élections et enquêtes d’opinion montrent que les positions trop étatistes commencent à nuire à la recomposition des droites.

Que souligne le recours à un journal d’extrême droite pour cette interview?

Rivarol est un journal multi-condamné pour négationnisme, qui fut fondé avec force anciens collaborateurs. Jean-Marie Le Pen reprend implicitement, entre autres, les thèses du théoricien de l’extrême droite radicale Guillaume Faye quant à la nécessité de construire une Eurosibérie afin de sauver la race blanche. En somme, c’est une véritable collection de symboles fracassant les thèmes de la «dédiabolisation». Pour faire bonne mesure le président d’honneur va jusqu’à critiquer la démocratie, alors qu’en général il se limite à se dire «démocrate churchillien», c’est-à-dire critique et pragmatique.

φ Nicolas Lebourg, « Ce n’est pas une interview : c’est une déclaration de guerre de Jean-Marie Le Pen », Slate, 8 avril 2015.

Jean-Marie Le Pen est un bloc. Quand Jean-Jacques Bourdin l’a questionné sur le «point de détail» en lui demandant s’il avait «regretté» ce propos, il était certain que le président d’honneur du Front national lui répondrait non.

Combien de fois Jean-Marie Le Pen a-t-il expliqué que la vie et la politique étaient des combats? Il y revient longuement dans cette interview faisant scandale qu’il a donnée à Rivarol. Il le dit: on ne quitte le ring qu’en sang, qu’à bout, que l’on soit vainqueur ou vaincu. Il enchaîne les punchlines comme, jeune, il eût enchaîné les uppercuts.

Il n’y a là rien qui soit de la distribution de rôles entre lui et sa fille, comme on l’imagine trop souvent. Il cherche point à point les marqueurs faisant scandale pour s’y positionner.

Ce n’est pas une interview: c’est une déclaration de guerre. Une guerre ouverte contre sa fille et Florian Philippot, l’homme qui, vaincu au congrès par Marion Maréchal-Le Pen, en est néanmoins sorti renforcé dans l’organigramme, tant Marine le Pen tient à lui.

Dans la distribution de ses provocations, Jean-Marie Le Pen n’est pas avare: race blanche, point de détail, tout y passe; mais certaines sont plus discrètes, car calculées non pour le grand public mais expressément pour la direction du FN. En particulier, c’est le cas de cette expression dont il use et qui laissera bien des lecteurs interdits: l’«Europe boréale». Elle ne sera pas la formule plus relevée. Elle est pourtant celle qui exprime le plus clairement le message de Jean-Marie Le Pen aux nouveaux caciques de son parti, et que l’on pourrait traduire d’un sobre: «Vous ne me contrôlerez jamais.» Lire la suite sur Slate

φ Propos de Nicolas Lebourg recueilis par Dominique Albertini, « La mise à mort sera d’une grande violence », Libération, 9 avril 2015, p. 3

Libération : Que penser de l’idée selon laquelle Jean-Marie et Marine Le Pen se seraient «réparti les rôles», chacun draguant un segment particulier de l’électorat frontiste ?

Nicolas Lebourg : Je ne crois pas à cette théorie. Selon cette idée, Marine Le Pen tiendrait un double discours qu’il s’agirait de démasquer. Or l’antisémitisme n’est pas une passion froide : d’une façon ou d’une autre, elle finit toujours par s’exprimer. Et Marine Le Pen n’a jamais tenu aucun propos qui puisse la rattacher à cette tradition.

Cela ne signifie pas que le FN ne soit pas un parti d’extrême droite. On parle d’un mouvement islamophobe, dont la vision de la laïcité est contraire à la loi de 1905 et à la Constitution, dont l’idéal de République plébiscitaire a plus à voir avec un certain nationalisme du XIXe siècle qu’avec le gaullisme. En revanche, le plus probable est que Marine Le Pen ne soit sincèrement pas antisémite ni fascinée par le personnage de Philippe Pétain. Et donc qu’elle soit sincèrement opposée à la ligne portée par son père.

Dans quelle mesure Marine Le Pen peut-elle tirer profit des outrances de son père ?

