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Le «Loup solitaire» n’est jamais loin de la meute

Source : un collage d’enfant, site de l’académie de Grenoble

Par Nicolas Lebourg

Le procès d’Abdelkader Merah a provoqué un flot de réactions et, comme il se doit, le verdict a entraîné un flux d’indignations. L’ancien ministre de l’Intérieur et ancien Premier ministre Manuel Valls est ainsi catégorique: «Merah n’était pas un loup solitaire. Il a grandi dans une famille marquée par la haine profonde des Juifs, de la France et de ses valeurs». Aussi, «à titre personnel», il aurait «aimé qu’[Abdelkader Merah] soit condamné aussi de complicité d’actes de terrorisme».

Le fait que Mohamed Merah provienne d’un milieu radical invaliderait donc le concept de «loup solitaire» et, partant, légitimerait le fait que les membres les plus impliqués du milieu soient judiciairement des «complices».

Le raisonnement n’est pas à l’œuvre que chez le très clivant ex-dirigeant socialiste, puisqu’une chronique de France Inter, entre mille exemples, nous exposait également toute la nocivité du «mythe» du loup solitaire. Néanmoins, il s’avère que le réel est tenace et autrement plus complexe que cette nouvelle vulgate dénonçant celle d’hier.

La meute originelle

Le principe et la méthode du «loup solitaire» furent avant tout des phénomènes américains marginaux.

Selon les calculs du sociologue Ramón Spaaij, entre 1968 et 2007, il y a eu dans le monde 72 actes de loups solitaires sur les 5.646 actes terroristes retenus; dans 42% des cas, ils se sont déroulés aux États-Unis.

Le loup solitaire y est né dans un contexte très spécifique. En 1969, les néo-nazis américains que sont Joseph Tommasi et William Pierce fondent le National Socialist Liberation Front (NSLF), dans l’espoir de fusionner un néo-nazisme mystique avec la contre-culture et d’opérer la jonction avec les révolutionnaires de gauche (perspective tout à fait analogue à celle de leurs homologues européens de la même période).

Un an avant d’être assassiné, en 1974, Tommasi invente la méthode du «lone wolf» (loup solitaire), censée permettre l’action malgré la puissance du «Zionist Occupation Government» (ZOG), supposé apte à infiltrer tout groupe.

Cette méthodologie de l’action individuelle ne doit pas être confondue, comme cela est souvent le cas, avec la question de l’auto-radicalisation: le loup solitaire appartient à un milieu. Selon le politiste américain Jeffrey Kaplan, le NSLF désigna quatre loups, chargés de produire une action révolutionnaire que les masses n’étaient pas censées être en capacité de fournir dans un climat culturel trop propice à la gauche.

Car ce choix méthodologique est bien lié au moment des années 1968, comme on le voit avec l’acolyte de Tommasi, William Pierce.

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