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Ma Première nuit en France [Pologne / 1931]

Par Joseph Beauregard et Nicolas Lebourg

Que diable viennent-ils faire en France ces immigrés ? Comment font-ils pour y parvenir ? La France d'Henri IV, certes, savait déjà accueillir les hommes de toutes confessions. Mais, par un étrange paradoxe, il semblerait que ceux qui évoquent le respect des traditions ne trouvent pas celle-ci probante. Soit : tenons nous en aux grands flux migratoires typiques de l'après Révolution industrielle. Après le patronat, c'est la guerre qui les réclame. Durant la Première Guerre mondiale, environ 20% des ouvriers des usines d'armement françaises sont des immigrés, souvent nord-africains, ensuite expulsés une fois la paix revenue. L'industrie pourtant nécessite encore des flux migratoires, mais l'Etat a donc appris à gérer ces affaires.

En 1919, la France signe avec la Pologne un accord pour organiser les migrations. Les pays sont alliés, les Polonais, confrontés à leurs difficultés socio-économiques, sont un peuple d’émigration. Des médecins français sont envoyés sur place, ouvrent deux centres, font passer des tests aux candidats. Ceux qui sont jugés aptes obtiennent des papiers pour un séjour de trois années.

Dans l’entre-deux-guerres, la France est le premier pays d’immigration au monde. En 1921, il y a un tiers d’étrangers en plus qu’en 1911. En 1931, ils représentent 7% de la population, 15% de la classe ouvrière, mais la proportion dépasse même souvent les trois quarts de l’effectif quand il s’agit des ouvriers d’une mine.

1931 : c’est cette année là que Berek, enfant polonais, passe sa première nuit en France. Ses compatriotes sont venus en masse, poussés par la nécessité, juifs repoussés par la haine, catholiques dont la ferveur est ressentie en France comme quelque peu barbare. Ils font des métiers durs à la tâche. Ils sont surtout dans le Nord-Est de la France, dans ses mines, mais sont aussi des milliers de travailleurs agricoles, Ils se sont regroupés, à la fois du fait des réseaux de solidarité et parce que leur nouvel environnement veut bien de leurs bras mais guère de leurs têtes. 21% d’entre eux réside dans des communes dont ils représentent plus de la moitié du peuplement.

La famille de Berek est installée dans le 11è arrondissement de Paris, au milieu des artisans. A son âge, Berek ne regarde pas tout cela. Ce qu’il découvre, pour sa première nuit en France, c’est l’accueil de l’instruction publique, de la République sociale.

Ecouter « Ma Première nuit en France [Pologne/1931] »

Première diffusion : Joseph Beauregard série Ma première nuit en france diffusée sur Radio Nova en partenariat avec Le Monde.fr, avril 2009.