En faisant de celui-ci l’incarnation du mal absolu, on absout un Front national qui serait débarrassé de Jean-Marie Le Pen. C’est l’erreur fondamentale de tous ceux qui demandent à Marine Le Pen de se détacher de son père. Que diront-ils quand ce dernier ne sera plus là, sans que le parti ait changé sur tout ce qui le rattache encore à l’extrême droite ? D’autant plus qu’il ne faut pas écarter que Jean-Marie Le Pen, après son décès, devienne dans l’opinion l’incarnation d’une sorte de libre parole gauloise.

Que retenir des propos de Jean-Marie Le Pen dans l’hebdomadaire d’extrême droite Rivarol ?

Au-delà de ses déclarations les plus polémiques, il dit une chose juste lorsqu’il critique le«chevènementisme» de Florian Philippot. Selon Le Pen, les sujets économiques mis en avant par le «nouveau» Front national, et notamment la sortie de l’euro, sont un boulet pour le parti. De fait, lors des élections départementales, cette ligne a dissuadé de nombreux électeurs de droite de se reporter sur le Front national. La meilleure ligne pour le FN – ou en tout cas celle qu’ont plébiscitée ses adhérents lors du dernier congrès – est celle de Marion Maréchal-Le Pen, plus libérale et conservatrice. Marine Le Pen n’en a pas tenu compte et n’a pas bougé d’un iota sur ses positions économiques. Son père s’en prend à cette attitude, mais il le fait au milieu de nombreuses provocations. Ce qui permet à la présidente du FN de le sanctionner et d’éviter un débat sur le véritable sujet du moment.

La probable mise à l’écart de Jean-Marie Le Pen est-elle un événement capital ou un simple épilogue ?

C’est un événement très significatif. Jean-Marie Le Pen demeure l’homme qui a mené le Front national de 0,74% des voix à la présidentielle en 1974 jusqu’au second tour en 2002. Pour beaucoup de gens, le concept d’extrême droite a moins de réalité que le nom de Le Pen. Sa mise à l’écart est donc un moment clé dans l’histoire de cette mouvance. C’est une condition – certes, pas la seule – pour que le FN achève sa transformation en grand parti autoritaire et conservateur, capable de devenir une alternative à l’UMP.

Dans quelles conditions cette crise peut-elle se conclure ?

La mise à mort politique de Jean-Marie Le Pen sera inévitablement un épisode d’une grande violence. En 1998, à l’approche de la scission mégrétiste, celui-ci expliquait : «Ce qui me différencie de César, qu’approchait Brutus le couteau à la main, c’est que, moi, je sors mon épée et je tue Brutus avant qu’il ne me tue !» Se laissera-t-il faire cette fois, ou pourrira-t-il plutôt la vie du FN en lançant régulièrement ses petites bombes ? Jusqu’où peut-il aller dans la guerre ?

φ Nicolas Lebourg, « Document: pourquoi Marine Le Pen n’est pas passée par la «commission de discipline» du FN », Slate, 10 janvier 2015.

Voici le «règlement intérieur spécial», non public, de cette commission, court-circuitée au profit du Bureau exécutif du parti pour juger le cas de Jean-Marie Le Pen.

Marine Le Pen a donc annoncé sur TF1, jeudi 9 avril, que Jean-Marie Le Pen était convoqué par le Bureau exécutif du FN «siégeant en sa qualité de structure disciplinaire». C’est là un élément qui peut étonner, puisque les affaires disciplinaires du Front national relèvent, selon l’article 13 des statuts du parti, d’une commission dite «Commission de discipline et de conciliation». Cette dernière dispose d’un «règlement intérieur spécial» non communiqué par le FN. Nous le publions ci-dessous afin de comprendre le fonctionnement de l’actuelle phase de tensions.

Ce choix du Bureau exécutif permet de contourner Alain Jamet, président de la Commission de discipline mais aussi ami de Jean-Marie Le Pen depuis des décennies, et qu’il a d’ailleurs défendu dans les colonnes du Figaro en attribuant la responsabilité de ses dernières déclarations à Jean-Jacques Bourdin et au journal Rivarol. Somme toute, ce choix reconnaît-il aussi la stature spécifique du président d’honneur, qui n’est ainsi pas traité comme un militant ordinaire. Néanmoins demeurent quelques points. Lire la suite sur Slate

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