Le Soft power russe en France

Création de Stephen McMennamy,
Le Carnegie Council et la Foundation Open Society Institute, en coopération avec l’Open Society Initiative for Europe ont mis en place un programme sur le soft power russe en France, dirigé par Marlène Laruelle.
Vous pouvez télécharger le premier rapport réalisé par Marlène Laruelle Le « soft power » russe en France: la para-diplomatie culturelle et d’affaires dans sa version française, Russian Soft Power in France: Assessing Moscow’s Cultural and Business Paradiplomacy
dans sa version anglaise.
Vous pouvez retrouver toutes les ressources du programme depuis sa page sur le site du Carnegie Council.
Introduction : La relation francorusse s’appuie sur des traditions anciennes d’interaction entre les deux pays : la France était déjà l’une des destinations privilégiées des exilés politiques russes dès le XIXe siècle, elle a ensuite accueilli plusieurs des grandes vagues de l’émigration russe, et s’est positionné en puissance européenne relativement favorable à l’Union soviétique sous la présidence de Gaulle. La forte tradition communiste française a également joué en faveur d’une proximité idéologique certaine, et la langue russe était largement enseignée dans le secondaire jusqu’à la fin de l’URSS. Aujourd’hui, les relations bilatérales sont plus complexes, marquées par des interactions économiques et culturelles denses, mais des difficultés politiques sur les grands dossiers internationaux, Ukraine et Syrie en tête de liste. Depuis le soutien affiché par la Russie à l’extrême-droite européenne et la lune de miel—aujourd’hui bien affaiblie—entre le Front National et certains milieux du Kremlin, les débats sur la « présence russe » et les « réseaux d’influence russes » en France se sont multipliés, atteignant parfois des formes aigues de paranoïa fondées sur des exagérations grossières, des suppositions sans preuve, et une reproduction du discours américain autour de la supposée ingérence russe dans l’élection de Donald Trump.
L’objectif du dossier proposé ici est une analyse sobre et sans accusation de la présence russe en France. Toutes les grandes puissances entretiennent de multiples formes de soft power dans les pays qu’elles considèrent comme cruciaux sur la scène internationale, la France étant tout naturellement l’un d’entre eux. Loin de faire de la Russie un cas unique, il serait bon de comparer les actions russes en France aux instruments déployés par les Etats-Unis, la Chine, l’Arabie Saoudite ou le Qatar. Le soft power russe peut prendre plusieurs formes. Ce papier se concentre sur l’une d’entre elles, le soft power culturel et d’affaires. Il ne prend pas en compte les activités organisées officiellement par l’Etat russe ou l’Ambassade de Russie en France—elles sont majeures, par exemple le fait que la Russie soit invitée d’honneur au Salon du Livre en 2010 puis de nouveau en 2018, et le lancement du « Dialogue du Trianon » décidé par les présidents Macron et Poutine entre les sociétés civiles française et russe—mais s’intéresse aux réseaux non directement étatiques, offrant une cartographie du tissu de ce soft power russe : les associations diasporiques, celles liées aux milieux d’affaires, les grandes fondations orthodoxes, l’Eglise orthodoxe russe, puis le cas des think tanks et des médias.