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FN / France Insoumise, deux stratégies contre l’euro

Source inconnue

Par Fabien Escalona

Les 21 et 22 octobre derniers, se tenait à Lisbonne un nouveau sommet du plan B. Cinquième du genre, il rassemblait les partis et responsables politiques de gauche soucieux de définir une stratégie efficace pour démanteler les traités d’une Union européenne (UE) jugée antidémocratique, néolibérale et atlantiste. La France insoumise (FI), comme le Parti de Gauche (PG) depuis le premier sommet de janvier 2016, participent à cette initiative que Jean-Luc Mélenchon et ses proches ont d’ailleurs co-initiée à ses débuts.

Le principe du plan B consiste à imaginer des scénarios de désobéissance, unilatérale mais ouverte à la coopération, au cas où échouerait une renégociation commune de ces traités –autrement dit, au cas où échouerait le plan A, auquel s’arrête encore la majorité des forces de gauche qui espèrent une autre Europe. Le plan B est simultanément censé contribuer à la réussite du plan A, en faisant craindre aux autres États que leur intransigeance aboutisse à l’éclatement de l’UE ou de la zone euro. L’Appel de Lisbonne, signé par Mélenchon et le député Éric Coquerel, se conclut ainsi sur ces mots:

«Entre sauver l’Union européenne et l’euro et sauver nos peuples des griffes de l’austérité, nous choisirons toujours les droits sociaux et démocratiques de nos peuples.»

Confusion au Front national

La veille de ce sommet de la gauche alternative européenne, Marine Le Pen participait de son côté à une émission politique de France 2, lors de laquelle son intervention sur la monnaie unique était attendue. Censée clarifier la position du Front national (FN), elle s’est révélée plutôt confuse. On aura cependant compris ce qu’un séminaire du parti avait déjà établi durant l’été, à savoir que la sortie de l’euro, autrefois pièce maîtresse de la politique économique frontiste, est a minima repoussée dans le temps et rétrogradée par rapport à d’autres priorités.

Le doute subsiste encore sur le fait que ce compromis soit préservé, au sens où il pourrait préparer le terrain à un abandon pur et simple de la proposition. Un tel revirement serait important, dans la mesure où la sortie est un élément programmatique acquis depuis deux décennies, même si la description de sa mise en œuvre a pu varier. Que le FN aille jusque-là ou en reste à une relégation symbolique, l’évolution aura été précipitée par le second tour raté de la candidate Le Pen, apparue flottante et peu crédible notamment sur ce sujet.

Un traitement différencié de l’enjeu monétaire

La différence d’approche sur la question de l’euro entre la FI et le FN n’est a priori pas surprenante. Il est évident que les deux formations politiques se situent dans des univers de valeurs antagonistes, et défendent des projets de société opposés l’un à l’autre. Cela dit, le sort de la monnaie unique est l’un des rares enjeux pour lesquels une convergence aurait pu se produire, fût-ce à partir de prémisses différentes.

Dans le champ intellectuel, des économistes proches de chacun des deux camps politiques ont critiqué l’euro et défendu son démantèlement. Par ailleurs, on observe dans les deux cas une radicalisation de la doctrine monétaire à la faveur de la crise des dettes souveraines. Comme le rappelle Emmanuelle Reungoat, c’est à partir de 2010 que la sortie de l’euro a été «ostensiblement mise en avant [et] pérennisée» au FN. Si le PG s’est refusé à en faire une option privilégiée, c’est depuis une résolution adoptée en avril 2011 qu’il l’a envisagée comme une éventualité de dernier recours, en cas d’échec d’autres solutions plus coopératives.

Le récent changement de pied du FN le rapproche-t-il d’une telle position? Initialement différentes sur le fond, les deux offres programmatiques ont en réalité continué à diverger dans leur dynamique. Là où le FN a modéré sa doctrine monétaire –laquelle apparaît au demeurant encore vague et susceptible d’ajustements–, la FI entend maintenir le niveau de radicalité de la sienne, alors même que l’intensité de la crise des dettes souveraines a diminué et que le reste de la gauche française –du PCF au PS en passant par les écologistes et le M1717– campe sur un alter-européisme plus classique.

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