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Perpignan, un laboratoire municipal du RN à l’épreuve de la présidentielle

Alors que nous venons de mettre en ligne David Giband, Nicolas Lebourg et Dominique Sistach, « La prise de Perpignan par le Rassemblement National.  Chronique d’une conquête annoncée », Pôle Sud, n°54, 2021, pp. 91-110, David Giband propose sur le site de Métropolitiques une analyse de l’élection présidentielle sur Perpignan, permettant de cadrer la socialisation du vote lepéniste dans ce qui est désormais la plus grande ville gérée par le Rassemblement national. Ces travaux participent du programme en cours « Perpignan laboratoire social » (PLS…) de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme :

L’élection en 2020 de Louis Aliot à la mairie de Perpignan, qu’il présente comme la première alternance depuis 1957 à l’hégémonie municipale de la droite, induit trois changements (Giband et al. 2021). Le paysage politique local est d’abord profondément redessiné. Longtemps dominée par des équilibres droite/gauche (la droite contrôlant la ville et la gauche le département), la scène municipale oppose désormais un Rassemblement national (RN) majoritaire à une droite et un centre-droit morcelés et rivaux. Quant à la gauche, ne siégeant plus au conseil municipal, minoritaire au conseil de la Métropole, sa voix, hormis au conseil départemental, est quasi inaudible.

Les changements sont ensuite à chercher dans les rapports entre l’État et la ville. L’élection d’un maire RN à Perpignan inquiète l’État et ses représentants locaux quant à la poursuite de dispositifs précédemment engagés, notamment dans les quartiers populaires (programme de rénovation urbaine, cité éducative, contrat de ville). Enfin, si cette élection a été vue comme un épiphénomène – le RN a réalisé une prise de taille, mais ce fut la seule –, c’est aussi pour le RN l’opportunité de faire de Perpignan un laboratoire municipal. Le nouveau maire annonçait ainsi vouloir « faire de Perpignan et des Pyrénées-Orientales le fer de lance de la reconquête nationale du RN ».

Les élections de 2022 étaient donc attendues à Perpignan, dans un contexte régional caractérisé par l’ancrage de l’extrême droite, dessinant de Perpignan à Beaucaire une possible France RN du Sud (Alidières 2018). Dans une ville pauvre (32 % de taux de pauvreté en 2019 selon l’INSEE) marquée par le poids du clientélisme politique (Maury 2008), les élections municipales ont laissé en suspens de nombreuses interrogations. Interrogations sur la nature de ce laboratoire du RN et sur la capacité de L. Aliot à initier des politiques répondant à des attentes multiples, voire contradictoires. Interrogations sur la composition hétéroclite de l’électorat RN qui, à Perpignan, fédérait en 2020 du « gitan au bourgeois ». Interrogations enfin quant à la capacité localement transformative du vote pour L. Aliot : ce dernier est-il en capacité, par son ancrage local, de faire basculer vers le RN une Métropole contrôlée par la droite et un conseil départemental détenu par la gauche ?

Les rapports de force entre les deux finalistes de la présidentielle. Conception et réalisation : D. Gibrand (UMR Art-Dev, 2022). Source : ministère de l’Intérieur, 2022 ; fond de carte : Ville de Perpignan, service des élections

Perpignan, laboratoire municipal du RN : une réalité nuancée

Évoquer au sujet de Perpignan un laboratoire du RN est sans doute abusif. D’une part, parce que l’équipe constituée autour de L. Aliot est un assemblage hétéroclite de personnalités politiques de second ordre, quasi inconnues, et dont peu sont encartées au RN. La bannière « société civile » affichée masque mal l’absence de vision politique partagée. D’autre part, la ligne directrice du projet municipal reste floue et répond moins à un dogme RN en matière de politiques urbaines qu’à une volonté pragmatique de normalisation de la gestion RN d’une grande ville.

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