6 août 1958, l’étrange lettre du Général de Gaulle à Hubert Beuve-Méry
L’Histoire a réservé des destins curieusement mêlés à Charles de Gaulle (1890-1970) et à Hubert Beuve-Méry (1902-1989). Rarement deux hommes se sont aussi bien trouvés pour s’affronter et parfois se soutenir. D’un côté Beuve-Méry se fait une haute idée de son métier, de son journal et de l’institution qu’est devenue au fil des années Le Monde. De l’autre, le Général se fait une grande idée de sa personne, de la France et de leurs rôles respectifs dans Le Monde.
Entre 1944 et 1969 (et plus encore entre 1958 et 1969) l’histoire politique s’incarne dans ce duel tumultueux –parfois un dialogue de sourds – entre ces deux hommes et par cet étrange jeu de miroir : quand l’un fait une conférence de presse, l’autre lui répond dans un éditorial. Vingt-cinq ans d’histoire de la France et de la presse ont été marqués par les confrontations entre le fondateur de la Ve République et le fondateur du Monde qui signait Sirius – l’étoile la plus brillante du ciel -, quand il veut interpeller, bousculer, rudoyer et mettre en garde le général-président contre ses choix et les risques de sa politique.
Voilà le sujet, nous le traitons dans un documentaire diffusé ce jeudi 24 avril, France 5, 21 heures 35.
Avant cette diffusion, je partage ici ce petit échange entre les deux hommes, ainsi que quelques photographies.
Cet échange de bons mots me paraît très significatif.
Depuis leur premier entretien de 1945, Beuve-Méry et de Gaulle ne s’étaient jamais revus. En même temps qu’une demande d’audience, Beuve-Méry adresse au Général son livre « Le suicide la IVe République » reproduisant ses principaux articles. A son plus grand étonnement, il reçoit une lettre manuscrite datée du 6 août 1958 :
« Cher Monsieur,
J’ai lu, relu, les pages que vous réunissez dans « Suicide de la IVe République ». J’y reconnais l’ampleur de la critique et l’étendue du talent. Peut-être après tout, « rien ne vaut-il rien. » Mais dans ce cas qu’importe que cette chose-ci et celle-là meurent et nous tous ?
Veuillez croire, cher Monsieur, à mes sentiments les plus distingués.
C.de Gaulle »
Dans l’entretien donné en 1987 À Pierre-André Boutang, on mesure toute l’empathie qu’avait Hubert Beuve-Méry à l’égard de son « meilleur ennemi » :
« Cette boutade est plus qu’une boutade, parce que j’ai retrouvé la même teneur plusieurs fois dans d’autres circonstances. Je suis convaincu que cela faisait partie de son tempérament, et que tout en ayant les exigences les plus absolues, on pouvait même penser certains jours les plus folles, il avait aussi un sentiment profond de la précarité et de la vanité de tout. Peut-être par une déformation de mon propre tempérament, je dois dire que j’ai savouré, parce que en ce sens-là, j’étais profondément d’accord. »
Ci-dessous quelques photographies que vous pouvez agrandir en cliquant:
COLLECTION DOCUMENTAIRE DUELS
DURÉE 53’
AUTEURS JOSEPH BEAUREGARD ET LAURENT GREILSAMER
RÉALISATION JOSEPH BEAUREGARD
PRODUCTION COMPAGNIE DES PHARES & BALISES, AVEC LA PARTICIPATION DE FRANCE TÉLÉVISIONS