Nouveau

Comment répondre au FN ?

kosmur_08

Oeuvre de Kosmur

Vous trouverez ci-dessous un entretien de Nicolas Lebourg avec l’AFP (propos recueillis par Corinne Delpuech), 9 mars 2015 et l’audio de l’émission du « Grain à moudre », du même jour.

φ Comment jugez-vous l’argumentaire du Premier ministre qui veut mobiliser contre le vote FN, en revendiquant notamment une « stigmatisation » de Marine Le Pen?

Nicolas Lebourg : Ce n’est pas idiot de sa part, on comprend sa tactique: remettre une petite pièce sur la question morale avant un scrutin qui menace d’être un désastre pour son camp. Le FN a un boulevard dans les élections locales: axer très puissamment sa campagne contre un clientélisme dans les territoires et un lien entre clientélisme et communautarisme. Il y a une vraie réponse de l’électorat face à ces dénonciations, par exemple à Perpignan ou Marseille. Le jugement moral est alors du côté du FN. Valls essaye de reprendre le critère moral. C’est nécessaire, même si ce n’est pas suffisant.

Les partis ont-ils trouvé les bonnes répliques face aux succès et aux thèmes frontistes?  

Jamais! A l’échelon local comme national, ce n’est jamais sur les bons items que l’on a répondu, même si gauche et droite ne répliquent pas de la même manière. La gauche est dans le domaine de la morale, des valeurs, la droite sur celui de l’efficacité. Mais pour la première, le thème de l’antifascisme ne marche plus, il s’est vidé. Quand Jean-Marie Le Pen ou Bruno Mégret parlaient de l’inégalité des races, on pouvait mobiliser sur l’antifascisme. A Hénin-Beaumont, Steeve Briois fait campagne sur les crèches et il est élu au premier tour. Quant aux leaders de droite, ils ne parlent guère que de la sortie de l’euro. Or 3/4 de leurs électeurs et plus de la moitié des électeurs FN n’y croient pas. La digue est donc très courte, la droite n’a plus d’arguments à opposer au parti de Marine Le Pen.

Quels sont les points de force de l’argumentaire lepéniste ?

Un alliage entre la solidarité sociale de la gauche et l’ordre-hiérarchie de la droite. Le thème du déclin, historiquement à droite, est tout à fait passé à gauche à partir du traité constitutionnel européen (repoussé par les Français en 2005, ndlr): l’idée que la destruction de l’État providence est parallèle à celle de la souveraineté de la France. Marine Le Pen, avec son discours sur le souverainisme intégral, qui comprend la protection des cultures contre une islamisation, répond bien à cette double inquiétude de la destruction de l’État providence et de l’État national. Valls est très bon sur les valeurs de la République. Il a un problème avec le volet social. Un exemple’ Le retour au service civique a été prôné au nom des valeurs politiques, mais sans contenu social. On aurait dit: vous n’avez pas de diplômes mais la Nation vous donne un avantage, par exemple en ouvrant des concours de la fonction publique à ceux qui ont accompli ce service. On aurait fait cette jonction, cet alliage.

φ « Le discours anti-FN est-il voué à l’échec ? », Du Grain à moudre, France Culture, 9 mars 2015, avec Valérie Igounet, Nicolas Lebourg et Mehdi Ouraoui

[audio http://rf.proxycast.org/1003205032570527744/10175-09.03.2015-ITEMA_20731220-0.mp3|titres=Le Grain à moudre|loop=no|animation=no]