Droit au blasphème et combat culturel traditionaliste

Source inconnue
Alors que la France est repartie dans un débat sur « le blasphème », le hasard, ou peut-être plutôt la périodicité du fait, veut que la revue Contextes publie un numéro spécial dédié à une ancienne affaire « Polémique autour d’un «blasphème». Regards croisés sur l’affaire Golgotha picnic ». On y trouvera un article de Mathilde Barraband et Jean-Yves Camus: « Le combat culturel des traditionalistes catholiques.L’affaire Golgotha picnic, un coup de force ? »
À l’automne 2011, l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (AGRIF) exhorte le maire de Toulouse et le préfet de la Haute-Garonne à user de leurs pouvoirs de police pour interdire les représentations de Golgotha picnic prévues dans la ville rose. Essuyant un double refus, l’association dépose devant le tribunal administratif une requête visant à faire annuler les décisions du maire et du préfet. Elle y prétend que « cette représentation préjudicie […] à un intérêt public (ici, l’ordre public, la dignité humaine, le respect des croyances, la non-discrimination, le principe de laïcité et de neutralité du service public ».
Dans sa plaidoirie, l’avocat de la Mairie de Toulouse invite le tribunal à inverser l’ordre des périls qui pèsent sur l’espace social : c’est moins la pièce satirique qui menace la paix sociale, argumente-t-il, que les opposants catholiques eux-mêmes, trop chatouilleux et susceptibles de déraper. La logique du « pompier pyromane » sert ainsi d’argument pour faire entendre la possibilité que ceux qui recourent à la justice et se posent en pacificateurs se confondent en réalité avec ceux-là mêmes qui, en sous-main, organisent des protestations véhémentes et même attisent la violence.
À voir le déroulé de l’affaire entourant la pièce de Rodrigo García, on peut à tout le moins avoir l’impression que des groupes coordonnés ont mené de concert la bataille des tribunaux et celle de la rue, l’argument de l’AGRIF devant les tribunaux selon lequel elle ne ferait que représenter une communauté blessée perdant alors en force de persuasion. Les choses sont toutefois loin d’être aussi simples.
En effet, l’AGRIF, porteuse des différentes actions en justice, et l’institut Civitas, qui fut le véritable fer de lance de la mobilisation, se tiennent le plus souvent à distance. Certes, les deux groupes appartiennent au courant catholique traditionaliste et nationaliste, certes ils ont à plusieurs reprises mené de mêmes combats, mais leurs engagements divergent tant sur le fond que sur la forme. (I) Le présent article s’efforcera de retracer l’histoire de ces deux groupes mal connus, en mettant l’accent sur ce qui les rassemble autant que sur ce qui les sépare. (II) Il reviendra ensuite sur les rôles respectifs qu’ils ont joués dans l’affaire Golgotha picnic, en replaçant leurs argumentaires et leurs modus operandi dans l’histoire longue de la vingtaine de polémiques et procès pour blasphème qui ont scandé la vie culturelle française des cinquante dernières années.