L’Extrême droite est-elle climatosceptique ?

Source inconnue.
Contrairement à certaines idées reçues diffusées à gauche, l’extrême droite n’est pas spécifiquement climatosceptique. Une majorité des radicaux est consciente du changement climatique et évolue plutôt dans la mouvance de la collapsologie. Elle s’attend à un effondrement civilisationnel, en lien avec un mouvement massif des populations, à un exode dû à la sécheresse, etc. En fait, ces tendances, qui vont de la Nouvelle Droite aux identitaires en passant par les néo et les post nazis, imbriquent la question climatique et la démographique : il s’agit de s’opposer au changement climatique pour empêcher les mouvements de population qu’il va induire.
Certes, ce champ a connu une importation des préoccupations écologiques. Cette évolution doctrinale s’est faite avec le renouvellement des références idéologiques, notamment avec le recours aux théoriciens de la Révolution conservatrice allemande (Heidegger, Niekisch, Jünger, etc.), aux auteurs antimodernes (Guénon, Evola), etc. Une partie de l’extrême droite passe alors d’un discours occidentaliste à un rejet de celui-ci au profit de positions anti-américaines, anti-utilitaristes et antilibérales… Initiés en Allemagne, ces discours passent en France, et ensuite aux États-Unis, avec l’alt-right, grande lectrice des théoriciens allemands et français. Néanmoins, on voit bien que, y compris donc à l’heure de la prise de conscience planétaire du problème climatique, pour l’essentiel de ses membres, le retour se fait toujours à la question pour eux dogmatiquement central : l’ethnicité.
Chez les catholiques traditionalistes, la question écologique est devenue importante assez récemment, bien qu’elle soit ancienne, dès les années 1970, dans la mouvance chrétienne en générale, chez certains auteurs, comme Jean Bastaire. L’évolution des traditionalistes est à mettre en lien avec la question de la PMA/GPA. Ils reprennent à leur compte les réflexions de certains militants écologistes sur les OGM et sur le refus de modifier les corps. Ces réflexions ont permis une convergence avec certains milieux antimodernes de la Nouvelle Droite d’aujourd’hui, malgré l’antichristianisme de celle-ci.
Les climatosceptiques sont plutôt à chercher au sein du FN/RN. Ainsi, Jean-Marie Le Pen pensait que l’écologie politique serait une préoccupation de « bobo ». De fait, ce parti ne brille pas par son engagement écologique, y compris avec l’arrivée d’Hervé Juvin – préoccupé par l’écologie, mais pas au point de ne pas avoir des intérêts financiers qui lui soient contraires. Pourtant, le RN a fait entrer en son sein des militants identitaires, sensibles à ces questions depuis très longtemps (en fait, dès l’époque d’Unité radicale, la structure à l’origine du Bloc Identitaire, puis des Identitaires). Cependant, les cadres du RN n’ont que peu de considérations écologiques et préférèrent proposer des solutions qui permettent à leur électorat de continuer de vivre de la même façon. Ils prônent des frontières hermétiques, laissant les « nationaux » vivre de la même façon, et faisant en sorte que les réfugiés climatiques restent au dehors du pays plutôt que d’agir sur les causes du changement climatique ou d’engager une transition de nos modes de vie et de production. Interclassisme, capitalisme et volonté de flatter l’électorat se conjuguent chez les populistes de droite moins pour aboutir à une négation du problème qu’à l’absence de proposition d’alternative.
Nonobstant, il y a bien eu à Hénin-Beaumont une réelle politique de développement durable : les lampadaires sont équipés de LED, des arbres sont plantés, la tonte de certains terrains municipaux est faite par des moutons, etc. La difficulté est de savoir à qui revient réellement l’initiative de la politique écologique de la ville. Importe ainsi la création d’Aquaterra, maison de l’environnement de la communauté d’agglomération Hénin-Carvin, née en 2013. Le projet n’a rien à voir avec le RN, mais lui sert de vitrine. Quoique non révolutionnaire ou foncièrement écologiste, cette politique a permis au RN de dire qu’il avait une gestion écologique dans ses municipalités. Néanmoins à Hayange, autre commune RN, il n’y a guère eu de politique environnementale. Bézier ne brille pas non plus par sa politique écologique.
Il est vrai que le contexte de réception des questions écologiques à l’extrême droite importe et ne favorisait pas une prise de conscience des nouveaux enjeux. On est passé progressivement d’un rejet de l’écologie, surtout dans les années 1970 et 1980, à une acceptation de celle-ci au cours des décennies suivantes, mais, pour les plus radicaux, avec le même rejet de l’écologie politique issu de la contestation des années 1970 : c’est la classique plaisanterie droitière des militants écologistes vus comme des « pastèques », vert à l’extérieur et rouge à l’intérieur… Mais cette forme d’attaques dépasse largement le milieu de l’extrême droite. La hargne à l’encontre de Greta Thunberg est comme un succédané de la façon dont à droite on a pu ramener les premiers écologistes politiques à l’imagerie de hippies qui seraient stupides et irresponsables. Or, l’adolescente suédoise reçoit les attaques de Jordan Bardella mais aussi des personnalités de la droite conservatrice comme la revue Causeur, Alain Finkielkraut ou encore Michel Onfray. Ce qui laisse à augurer que « l’union des droites » a un penchant bien plus réactionnaire productiviste qu’une conscience réellement écologique.